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La fin des hiérarchies ?
Publié dans La Gazette du Maroc le 26 - 07 - 2004

Knowledge management ou l'ère des organisations de la connaissance dans une économie en réseaux
Le Knowledge management devient un thème majeur et une pratique de plus en plus courante pour les organisations publiques ou privées. Car il rime avec les enjeux du nouveau contexte technologique et économique. Les vieilles branches qui s'accrochent désespérément aux basques de la hiérarchie statutaire, vivraient-elles leurs dernières heures?
Le combat du siècle fait rage entre les “hiérarques” et les “énarques”, entre “chefs à l'ancienne” et managers modernes, entre autocrates et démocrates d'entreprise, bref le bras de fer engagé met en rivalité farouche les leaders face aux “autoritaristes”. Les vieilles branches qui s'accrochent encore désespérément aux basques de la hiérarchie statutaire ou de facto en refusant de se plier aux règles du leadership, vivent leurs ultimes rôles en s'enfonçant dans les tourbillons des mutations qui rendent encore plus aléatoire leur devenir déjà compromis face aux incertitudes alimentées par l'angoisse du changement.
Place aux managers de la 2ème génération
Les vétérans de l'ère révolue du pouvoir et de la pensée uniques sont mis en ballottage par le développement accéléré des NTIC qui, comme l'affirment les spécialistes des générations montantes, “induit des changements au niveau de l'organisation du travail au sein de l'entreprise. En effet, la transformation de la circulation de l'information modifie les processus de décision. On passe d'une structure pyramidale où le savoir est exclusivement détenu par les dirigeants à des structures matricielles où tous les individus participent à la décision en mettant en commun leurs savoirs”.
Le pionnier de l'école KM en France, J.Y.Prax, a souligné dans son ouvrage de référence “Knowledge management, une approche de 2ème génération” que l'étape “d'évangélisation” du KM est désormais achevée, tout en mettant en garde contre le danger du “cloisonnement excessif” des fonctions traditionnelles de l'entreprise qui entrave le développement. L'auteur propose une nouvelle vision combinant la finalité du projet Entreprise défini en termes d'optimisation des procès industriels et d'innovation technologique avec le concept de “communauté” mobilisant les business units, les experts et les chercheurs. Les problématiques initiées par les recherches et applications actuelles du KM partent des considérations suivantes: Dans quelle mesure sont partagées dans l'entreprise les données importantes, les informations nécessaires, les connaissances essentielles et les compétences clés? Quelles sont les innovations qui sont fondées sur les “vieilles idées” qui finissent par trouver le jour ? Ce que, justement, les chercheurs ont pu déceler dans les entreprises championnes qui ont mis en scène la “mémoire organisationnelle” à l'origine de la réussite des poids lourds planétaires dans le genre de General Electric, 3M ou encore Air Liquide. Ceux qui ont pu démontrer qu'il est possible d'innover en s'appuyant sur le “savoir de l'entreprise”, qu'il soit historique, technique, professionnel ou administratif. Des initiatives qui contrastent avec l'espace productif et gestionnaire au Maroc où nombre d'entités ont mis précipitamment en œuvre des politiques “aveugles” de restructuration prenant principalement en chasse les compressions d'effectifs, une gestion “arithmétique” qui a vite fait de sanctionner la qualification de ces entités et provoquant la disparition quasi-totale de la culture et de la mémoire d'entreprise. La production d'ouvrages sur le savoir-faire technique et professionnel est pratiquement nulle. A telle enseigne que les nouveaux “conquérants”, face au désert provoqué de l'univers des connaissances internes, refont le même chemin avec moins de talent probablement que les “anciennes encyclopédies” , ce qui semblait pourtant acquis des décennies auparavant.
Mais c'est quoi, au juste, le Knowledge management ?
Un énorme gaspillage du capital humain enterré à jamais dans les oubliettes à cause d'une gestion aveugle et méprisante de la valeur ajoutée intellectuelle. Que la DEPP fasse un audit impartial de nos entreprises et les résultats en étonneraient plus d'un. Mais il n'est que des sots pour rayer d'un trait un monde fabriqué par les savants et génies et que l'évolution des espèces et des genres s'écrit à l'encre de l'imagination humaine qui a capitalisé 1% de créativité en déployant 99% de sueur et d'effort au travail. Si bien qu'il se trouvera toujours un autre intellectuel pour mettre en valeur les esprits humains en leur rappelant les philosophies et les sciences de leurs maîtres à penser. A l'instar de Georges Bernanos qui disait que “la pensée qui ne conduit pas à l'action ne vaut pas grand-chose, et l'action qui ne mène pas à la pensée ne vaut rien du tout”. Nombreux sont les beaux esprits à l'intellect soigné qui se sont mus en martyrs de la science, n'est-ce pas Galilée, et qui ont fermement soutenu que “tout être humain qui ne se manifeste pas par une action ou une pensée d'intérêt général n'existe pas pour la science”. Et comment ne pas apprécier cette belle pensée de Victor Hugo : “Ceux-là seuls sont des hommes qui mettent de la pensée dans le combat et de la bravoure dans l'idée”. Mais le plus dur, pour citer le gourou des stratèges économiques occidentaux, John Maynard Keynes, est de changer : “La difficulté n'est pas de comprendre les idées nouvelles, mais d'échapper aux idées anciennes”. Il est bien admis, de nos jours, que le KM suscite et tire vers le succès de nombreuses initiatives dans l'entreprise, à savoir l'identification des réseaux de connaissances et le soutien aux communautés de partage des pratiques intrinsèques à chaque entreprise. En outre, le management des connaissances favorise le benchmarking et la veille concurrentielle aussi bien que le repérage et l'encouragement du capital intellectuel en termes de capacités en R&D (brevets, marques) qu'en aptitudes à évaluer et booster les compétences propres. Le KM est un puissant révélateur de la mémoire d'entreprise et un riche catalyseur de sa culture moderne. En ce sens qu'il valorise, reconstitue, restitue et développe les compétences vitales et les méthodes de l'organisation apprenante. De nombreux auteurs ont distillé une littérature abondante sur le KM, dont on citera les ouvrages de J.Y.Prax, “Manager la connaissance dans l'entreprise”, de Karl Erik Sveiby, “La nouvelle richesse des entreprises”, de Leif Edvinsson et Michael Malone, “Le capital immatériel de l'entreprise”, de Jean-Claude Tarondeau, “Le management des savoirs”, ou bien encore les essais de Guy Leboterf sur “Construire les compétences individuelles et collectives”, de Nonaka et Takeuchi sur “La création de la connaissance”, ou bien, enfin, d'Edgar Morin sur “La connaissance de la connaissance”. Le KM développe la mise en place de centres de compétences et incite à l'implantation des fonctions nécessaires à la création du savoir, experts, chercheurs, intermédiateurs, bibliothécaires, documentalistes, gestionnaires de la documentation électronique, formateurs, spécialistes des méthodes… Mais c'est quoi au juste le KM ? Il est une composante fondamentale du système de pilotage stratégique dans toute entreprise qui traite l'activité cognitive liée aux politiques et à l'exécution des décisions à tous les niveaux de l'organisation d'une part, et qui établit la connexion entre les réseaux intellectuels de cette organisation et les performances de l'activité générale. On attribue la paternité du KM à Peter Drucker, Paul Strassmann et Peter Senge qui ont su, les premiers, bien mettre en relief l'importance croissante de l'information et du savoir comme ressources de l'organisation autant que comme dimension culturelle de la gestion des connaissances à travers l'entreprise apprenante. Tout cela aux Etats-Unis bien sûr. En Europe, les balbutiements en la matière se sont manifestés, à partir de 1995, lorsque l'Union européenne s'était résolue à financer des projets KM par le biais du programme communautaire ESPRIT. Depuis, les hiérarchies ont été prises en chasse et leurs prébendes rudement menacées. Nombre d'entreprises ont procédé à une réduction drastique de leurs niveaux hiérarchiques qui ont été “recalées” après que les nouvelles technologies se soient décidées à prendre en charge leurs “traitements” avec plus de célérité et de fiabilité, bien entendu. Alors, le knowledge sonne-t-il la fin des hiérarchies ? Si beaucoup en redoutent l'hégémonie imminente, de plus en plus de partisans aussi s'inscrivent à son registre.


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