En marge du discours du Trône Au lendemain des élections législatives du 27 septembre 2002 et après la désignation de Driss Jettou en tant que Premier ministre, certains acteurs politiques ont considéré que la nomination d'un technocrate à la tête de la Primature est en soi la fin de la transition démocratique et un retour vers des pratiques qui ont précédé la constitution du gouvernement Youssoufi, communément appelé gouvernement de l'alternance consensuelle. Le discours royal du 30 juillet 2004 est venu apporter un nouvel éclairage quant à la transition démocratique. En effet, la désignation par Sa Majesté le Roi de Driss Jettou à la tête de la Primature ne pouvait être interprétée comme une rupture de cette transition. Elle fut, en l'occurrence, une tentative de créer les conditions manquantes à la poursuite de la transition démocratique. A partir de là, l'objectif assigné pour les cinq années à venir est de consolider la transition démocratique qui fut désignée par le discours royal comme un chantier ouvert et une édification qui a besoin d'outils appropriés. L'outil : la réforme politique Il est évident que la consolidation de la transition démocratique ne peut se faire sans réforme politique. Celle-ci, selon la vision royale, concerne trois volets majeurs : les partis politiques, la société civile et le domaine de l'information. En effet, la consolidation de la transition démocratique nécessite l'existence de vrais partis politiques. Or, à ce sujet, l'unanimité a été faite autour de la défaillance des organisations partisanes tant au niveau officiel que populaire. Cette défaillance concerne aussi bien les outils de leurs actions que le rôle qui leur est dévolu constitutionnellement. Au niveau des outils d'action, les partis politiques ignorent les règles du jeu démocratique en interne, c'est pourquoi le paysage politique marocain a connu un nombre impressionnant de scissions. Ainsi, l'histoire des partis politiques marocains est devenue synonyme de scissions à répétition. De même que le phénomène des “Zaïms” s'est exacerbé de façon alarmante. Certains leaders occupent leurs postes ad vitaem eternam et ne les quittent qu'après avoir rendu l'âme, malgré la consommation de leur mort politique. Au niveau du rôle qui leur est dévolu constitutionnellement, les organisations partisanes ont démontré leur incapacité chronique à encadrer les citoyens et à former des élites aptes à représenter le peuple et à contribuer, de manière efficace, à gérer les affaires publiques tant sur le plan local que national. Or, cette réalité est appelée à changer, puisque le projet de loi sur les partis politiques tend à leur donner un nouveau souffle en leur imposant de se réformer en interne pour ce qui est des outils d'action et de leur rôle constitutionnel d'encadrement des citoyens. Par conséquent, sans cette loi, les partis politiques ne pourront pas réaliser leur mission et partant, la transition démocratique rencontrera plusieurs embûches sur son chemin. Selon le discours royal, la réforme politique concerne également la société civile. En effet, à ce sujet, une ambiguïté a été levée par rapport à une certaine tendance qui voulait faire substituer les partis politiques par les associations en accordant la priorité à des technocrates au détriment de cadres partisans. La vision royale va à l'opposé de cette tendance et vise à altérer les contradictions en instaurant une complémentarité entre les partis politiques et les associations de la société civile. Ainsi, le discours royal a, à la fois, insisté sur le rôle des partis politiques et sur la mission citoyenne des associations de la société civile. Le troisième volet de la réforme concerne le domaine de l'information avec toutes ses composantes. En effet, la réforme ne doit pas se limiter uniquement au paysage audiovisuel, elle doit s'étendre également au champ de la presse écrite. A cet effet, le discours royal a rappelé la nécessité de créer une instance professionnelle représentative qui puisse instaurer les règles régissant la presse écrite afin d'éviter les multiples dérapages que connaît ce secteur. L'objectif : la modernisation démocratique L'objectif de la transition démocratique a été nettement tracé par le discours royal. Il concerne avant tout la modernisation qui ne doit pas se limiter aux institutions et aux structures, autant qu'elle doit s'élargir au champ de la culture politique régnante. A cet égard, il faut rappeler qu'il ne pourrait y avoir d'institutions démocratiques sans culture démocratique. Par conséquent, la modernisation démocratique en tant qu'objectif suprême de la transition démocratique doit s'appuyer sur des règles qui s'illustrent à travers des comportements appropriés. A ce sujet, le discours royal insiste sur quatre dimensions. La première consiste à organiser régulièrement des élections transparentes et libres qui reflètent fidèlement les choix des électeurs sans aucune intervention administrative. La deuxième a trait à l'élargissement du champ de participation des citoyens et des libertés publiques. Dans ce cadre, il est clair que sans respect des libertés, il est difficile d'assurer une large participation des citoyens. Donc, il est tout à fait logique d'établir les liens entre elles. La troisième dimension concerne le renforcement du pouvoir judiciaire en garantissant son indépendance. La quatrième et dernière dimension concerne la condition de la femme qui requiert une plus grande garantie quant à ses droits tant civils que politiques tels qu'ils sont inscrits dans le nouveau Code de la famille. Ces quatre dimensions constituent l'ossature de la modernisation démocratique et tendent, d'après la vision royale, à rationaliser le mode de fonctionnement des partis politiques. En effet, si la réforme des partis constitue un outil, la réforme de leurs structures et modes de fonctionnement devient un objectif. Celui-ci doit pouvoir instaurer la rationalisation de l'action et la régulation du pluripartisme dans le sens de pouvoir dépasser les défaillances du présent notamment comme l'a indiqué le discours royal “la balkanisation politique”. Ainsi, la réforme des structures partisanes tend à restructurer le paysage politique suivant des alliances basées sur des visions nouvelles, de sorte que la modernisation démocratique doit pouvoir s'illustrer à travers un nouveau concept des rôles politiques, c'est-à-dire une nouvelle relation entre la majorité pro-gouvernementale et la minorité formant l'opposition. En effet, la réussite de la transition démocratique nécessite l'existence d'une majorité homogène et d'une forte opposition. Mais ceci ne peut se faire que dans le cadre de la constitution de blocs forts. Et c'est justement dans ce cadre que s'inscrit l'appel royal destiné aux partis politiques appelés à former des alliances. Il faut rappeler, justement, que feu Hassan II avait appelé, le 6 novembre 1993, à la formation de deux blocs politiques forts autour de la Koutla démocratique et du Wifaq. Or, si le sort de ces deux blocs est maintenant scellé, la modernisation démocratique nécessite aujourd'hui une profonde restructuration du champ des partis politiques pour faire sortir la réalité politique nationale de l'actuelle situation d'émiettement. La modernisation démocratique, selon le discours royal, repose sur une nouvelle vision qui tend à mieux gérer l'action politique. En effet, l'ère des appartenances politiques étroites et des confrontations idéologiques est révolue. Actuellement, le clivage “gauche - droite” ne veut plus rien dire, puisque l'action politique dans sa noble dimension ne se mesure pas à telle ou telle appartenance, autant qu'elle se situe au niveau de la capacité de chacun à gérer au mieux les affaires publiques dans le cadre de la bonne gouvernance.