Trois questions à … Akin Algan, Ambassadeur de la Turquie au Maroc La Gazette du Maroc : les négociations d'adhésion de la Turquie à l'UE seraient ouvertes bientôt. Votre pays est-il au bout de ses ambitions européennes? Akin Algan : En moins de 10 ans, la Turquie a enregistré des révolutions incroyables. Nous avons instauré la laïcité, donné le droit de vote aux femmes, adopté un nouveau code pénal… Nous sommes membre du Conseil de l'Europe et de l'OTAN. En 1959, nous avons exprimé notre souhait de conclure un Accord d'association avec l'Union européenne, chose qui a été faite en 1963. Tout cela dans le but de s'approcher de l'Europe. Quoique nous ayons une position géographique assez particulière vu que la Turquie se trouve sur deux continents, il est clair que nous nous sommes toujours inspirés du modèle occidental pour ce qui est des valeurs de démocratie et de modernité. C'est un choix. D'autre part, notre économie a besoin de l'Union européenne pour se développer. L'adhésion à l'UE ne nous aurait pas intéressé si nous étions une économie forte comme c'est le cas pour la Norvège ou la Suisse… Les conditions posées par l'UE ne sont-elles pas trop sévères pour la Turquie? Les négociations de notre adhésion à l'UE ont commencé depuis longtemps en fait au niveau politique jusqu'à ce que nous répondions aux critères de Copenhague. Maintenant que cette négociation s'ouvrira officiellement, elle sera donc plus pointue et porterait sur au moins une trentaine de dossiers différents dans divers secteurs, à commencer par l'agriculture, l'industrie et le transport… qui seront traités un par un de manière à aligner la législation turque dans ces domaines à l'acquis communautaire. En attentant, l'UE n'hésite pas à faire pression sur la Turquie, ce qui ressemble souvent à du chantage… Il est vrai que l'UE fait pression sur la Turquie, mais quand on adhère à un club de football, ce n'est pas pour jouer du basket-ball… Si elle souhaite adhérer au club de l'UE, la Turquie doit faire des concessions et accepter de se soumettre aux règles de l'acquis communautaire. Cela a été le cas tout récemment au sujet de l'adoption du nouveau code pénal. Mais il n'a été imposé nulle part que telle mesure sera introduite dans telle loi, il y a seulement une conception générale de la démocratie selon des critères européens. Ceci dit, il faut dire que des concessions sont faites du côté européen aussi car l'UE a aussi des intérêts stratégiques en Turquie vu que notre adhésion ferait élargir son champ d'activité au niveau international. Nous serions le lien entre l'UE et le monde arabo-musulman et contribuerons à faciliter les relations entre les deux parties.