Amine Berrada De père expert-comptable aujourd'hui reconverti dans la gestion de la holding familiale, Amine Berrada, directeur général d'Aiguebelle et de Tentation (deux sociétés du groupe), lui a emboîté le pas dès la fin de ses études supérieures. Le jeune manager voit l'avenir d'OMNIPAR en grand. Portrait. Pur produit de l'école américaine où il a reçu l'essentiel de sa formation, Amine Berrada préside aujourd'hui aux destinées de deux sociétés : Aiguebelle (Compagnie chérifienne de chocolaterie) et Tentation. Ces deux entités appartiennent à la holding familiale OMNIPAR. Ce groupe est spécialisé dans l'agroalimentaire, la distribution, l'immobilier et les produits financiers. Agé de 27 ans, Amine Berrada, directeur général d'Aiguebelle et de Tentation a effectué tout son cursus scolaire à l'école américaine de Casablanca. Son baccalauréat en poche, contrairement à la majorité de ses concitoyens attirés par les universités françaises, il a choisi de poursuivre ses études supérieures aux Etats-Unis. C'est à la Duke University, en Caroline du Nord, dans le sud-est de ce pays-continent, que le jeune bachelier marocain a obtenu son inscription en sciences économiques. Ce temple du savoir, faiblement fréquenté par les étudiants internationaux, a son équivalent en France, dénommé HEC. Après l'obtention de son “bachelor” dans cette discipline, il s'est attaqué à la sociologie et à la stratégie d'entreprise. De quoi étoffer ses connaissances sur les hommes et l'entreprise. Et c'est ce qu'il met actuellement en pratique sur le terrain. “Je suis un produit de l'éducation américaine. Elle vous inculque un aspect pratique répondant aux besoins de l'entreprise”, indique, sans complexe, Amine Berrada. Une chose est sûre : ce fils d'expert-comptable reconverti dans la gestion de la holding familiale, voit grand pour OMNIPAR, soumise aux méthodes modernes de management, et pour l'entreprise marocaine en général. “Je fais partie d'un groupe, OMNIPAR, qui était propriétaire de la société des Cafés Ennasr, dont les marques les plus célèbres sur le marché sont Samar, Gaouar et Carte noire”, explique le jeune administrateur de Tentation. Les Cafés Ennasr ont en effet été cédés, le 2 mars 2001, à Kraft Maroc, une filiale de la multinationale américaine Philip Morris. La stratégie d'Amine Berrada, depuis qu'il a pris en main la gestion d'Aiguebelle, s'appuie sur une vision résolument tournée vers l'avenir. “Au niveau d'Aiguebelle, plusieurs sociétés sont aujourd'hui au pied du mur. Elles doivent investir pour préparer l'avenir ou bien gagner le maximum d'argent et fermer leurs portes d'ici quelques années”, affirme-t-il. Cette situation ne date pas d'aujourd'hui. Elle résulte du fait que cette entreprise, fondée en 1940 par un groupe de Français, a connu plusieurs années de gestion approximative après le retrait de ses fondateurs. Par la suite, elle s'est endormie sur ses lauriers et n'a pas su se préparer pour affronter l'avenir. Avec l'ouverture des frontières et la baisse des droits de douanes, il va sans dire que la compétitivité sera capitale. Dans cette optique, la société a décidé d'investir afin de prendre son avenir en main. Pour ce faire, la production de chocolat étant un secteur particulièrement difficile et Aiguebelle ne bénéficiant d'aucune aide particulière de l'Etat (ce qui n'est pas le cas de ses homologues étrangères), la société a décidé d'investir. Ceci l'amène à mettre en place des certificats ISO 9000 de gestion et HSCP de qualité alimentaire, autrement dit les normes les plus rigoureuses au niveau international. Dans ce contexte, des accords avec l'Union européenne ont été signés pour bénéficier d'aides spécifiques. “Si le développement d'Aiguebelle est en bonne voie, c'est qu'elle bénéficie d'une bonne politique managériale”, dit-il avec fierté. Il rappelle que l'entreprise est arrivée à un tournant et doit mettre en œuvre une mise à niveau industrielle, marketing et de gestion pour construire des bases saines. L'idée de fabriquer des chocolats haut de gamme au Maroc sous l'étiquette “Tentation” n'émane pourtant pas d'Amine Berrada, en tout cas concernant l'implantation de magasins. Son idée de base était de faire de ce label un chocolatier comme les autres, avec un projet d'importation. D'ailleurs, le précédent responsable du projet avait déjà procédé à l'importation de produits de Belgique et d'autres pays reconnus dans ce créneau. “Lorsque j'ai repris le dossier, je me suis dit : pourquoi importer un produit alors qu'on peut le fabriquer au Maroc ? Notre pays doit aussi être un distributeur si l'on veut créer de la valeur ajoutée”, affirme-t-il. Décider d'investir au Maroc et de fabriquer un chocolat haut de gamme était un défi de taille. Et le succès semble être au rendez-vous, après l'ouverture de la première boutique Tentation à Casablanca. Ceci dit, le groupe OMNIPAR devra consentir beaucoup d'investissements dans les cinq années à venir pour mener à bien ses projets. Leur montant est pour le moment difficile à chiffrer, mais on peut d'ores et déjà évaluer les besoins de financement des activités d'Aiguebelle à plusieurs dizaines de millions de dirhams. Une nouvelle preuve de la volonté de la société de se diversifier. A la question de savoir si le groupe OMNIPAR est prêt à ouvrir son capital à d'autres actionnaires nationaux et étrangers, Amine Berrada répond que ce n'est pas à l'ordre du jour. Il pense en effet que la stratégie la plus adaptée est la diversification par le biais des joint-ventures. Cela permettra, selon lui, à la holding de tirer le meilleur parti de ses forces, à travers des alliances stratégiques avec des sociétés marocaines ou étrangères. “C'est là que la spécialisation dans la distribution revêt toute son importance”, indique le directeur général d'Aiguebelle. Les groupes étrangers disposant déjà d'un métier, d'une structure et de compétences dans ce créneau chercheront en effet en priorité des partenariats dans la distribution. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Kraft a racheté les Cafés Ennasr. “Ce n'est pas seulement le marché des cafés qui a motivé Kraft, mais surtout le réseau de distribution dont nous bénéficiions, dans le but de distribuer au Maroc des produits fabriqués dans d'autres pays”, avance-t-il. Amine Berrada ne s'affirme pas défavorable à l'entrée d'autres personnes dans le capital du groupe. En même temps, il reste prudent pour un certain nombre de raisons. La première est que les fonds tirés de la cession des Cafés Ennasr permettent à la holding de s'autofinancer. Par conséquent, elle n'a pas besoin d'aller chercher des capitaux extérieurs. A l'inverse, le groupe pourrait chercher un financement externe, afin d'acquérir du savoir-faire. Une éventualité que n'exclut pas Amine Berrada.