Vie universitaire Plusieurs arrestations, des dizaines de poursuites judiciaires … Le malaise qui plane sur l'université marocaine, en quête d'un cursus au diapason de son temps est révélateur, à plus d'un titre. Mercredi 9 février, au matin. La gelée qui marque, depuis le début du mois, la météo du pays, aurait pu marquer les esprit, d'habitude rebelles des étudiants de la cité de Fès. Loin s'en faut. Appelant au boycott des examens de la première session, les étudiants en colère, ne prenaient pas au sérieux ni les sommations des forces de l'ordre ni l'appel à la raison de l'Administration. La tension monte d'un cran, et la police charge. Bilan : des dizaines de blessés, autant d'étudiants incarcérés et une perturbation notoire de la vie universitaire. Aux étudiants de la faculté de droit se sont joints ceux de la faculté des sciences pour appeler au boycott des examens. Motifs : “l'administration n'a pas honoré ses engagements, ultérieurement conclus avec les représentants des étudiants”. Il y est question, entre autres, de la suppression des notes éliminatoires, l'abandon du système du contrôle continu et surtout d'un calendrier précis, dans l'espace et dans le temps, en ce qui concerne les examens. L'argumentaire des mécontents n'est pas du genre à convaincre, il n'en soulève pas moins un point "d'ordre technique“ selon le rectorat. “L'université de Fès compte plus de 20 mille étudiants, répartis sur 10 amphis dont 6 sont récents” note une source estudiantine. Or : “En y ajoutant les 30 salles dédiées aux travaux dirigés (TD), il s'avère impossible de recourir aux contrôles continus comme prévu par la réforme”, ajoute la même source. Dans la foulée, les étudiants insistent également sur “les problèmes du transport et de la vie au campus”. Subterfuge ou réelle revendication ? Ce qui est certain, c'est que la réaction des forces de l'ordre “a été très musclée” : Outre l'intervention au sein de l'université, la traque des “étudiants en colère” s'est poursuivie jusqu'aux moyens du transport urbain. Procès Au total plus d'une trentaine d'étudiants ont été déférés jeudi 18 février 2005 devant le parquet. Chefs d'accusation : outrage aux forces de l'ordre, usage de violence, dégâts, association non autorisée, port d'armes blanches et incitation à la violence. La même semaine à Marrakech, sept étudiants dont deux étudiantes de la faculté des sciences juridiques économiques et sociales, ont comparu devant la juridiction ad hoc . Prévu pour cette semaine, le verdict risque d'être très sévère. A en juger par les sentences prononcées par le tribunal, les peines varieraient entre quatre mois et trois ans fermes ! Il y a un mois, en effet, le tribunal de première instance a condamné les membres d'un premier groupe de peines très lourdes similaires à celles sus-mentionnées. Enjeux Au-delà des condamnations habituelles, émanant d'une telle ou telle faction estudiantine, l'unanimité quant à la position à adopter n'est pas de mise. Les enjeux, souvent animés par des calculs partisans ne trompent pas, outre mesure la “gent” des campus. Livrés à eux-mêmes, ces campus sont devenus depuis presque deux décennies, l'arène de guéguerre entre extrémistes. Qu'ils soient de gauche radicale, ou d'obédience islamiste en général et Adli en particulier, les apprentis-Che, investissent l'espace universitaire, le temps d'une épreuve trimestrielle, pour faire prévaloir leur vision maximaliste. Souvent, comme c'est le cas aujourd'hui, sans grand succès. Les uns plus que d'autres. La mouvance islamiste, dont l'OPA sur l'organisation estudiantine n'est pas à démontrer avance masquée et tente de sapper la réforme sans en assumer officiellement la responsabilité. L'extrême gauche, ou ce qui en reste précisément, joue la récupération. En perte de vitesse depuis le début des années 80, date de la tenue du dernier congrès de l'Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM), les plus activistes de la mouvance radicale se cantonnent aux rôles de la force de nuisance. Sans grand succès, là aussi. Malgré ce constat, la réforme universitaire peine, encore, à trouver une force de défense au sein de la masse estudiante. Et pour cause : la leçon aussi magistrale soit-elle n'a pas pu imprégner les esprits. Y réussir, c'est tout un programme dont dépend la sérénité de nos facultés.