Khalid Cheddadi, PDG de la CIMR Khalid Cheddadi vient d'être renforcé dans ses positions, il y a quelques semaines, en tant que président de la Caisse. Après son expérience à l'Alliance africaine, l'homme nous livre aujourd'hui sa vision sur le système de retraite marocain et sur la réforme entamée au sein de la CIMR. La Gazette du Maroc : Lesystème de retraite marocain se voit remis en question. Pouvez-vous nous citer les principales raisons ? Khalid Cheddadi : les problèmes d'ordre général ne sont pas propres aux caisses marocaines, mais touchent la majorité de leurs consoeurs de par le monde. D'un côté, ils se trouvent liés à la démographie qui se manifeste, à travers l'allongement de l'espérance de vie, la baisse de la natalité et le recul de l'âge d'entrée dans la vie active, et de l'autre, aux phénomènes économiques et financiers tels que le chômage, l'inflation ou encore la fluctuation des marchés financiers. Les problèmes spécifiques aux caisses peuvent, eux, se résumer principalement dans la générosité plus ou moins excessive dont elles font preuve et dans une moindre mesure, dans le rendement financier des réserves, qui peut ne pas être optimisé pour certaines d'entres-elles. Ce que je voudrais également souligner, c'est que depuis quelques années, il existe une très grande prise de conscience au sein des caisses, qui a conduit à une évaluation objective et professionnelle de leur situation, et même dans certains cas, qui a été couronnée par l'adoption de réformes en profondeur qui ont conduit au redressement de la situation. Tel est le cas en particulier de la CIMR. Quelle est justement la situation bilancielle actuelle de la CIMR ? Notre exploitation pour l'exercice 2003 s'est soldée par un excédent de 1211 MDH, contre un déficit de 124 MDH l'exercice précédent. On voit ici, bien entendu, l'effet de l'encaissement des cotisations salariales, mais je relève avec satisfaction que cet excédent dépasse ces dernières de plus de 104 MDH. Suite à ces résultats, les réserves de la CIMR ont été portées à 6 548 MDH, représentant 3,77 années d'allocations, contre 5 377 MDH et 3,25 années d'allocations une année auparavant. Nos revenus du patrimoine se sont établis à 540 MDH, en progression de 79% par rapport à l'exercice précédent, alors que le compte “Frais Généraux et Pertes et Profits”, a totalisé 43 MDH, en progression de 2,8% par rapport à l'exercice précédent. Il convient de signaler tout particulièrement la bonne maîtrise des frais généraux, dont le rapport aux produits techniques est de 1,7%, niveau très en-deçà de ceux observés dans les autres caisses de retraite marocaines ou étrangères, où il est en général de plus de 5%. Nous comptions au 31 décembre 2003, 229 388 actifs cotisants, 179 558 ayants droit et 90 305 allocataires pour une pension annuelle totale de 1 813 millions de DH. Nous procédons chaque année à l'élaboration d'un bilan actuariel pour examiner la pérennité de notre régime sur le long terme, à travers des études démographiques et actuarielles, et à la lumière des critères de pérennité fixés par notre Charte de pilotage. Et c'est là encore un des principaux apports de la réforme 2003 qui ne se suffit plus uniquement du bilan comptable. La réforme 2003 concerne la CIMR. Quelles sont les principales mesures prises dans ce sens ? L'élément déclencheur de la réforme 2003 a été, bien entendu, le déséquilibre prévisible entre ses recettes et dépenses à moyen terme. Mais plutôt que de s'arrêter au problème de l'équilibre des paramètres du régime, la réforme 2003 s'est attaquée à des notions plus fondamentales qui permettent à notre caisse, non seulement de résoudre un problème ponctuel, mais également d'inscrire cette solution dans la durée pour veiller à sa bonne gouvernance. C'est ce qui fait l'originalité de la réforme 2003 de la CIMR, qui repose à la fois sur la réforme paramétrique et une nouvelle vision de la gouvernance. Concernant le premier volet, le but recherché est de retrouver l'équilibre du régime à brève échéance, en répartissant l'effort à consentir sur les trois parties concernées, à savoir les employeurs, les salariés cotisants et les rentiers. Cinq mesures ont été prises à cet effet. La première concerne la gestion par la CIMR de la part salariale. La seconde impose la baisse progressive du rendement jusqu'à atteindre 10 % en 2010. La troisième retient la limitation de la revalorisation des rentes en service à 0,7% jusqu'en 2010. La quatrième vise la suppression des majorations familiales. Enfin, la dernière valorise la mise en place d'une contribution supplémentaire non génératrice de droits, à la charge exclusive des employeurs. Corrélativement, tous les autres avantages ont été maintenus. L'amendement au Code des assurances permet à la CIMR de gérer jusqu'en 2007, les cotisations salariales pour augmenter ses actifs. Quelle devrait être, selon vous, la solution pour optimiser le régime après cette échéance ? La gestion par la CIMR des cotisations salariales, à partir du 1er janvier 2003, fait partie intégrante de la batterie de mesures prises dans le cadre de la réforme paramétrique. Elle n'est donc pas à lier au Code des assurances. Son objectif est, certes, de renforcer la situation financière de la caisse, mais surtout de faire profiter le régime d'économies substantielles réalisées dans la gestion des cotisations et des placements. Car il ne faut pas oublier que les compagnies d'assurances, qui sont des entreprises commerciales, prélevaient des frais de gestion sans commune mesure avec ceux de la CIMR et gardaient une partie du bénéfice financier (10%) dégagé par les placements. Ces cotisations ont donc été extraites d'un système marchand, pour être gérées dans un système, à but non lucratif. Le problème posé par le Code des assurances est, quant à lui, lié, à l'impossibilité pour une caisse de retraite, gérée en répartition, de satisfaire à certaines de ses dispositions, notamment celles relatives à la constitution et à la représentation des engagements techniques. Pour y parvenir, il faudrait financer l'engagement non couvert, qui se chiffre en milliards de DH. Il faut ici souligner que les autres caisses de retraite marocaines, gérées totalement ou partiellement en répartition ont été dispensées à juste titre, de l'application des dispositions du Code des assurances, dans la mesure où elles sont soumises à une législation qui leur est propre. C'est pour cela que l'objectif est de doter la CIMR d'un statut et d'une réglementation particuliers, lui permettant de poursuivre ses activités, au-delà de 2007, et la dégageant de son caractère facultatif. Les études actuarielles ont démontré que tout régime géré par répartition dépend, dans ses équilibres, du moteur démographique. Pouvez-vous apporter votre éclairage sur ce point ? Ce qu'il faut savoir pour bien comprendre l'influence de l'élément démographique sur l'équilibre d'un régime géré en répartition, c'est que dans un tel régime, les cotisations perçues lors d'un exercice servent à payer les prestations du même exercice. Les crises rencontrées par la quasi-totalité des caisses gérées par répartition ont abouti progressivement à l'abandon de cette règle stricte pour évoluer, dorénavant, vers des régimes dits en répartition provisionnée. Ainsi, un régime par répartition qui démarre ses activités, encaissera des cotisations importantes, mais aura peu de pensions à payer. Ceci peut l'entraîner vers un excès de générosité, ce qui a été le cas de tous les régimes marocains à leur démarrage. Les premières difficultés commencent à apparaître avec l'arrivée à l'âge de la retraite des premières vagues d'allocataires. Mais même si au rythme de croisière, le régime réussit à réaliser l'équilibre entre ses recettes et ses dépenses, tout changement significatif dans le comportement démographique de sa population peut perturber gravement cet équilibre. Il peut notamment s'agir de l'allongement de l'espérance de vie, qui aboutit à l'allongement de la période de service de la pension et augmente sa charge, ou d'une baisse de la natalité qui limite le nombre d'entrées dans le régime, ou encore de la réduction des emplois qui diminue le nombre des actifs cotisants. Malheureusement, il arrive souvent que plusieurs de ces phénomènes se combinent et cumulent leurs effets négatifs. La refondation de la CIMR passe également par la modernisation de son management. Quelle est la politique mise en place à cette fin ? Le processus de modernisation a démarré avec le lancement du Projet d'entreprise “Ensemble pour réussir” de la CIMR qui vise à moderniser les méthodes de gestion et de management, à dynamiser l'organisation et à identifier les voies de progrès. Ce projet a ainsi permis d'arrêter plus de 200 actions d'amélioration, dont la mise en œuvre a d'ores et déjà commencé. Parallèlement, de nouvelles fonctions ont été créées : un Département actuariat, études techniques et statistiques a ainsi été mis sur pied, de même qu'un Service communication interne et externe, un Service de contrôle de gestion et un Service organisation & assurance qualité. De même, l'équipe chargée de la gestion du portefeuille, au sein de la Direction financière, a été renforcée. La CIMR s'est, également, fixée comme priorité l'implémentation d'une politique de proximité avec ses adhérents et affiliés. L'ouverture d'une première agence régionale à Tanger a été annoncée et de nouvelles agences seront également créées à un rythme régulier.