Insécurité et manifestations De vraies-fausses informations en rumeurs, en passant par la manipulation, les dernières semaines auront représenté un seisme pour la ville de Fès. Mais que s'est-il passé réellement ? Pourquoi tant de mauvaises nouvellles au sujet de l'insécurité qui se serait propagée dans cette ville ? Deux événements ont réussi à mettre le feu aux poutres. Branle-bas de combat à Fès. Des citoyens dans la rue qui crient leur hargne et leur exaspération. Des filles qui se font violer, en plein jour, dans les ruelles de la médina. Des gangs qui s'entretuent à coups de sabre et de poignard. Et tant d'autres choses que l'on raconte depuis quelques jours qui poussent à croire que la cité lumineuse s'est convertie en capitale du crime et du grand banditisme. La presse, apportant son eau au moulin, a fini par décrire la médina de Fès comme un nid de voleurs où trouvaient refuge, en toute impunité, les criminels les plus redoutables de la zone. Des faits divers transformés en crimes du siècle Nous ne sommes ni dans les parages des hôtels à touristes, ni dans l'un des quartiers cossus de la ville où circuleraient des gens argentés. Les bandes criminelles auraient-elles troqué les bonnes cibles contre de misérables conditions humaines ? C'est ce qu'il faut croire. Car au départ de ce sentiment d'insécurité qui plonge la ville dans la suspicion, dont on ne comprend ni les causes profondes ni les objectifs, se trouvent deux faits divers qui ne figureront jamais dans les annales de notre pays. En premier lieu, une jeune fille, habitant la médina, qui sort de chez elle en larmes et quelque peu déboussolée après une violente dispute avec son propre père. Elle passe en courant dans les ruelles et les badauds et autres passants remarquent que ses vêtements sont mal mis ou un tantinet déchirés à cause de la bagarre. Dans les rues de la vieille ville, de bouche à oreille et de rumeurs en fantasmes, elle devient une fille “violée” qui a très certainement été prise de force quelques minutes auparavant par un délinquant, ou pire comme il nous le sera dit sur place, par un gang qui fait la loi. Pourtant la police, procès-verbal en main, démontre que la famille de la jeune fille a été contactée et qu'une dispute familiale tumultueuse était à l'origine de la fugue de l'adolescente. Un autre jour, à l'aube, dans cette même médina, une confrontation mettra en présence deux éléments des forces de l'ordre avec une bande de délinquants qui avait passé la nuit à boire et à se droguer. Munis de couteaux, ces petits truands allaient sauvagement agresser les deux policiers avant de les abandonner à hauteur de Bab Sidi Aouad. La médina de Fès doit être réhabilitée Après ces deux uniques incidents, les filles violées sont devenues légion, les bandes criminelles ont commencé à avoir pignon sur rue dans la vieille ville, les grands gangsters du Maroc sont devenus fassis...S'il est vrai que la médina de Fès, source de tout cet imbroglio, connaît depuis de nombreuses années une dégradation sensible de son environnement et du niveau de vie de ses habitants et commerçants, jamais aucun touriste n'a été agressé dans son enceinte, aucune banque -toutes les grandes banques marocaines sont présentes dans la médina- n'a suscité l'intérêt des criminels et aucune grosse affaire de délinquance n'y a jamais été enregistrée. En contrepartie, il est à remarquer que certaines places de la vieille ville sont devenues de véritables petits marchés aux puces où se retrouvent des individus de toutes sortes. C'est là, selon plusieurs témoignages d'habitants, que prospère la petite délinquance. Les vols y sont fréquents. L'aspect labyrinthique des ruelles protège les détrousseurs et petits fraudeurs du dimanche. Quand le soir tombe, l'absence d'éclairage interpelle les délinquants qui cherchent une cache pour dormir ou pour faire la fête jusqu'à l'aube. Des projets à la pelle Il s'avère que la médina de Fès retient toute l'attention des responsables, et au-delà de notre Roi Mohammed VI qui s'est penché avec une certaine inquiétude sur le sort de la cité. Il en ressort des dizaines de projets qui sont déjà à l'œuvre dans les quatre coins de la médina. Une conscience particulière anime les élus, autorités, amicales des habitants qui connaissent les enjeux liés à la réhabilitation des vieux quartiers. Selon un commerçant : “si la vieille ville retrouve son dynamisme d'antan, il n'y aura plus de place pour la petite délinquance qui nous fait beaucoup de tord”. Pour cet adolescent qui traîne dans les rues: “c'est devenu très difficile de sortir de la misère. Je sais que tous les jeunes veulent uniquement du travail et un peu d'estime”. Pour les responsables de la ville, l'horizon 2010 est une date butoir qui permettra de repanser chaque plaie en “inaugurant” la nouvelle ville de Fès. Une cité dans laquelle l'essentiel n'est pas oublié: sa médina, son coeur, sa mémoire. A cet effet, les projets de la ville sont souvent articulés à la médina ou l'impliquent directement. Avec pour dessein de faire renaître le site à vocation touristique.