Redéploiement des ressources humaines Le technocrate bigrement efficace et homme pointu des dossiers hypersensibles mène sereinement la réforme de l'administration marocaine. Après avoir résolu, en consensus avec les partenaires sociaux, l'épineux litige de la revalorisation statutaire et indemnitaire des administrateurs et cadres assimilés de la fonction publique, voici le ministre de la Modernisation des secteurs publics fin prêt pour mettre en branle le processus des "grands départs" volontaires en 2005. Notre "pontiste", décidément abonné à la réussite des "affaires", administratives cela s'entend, peut déjà se frotter les mains car les candidats sont nombreux à se bousculer au portillon. Le bel ouvrage, en somme, de l'efficacité du génie national. Les projections optimistes sont de mise après le peaufinage d'une seconde version d'un dispositif de départs volontaires qui satisfait pleinement les demandeurs. Rappelons que le premier "appel d'offres" national des départs, en 2003, avait abouti à un échec patent avec à peine un millier de fonctionnaires intéressés en "partance". Mohamed Boussaïd ne cache plus une demande potentielle qui gonflera encore davantage les chiffres après les 30 000 partants qui auraient déjà manifesté leur décision de quitter une administration pléthorique et budgétivore sans commune mesure avec les rendements et productivités escomptés. La barre des 900 000 fonctionnaires, sans compter les non-civils, qui consomment plus de 5 milliards DH par mois est presque atteinte et coûte 12,5% du PIB. Un ratio qui ne tardera pas à frôler le seuil des 13% au terme de l'année en cours. Un budget national lourdement grevé sans comparaison aucune avec les standards des autres nations, y compris les pays à niveau de développement similaire. A l'instar de l'Egypte avec ses un peu plus de 8%, ou la Tunisie avec ses un peu plus de 7% ou, encore, et l'écart est énorme, la Turquie et ses moins de 3%. Un dispositif bouclé et opérationnel Le coup d'envoi donné, le nouvel an a été mûrement préparé tout à l'avantage de la valorisation des ressources humaines "sortantes", de l'encouragement des jeunes diplômés de la fonction publique à la création d'entreprises et de la ...démocratie. En effet, le dispositif mis en place repose, d'abord et avant tout, sur une procédure laissée à la discrétion des candidats et leurs supérieurs hiérarchiques libres de considérer les besoins du maintien des compétences ou de service. Autrement dit, aucun départ "forcé" ou "suggéré" ou favorisé sous "pression" ne sera toléré. Le volontariat est le seul critère de décision, et cela, c'est de la démocratie "pure et dure". Et ce ne sont pas les structures de veille qui manquent pour mettre en œuvre le décret de loi en vigueur et la circulaire ad hoc du Premier ministre. D'abord, la Commission centrale comprenant les Départements de Boussaïd et Oualalou et la CMR veillent au grain de la parfaite régularité de l'opération. Celle-ci est relayée par des cellules locales au sein de chaque ministère concerné pour mener l'ouvrage à bon port. En appoint, sera mis à contribution un vaste réseau de DRH des institutions intéressées qui s'impliqueront dans la réussite de l'opération. Un nouveau système d'information moderne et performant facilitera beaucoup les procédures. Et, enfin, la transparence sera de règle en confiant les campagnes de communication sur le sujet à une agence spécialisée associée à toutes les étapes de l'avancement du projet. Rappelons aussi les modalités convenues de rémunération des départs dont le montant indemnitaire sera calculé à raison d'un mois et demi de traitement brut plafonné à 36 mois pour les fonctionnaires des échelles 6 et au-delà. En outre, les droits à la retraite seront conservés à hauteur de 2% à 2,5% des traitements de base à intégrer dans les pensions. L'Etat devra débourser 4,4 milliards DH pour indemniser les partants âgés entre 45 et 59 ans, avec toutefois une "économie" appréciable en termes de budgets salariaux. En effet, ce n'est pas moins de 27 milliards DH , soit 7 fois plus, que devrait débourser l'Etat dans le cas de figure du maintien de tous ces fonctionnaires en activité jusqu'à leur départ à l'âge normal de la retraite. Mais ces mesures ne se cantonnent pas uniquement à souligner les finances des dépenses publiques. Bien au contraire, parallèlement, et ce sont là deux composantes fondamentales de la réforme globale de l'administration, les départs volontaires faciliteront la mise en place de système de formation continue et de nouveaux mécanismes d'appui à la mobilité professionnelle, d'une part et la transformation du système actuel d'évaluation et de promotion des fonctionnaires d'autre part que Boussaïd entend désormais fonder sur le mérite et le rendement. Fonction publique/Masse salariale Un ratio budgétivore Le dernier rapport livré par le ministre de la Modernisation des secteurs publics est véritablement un coup de semonce donnant l'alerte au gouvernement se heurtant à un "serpent de mer" gigantesque, dont le corps et les organes croulent sous une surcharge incroyable d'effectifs pléthoriques mettant "à feu et à sang" les ressources budgétaires modestes d'un Etat relayé par une administration anarchique et bureaucratique. La grosse difficulté à résoudre pour le ministre Boussaïd, et pas des moindres, est de crever, dans les meilleurs délais, l'énorme abcès d'une masse salariale budgétivore de 55 milliards DH consommés par les 851 300 fonctionnaires civils, soit l'équivalent de quelque 5 milliards Dh par mois représentant près de 13% du PIB. Une évolution "catastrophique" qui a vidé les caisses de l'Etat, l'on se rappelle les fameuses périodes où les fonctionnaires, pour être payés, attendaient des secours de l'étranger en urgence. Une masse salariale qui a pris un "embonpoint" incroyable cette dernière décennie en augmentant de près de 80% en taux cumulé entre 1996 et cette année. 60% des effectifs sont âgés de plus de 40 ans et le salaire moyen brut est de 6450 DH. Le ratio de la masse salariale rapportée au PIB atteindra 12,8% cette année. L'ancienneté moyenne des fonctionnaires est de 22 ans et 30% sont des cadres. La ventilation des fonctionnaires fait la part belle à l'administration d'Etat qui s'accapare 64% des effectifs contre 20% aux entreprises publiques et 16% aux collectivités locales. 9% des fonctionnaires du Royaume travaillent dans les services centraux et 28% du total sont concentrés à Rabat et Casablanca. La masse salariale s'est accrue de 78% entre 1996 et 2005. 156 000 fonctionnaires iront à la retraite d'ici à 2018.