Arts plastiques Ouverte le jeudi 23 juin à l'Espace d'art l'amphytrium, l'exposition sur l'art Africain, organisée par Faïza Daoudi et Norbert Charles Gachenot, offre un panorama des tendances artistiques africaines : masques, peintures, tissages, bijoux… Une grande exposition de référence. "La sculpture nègre fournit la preuve indéniable des possibilités de l'art anti-idéaliste. Inspirée par un souffle religieux, cette sculpture fournit une représentation variée et précise des grands principes et de l'universalité des idées. peut-on dénier l'attribut d'art à un procès créatif qui produit des représentations individuelles chaque fois d'une manière différente. C'est à l'opposé de l'art grec, qui commençait par l'individu pour tenter de suggérer le type idéal." Juan Gris écrivait ceci un 3 avril 1920 dans “Action“ N 3. De fait, depuis les années vingt, "l'art nègre" est venu insuffler aux arts essoufflés une sève oubliée. Pour que les arts primitifs soient acceptés et reconnus dans le monde artistique occidental, il aura fallu que Gauguin, les fauves, les expressionnistes, les cubistes et les surréalistes s'en emparent, les assimilent et les proposent sous une forme acceptable. Une démarche qui a permis d'un côté l'occultation de plusieurs expressions primitives, de l'autre créer une filiation avec les plus grands courants artistiques du XXème siècle. Cet acclimatement a été accompagné du génocide culturel des sociétés colonisées. Au moment même où la statuaire africaine était consacrée comme art à part entière, la production de ces peuples a dégénéré, se limitant à des objets sommaires, stéréotypés, à usage essentiellement touristique. L'exposition offerte par deux grands amoureux des arts au Maroc, Faïza Daoudi et Norbert Charles Gachenot, tente de réhabiliter l'une des expressions humaines les plus ancrées dans le vécu, l'héritage et la primitivité mystique de l'espèce. À travers quelques pièces de grande qualité, c'est un panorama de l'Art Africain qui défile devant les aficionados. Du masque, au bijou en passant par la peinture, le tissage, c'est une exposition qui ouvre une réflexion à la fois sur le patrimoine, la transcendance des figures tutélaires, le rapport au sacré. La symbolique des masques Ce qui caractérise cette magnifique exposition, au-delà du travail pictural d'Anna Maria Mallard sur l'Afrique et les bijoux de Norbert Charles Gachenot, ce sont les masques et les sculptures africaines. Œuvre artistique à part entière, le masque est représentatif de l'art tribal qui considère l'acte de création comme un moyen d'exprimer les croyances religieuses. Une subtilité dans l'expression, une portée sacrée qui place l'individu au cœur d'une approche unifiée de l'univers. Le masque exerce dans ces circonstances une fascination particulière. Il fait partie de la recherche d'un autre visage, il transforme celui qui le porte de manière transitoire, lui donnant même parfois un pouvoir et un statut particuliers dans le cas de la sorcellerie ou des danses religieuses. Et là, cette transmutation de soi est une transcendance des valeurs du monde, une espèce de saturnales où l'individu effectue une sortie de lui-même dans un espace rituel où le va-et-vient entre les différentes manifestations de l'être devient le centre même de l'existence humaine. Ici, ils ont cette particularité de nous inciter à voir le caché derrière l'absence d'une image primale. Comme un choix de voir le monde à travers le prisme du non-dit, du dissimulé, une sorte de filtre pour apprendre à mieux voir le monde. Pour paraphraser Kafka, c'est une faculté de l'être de fermer l'œil, de temps à autre, pour mieux toucher l'essence de ce qui l'entoure. On pouvait faire confiance et à Faïza Daoudi, pétrie de sensibilité et d'amour pour l'art et ses profondeurs et à Norber•t Charles Gachenot, l'une des figures de proue de la promotion des arts et de la culture au Maroc pour réussir un tel pari. À, la fois mélange de beauté et d'intelligence pour une manifestation artistique qui se veut surtout une idée du monde actuel.