Désormais, le gouvernement devra adopter deux vitesses. D'une part, la gestion du quotidien gouvernemental et le traitement des dossiers en suspens et d'autre part un travail en profondeur pour se mettre au diapason du dernier discours du Trône. Avec la flambée des prix du pétrole, la facture des décisions à prendre changera, à la hausse. Inéluctablement. A moins d'une journée d'intervalle, les vacances législatives et exécutives ont pris respectivement fin, le 1er et le 2ème jour de septembre. Aussi bien le gouvernement que le Parlement ont repris leur activité au point où s'est estompée la dernière session. Un cycle qui a l'air de continuer si l'on se fie aux apparences certes, mais aussi à l'ordre du jour de réunions tenues dès le début de la rentrée. Retour simple Après deux semaines de repos, les ministres ont regagné leurs sièges au cours du premier Conseil du gouvernement tenu le 2 septembre. De la privatisation à l'exploitation des carrières et le travail des mineurs, l'ordre du jour n'a en rien surpris. Typiquement ordinaire, il ne reflète pas le fond de l'ambiance politique, implicite certes, dans laquelle le gouvernement reprend son activité. Pour deux raisons, à tout le moins. L'une “formelle”, l'autre stratégique. Le dernier remaniement gouvernemental, technique pour les uns, politique pour les autres, a donné une nouvelle mouture, “plus soudée”, à l'exécutif. En filigrane: “meilleures conditions de travail” au sein de la majorité. Ce qui impliquera, en clair, plus de résultats. Probants. Quoi qu'il en soit la rentrée politique aura dans le court terme, à justifier, sinon à prouver l'acuité et donc l'utilité dudit remaniement. Plus fondamentale, la deuxième raison est stratégique. Les vacances du gouvernement ont coïncidé avec la fin du mois de juillet : la date, comme chacun le sait, du discours du Trône. Un tel discours qui a complètement défini les grandes lignes de l'action du gouvernement. Certaines, explicitement du ressort du gouvernement. Il ne fera pas de doute que la perspective stratégique se dessinera, dès les premiers pas de l'exécutif à mettre en œuvre “l'agenda” royale. Premier test, le cas échéant : la preuve sociale dont dépendent plusieurs franges de la population. Au premier lieu : le code du travail, la réglementation de la grève et l'Assurance-maladie (AMO), tant attendue. Cheval de Troie A première vue, rien dans la rentrée sociale ne prédit pour l'observateur un regain de tension. Egalement, la touche menaçante et grave sur laquelle a pris fin l'année dernière (grève des agents de OFPPT et les pilotes de la RAM entre autres), n'est plus la même. Le ton est plus réconciliateur, serait-on tenté de croire. Prélude d'une paix sociale ? Message syndical de prédisponibilité à œuvrer pour édifier cette paix? Difficile de jouer les oracles, mais certains signes ne trompent pas. Un signe parmi d'autres : la réunion de la Commission parlementaire de l'intérieur tenue ce premier septembre et la seconde qui aura lieu dans deux jours (septembre) et dont l'objet permanent est la situation au sein de la RAM. On s'en souvient, le climat de conflit au sein de la société avait défrayé la chronique au cours de juin dernier. Un bras de fer qui a coûté plus de 15 millions dh, selon des sources parlementaires. Sans compter, bien évidemment, les retombées, parfois néfastes, sur d'autres secteurs inhérents tels le tourisme, le transport et le commerce. Et pour cause, le conflit est mal tombé : c'était en pleine saison de concurrence estivale. Bien que la réunion à laquelle a assisté le P-dg de la RAM a été tardive, il n'en constitue pas moins un début d'entente. Qui saurait “impacter” positivement sur la résolution d'autres litiges. Dont les revendications légitimes du personnel. Il va sans dire que ce “signe positif” est de nature à soulever ce qui est encore plus profond : le droit de grève et sa réglementation, le droit de protestation et celui du développement. C'est là, bien évidemment, une équation qui participe de la paix sociale espérée. La RAM, on ne le sait que trop, n'était pas le seul creuset de mésentente sociale. D'autres catégories, et autre personnel ont, eux aussi, “surfé sur la vague”, pendant l'été : les administrateurs, les techniciens, les professionnels du cadastre agricole... et on en passe. Certaines “grognes sociales” ont duré des... mois. Résultat, attendu d'ailleurs : la force productive en a été fortement pénalisée. En parallèle, le gouvernement est appelé, dans le bref délai, à généraliser l'AMO, pour contrecarrer la pauvreté et la précarité, galopantes au sein de certaines franges sociales. D'autant plus que Driss Jettou a promis sa mise en application dès le début de l'année 2005. Au cœur de ce dispositif, la modernisation juridico-institutionnelle demeurera une constante dans l'action du gouvernement. Vu les projets de loi, en cours de préparation ou de finalisation. En témoigne le projet de loi ayant trait aux pharmacies. Le dahir de 1960, régissant la profession, tombé en désuétude, la mise à niveau de la profession est devenue inéluctable et du coup, une pomme de discorde entre l'exécutif et les professionnels du secteur. S'ensuit une grève du 2 au 9 juillet dernier. Le processus, aussi bien la procédure que l'esprit, adopté pour trouver un terrain d'entente entre les deux parties en dit long sur la volonté de “débloquer” la situation. Cela a un nom : la concertation. Désormais, c'est un passage obligé pour que le dialogue social passe du “macro-syndical” à une culture quotidienne dans la gestion des différents. Le conjoncturel aux allures de constante La rentrée politique, c'est aussi la rentrée scolaire. Tous niveaux confondus. Il s'agira d'abord de l'évaluation de cinq années, de la décennie annoncée de réformes. Ensuite, la Cosef (commission de la réforme de l'enseignement et de la formation) cédera la place au Conseil supérieur de l'enseignement. L'outil institutionnel pour la mise à niveau du secteur et de sa réforme et du débat autour de ses priorités et finalités. Plus, si l'Etat a généreusement payé la “facture revendicative”, il sera désormais tenu à veiller à “l'équivalent scientifique” de ladite facture. Le discours du Trône est clair là-dessus : le chemin de l'avenir passe par l'école. Au-delà de ces grandes invariables, la rentrée est tributaire de la conjoncture mondiale, et de ses coûts financiers. L'été irakien et ses flambées pétrolières ont changé l'actualité financière dans le monde. La grille de lecture “budgétaire” n'y est plus la même. Au Maroc, également, le prix du pétrole a, d'ailleurs, toujours été un élément déterminant dans le budget du pays. La hausse de ces derniers mois obligera le gouvernement sans aucun doute, à revoir sa copie du budget 2005. Sa nature aussi, incontestablement. “L'impact pétrolier” étant “conjoncturel aux allures d'une constante”. D'où la nécessité, sinon l'obligation de revoir la grille budgétaire et chercher d'autres revenus, privatisation en tête, pour assurer les équilibres macroéconomiques du pays. Ce qui ne manquera pas, d'autre part, d'influencer sur les dépenses de l'Etat, leur rationalisation et l'affectation de l'enveloppe financière aux emplois... etc. La hausse des prix du pétrole n'est pas sans susciter certains remous au sein du secteur du transport. Transporteurs et taximen y compris. Déjà la Fédération nationale du transport routier a annoncé une hausse de prix de l'ordre de 5%, à partir de septembre courant. Les autorités de tutelle ayant refusé le “fait accompli”, le problème n'en reste pas moins “sur la route”. Moralisation Face à cette urgence coûteuse, les valeurs du “Bon père de famille” restent actuellement valables pour gérer l'économie nationale. C'est à partir de là d'ailleurs que se pose la question du contrôle des deniers publics, la rationalisation des dépenses et tout ce qui gravite autour et de ce que le poste gouvernemental autorise. Il ne s'agit pas d'une question de “discours moraliste” ou moralisateur mais cela dépasse la bonne parole pour englober la conduite générale des instances et des institutions étatiques. Conduite qui a naturellement un lien avec la promotion de la nouvelle image du pays et la consécration de la “non-impunité” châtiment en tant que valeur politique “citoyenne”. Les composantes de la majorité sont tenues de rendre des comptes pour la gestion exécutive. Elles gagneront donc beaucoup à “suivre” les dossiers de corruption et de détournement Annajat, CIH, CNSS, BNDE et BP etc... L'opinion publique, alors que deux ans seulement nous séparent des prochaines élections, jugera. La nouvelle rentrée, la première après l'abrogation de la Cour spéciale, se distingue par le retour desdits dossiers sur la scène publique par le biais d'une justice normale. Et l'on s'attend à ce que les semaines à venir connaissent la publication de la loi relative à cette suppression au Bulletin Officiel pour que les Cours d'appel de Rabat et de Casablanca puissent instruire ces affaires. Il est donc clair que la situation n'est pas de tout repos et que le Premier ministre Driss Jettou se doit de suivre les travaux du comité de dialogue avec les administrateurs prévus ce mardi 7 septembre et ceux du comité de l'investissement programmés pour le mercredi 8 courant. Ces deux comités constituent en réalité les deux inconnues d'une équation difficile à résoudre, en l'occurrence l'emploi et l'investissement. Qui elle même, en cache une autre : syndicats et chefs d'entreprise. La gestion de cette situation économique et sociale n'est pas le seul pour ne pas dire l'unique élément qui fait du gouvernement le principal acteur politique sur la scène nationale. Il faut dire que le processus consensuel l'a mis au cœur de l'enjeu national et se doit à partir de ce fait de mettre à niveau la pratique politique à travers la loi sur les partis qui demeure en suspens. A cet égard, le discours de S.M le Roi a été très clair : oui au soutien aux partis politiques afin de réussir la transition démocratique. Mais en contrepartie une vie partisane transparente fondée sur la clarté, l'efficacité et la polarisation convaincante. Toutefois, une question se pose : quel est le prix à payer pour la paix ou pour la guerre, autour de tous les dossiers épineux ? Difficile de pronostiquer dès les premiers jours de cette rentrée politique. Elle comporte des éléments qui incitent à l'optimisme d'autant qu'elle n'est pas non plus dépourvue de facteurs de tension.