Trois questions à Vincencini Noëlle, présidente de “Ava Basta”, La Gazette du Maroc : qu'est-ce qui provoque, selon vous, tant de violences en Corse ? Vincencini Noëlle : La Corse a des habitudes ancestrales de violence. Nous sommes un pays en crise identitaire. La Corse est un pays qui est en rupture de civilisation traditionnelle et qui se retrouve parmi les sociétés industrielles sans passerelle ce qui a provoqué des dégâts de l'identité. C'est des maux majeurs de la Corse, à savoir la rupture avec les valeurs traditionnelles sans substitution. La Corse est un pays en mal d'identité. C'est un pays qui a mal dans sa peau. Les Corses ne peuvent donc que s'accrocher à leur identité qui représente pour eux un signe de survie. Cette perte de repères, on la constate aussi d'ailleurs chez les jeunes issus de l'immigration. Dans cette situation, il devient très facile d'accuser l'autre. C'est un peu la démarche du bouc émissaire. Une démarche de rejet et de repli identitaire qui évite de faire des analyses sérieuses. Pourquoi les Marocains ? Au début c'était surtout les Italiens qui souffraient de ce genre de violences. Aujourd'hui, les Marocains sont les plus nombreux. Parmi les 28 mille étrangers sans nationalité en Corse, les deux tiers sont des Marocains. Aujourd'hui en Corse, nous avons quelques 23 mille Corses d'origine marocaine. Le fait que les Marocains soient la communauté étrangère la plus nombreuse en Corse les rend plus visibles aux yeux des Corses qui les voient comme une menace. Les événements du 11 septembre aux Etats-Unis et du 11 mars à Madrid, ajoutés à ce qui se passe quotidiennement en Palestine et en Irak rendent les choses encore plus délicates et accentuent la méfiance vis-à-vis des Arabes et des Musulmans. L'idéologie de l'extrême droite en est également pour beaucoup. Le discours répandu en ce moment est le suivant : “Notre culture est en perte. Une communauté étrangère nombreuse est dangereuse pour notre identité”. Qu'en est-il des poursuites judiciaires ? Depuis le début de l'année, il y a eu une dizaine d'attentats contre des voitures appartenant à des Marocains. Sans compter les agressions physiques et verbales qui prennent des formes de plus en plus violentes. Comparé au nombre d'agressions celui des plaintes reste très peu. D'abord parce que les familles marocaines victimes de ces agressions ont souvent peur de porter plaintes parce qu'elles sont menacées ou parce qu'elles ont peur de s'attirer d'autres problèmes en attaquant des Corses en justice dans leur propre pays. Dans la plupart des cas, nous portons plainte à leurs places, mais ça n'aboutit que très rarement, seulement en cas de flagrant délit. Les sanctions varient selon l'âge de l'agresseur, mais les peines ne dépassent jamais les trois mois de prison. Ils ont dit … Voici quelques unes des réactions de condamnation de la classe politique corse au lendemain des attentats commis contre la Wafabank en Corse le vendredi 2 juillet. Camille de Rocca Serra, président de l'Assemblée de Corse : “De nouveau, il me faut condamner avec une extrême détermination les attentats commis à Bastia (…) la connotation raciste de ces attentats est d'autant plus intolérable qu'elle contrevient tout à la fois aux valeurs corses de respect et d'accueil à l'idéal républicain de tolérance (…)”. Ange Santini, président du Conseil exécutif de Corse: “(…) Les poseurs de bombe persistent dans leur aveuglement et continuent leur incessant travail de déstabilisation de notre société (…) ces actes injustifiables et inadmissibles desservent la Corse qui ne pourra se développer que dans la paix et la sérénité”. Sauveur Gandolfi-Scheit, conseiller exécutif de Corse :“On s'élève avec la plus grande fermeté contre l'attentat qui a visé la Wafabank (…) on dénonce cette violence aveugle qui enfonce tous les jours notre pays vers l'autodestruction”. Emile Zuccarelli, député-maire de Bastia : “(…) La violence quelle qu'elle soit, et notamment à caractère manifestement raciste, est intolérable, qui plus est dans une région qui doit sa libération aux Goumiers marocains. Il n'est plus possible que la population soit soumise à de telles pratiques (…)”. Source : Le quotidien corse « Corse –Matin » du vendredi 2 juillet 2004.