Oualalou devant la presse Devant plusieurs représentants de la presse nationale Fathallah Oualalou s'est lancé dans un exercice qu'il veut désormais annuel : l'explication des points principaux de la loi de Finances. Après avoir dressé un bilan luisant de l'année 2003, le ministre des Finances et de la privatisation, table, entre autres, sur une croissance de 3% et une poursuite de l'investissement. Il explique la politique qui accompagnera ces prévisions. Passer du contexte général aux traits saillants de la loi de Finances, des principales mesures de 2004 aux actions de réformes en passant par le plan de modernisation du ministère n'est pas un exercice facile. C'est pourtant ce qu'a tenu à faire Fathallah Oualalou mercredi 21 janvier devant un parterre de journalistes. Le ministre des Finances et de la privatisation a d'abord dressé le bilan d'une année 2003 dont il a toutes les raisons d'être fier, tant les indicateurs sont au vert à commencer par la croissance. Alors que le ministère des Finances avait prévu un taux de croissance de 4,5%, les prémices d'une bonne année agricole feront augmenter le PIB de 100 de base supplémentaire, soit 5,5%. "Force est de constater que les autres secteurs, en l'occurrence les BTP, les mines et l'énergie, ont également participé à cette croissance", comme le signalera l'argentier du pays. L'inflation reste ainsi maîtrisée et est ramenée au taux de 1% seulement. Cette tendance n'est plus de l'ordre du conjoncturel. La performance est désormais de l'ordre du moyen voire du long terme. Puisque dans les cinq dernières années, l'augmentation de l'indice du coût de la vie est demeurée des plus faibles par rapport à celle des pays à développement comparable. Le déficit du Trésor public est également stabilisé autour de 3%. C'est avec insistance que le ministre martèlera ce chiffre, en guise de réponse à une dépêche de Reuters, qui, citant un membre du gouvernement, parlait d'un déficit de 5,9%. Il est, bien entendu, clair que les recettes des privatisations sont pour beaucoup dans cette embellie. Certes, la tendance devient de plus en plus durable depuis la cession de la seconde licence de téléphonie mobile en 1999. Mais ne faut-il pas reconnaître que la réussite de ces opérations est autant une garantie pour drainer des recettes fiscales supplémentaires du fait de la croissance qu'elles génèrent ? Aujourd'hui, faut-il daigner nier que suite à la cession de la seconde licence l'Etat reçoit plus de recettes de TVA, d'IGR et d'IS, du fait de la hausse respective de la consommation de téléphonie, des emplois et des résultats du secteur ? C'est donc pour toutes ces raisons que ces recettes exceptionnelles sont désormais prises en compte dans l'énoncé du déficit. Fathallah Oualalou continuera sur sa lancée en mettant au crédit du gouvernement en général et de son ministère en particulier d'autres réussites. Il s'agit par exemple de la confirmation de la tendance baissière des taux d'intérêts, du recul du chômage et de la réduction de l'endettement extérieur du pays. Toujours au chapitre des bonnes nouvelles, il y a lieu de signaler "la consolidation de l'excédent du compte courant de la balance des paiements pour la troisième année consécutive soit 2,2% contre 4,8% en 2001 et 4,1% en 2002", souligne le ministre. Une question d'image L'ensemble de ces résultats obtenus ont contribué à améliorer l'image du Maroc vis-à-vis de ses partenaires étrangers. Ainsi, l'appréciation des agences de notation internationales est-elle passée de "négative" à "stable", comme le souligne Fathallah Oulalalou. Il s'agit de signes d'une bonne tenue des indicateurs macroéconomiques, laquelle tenue a tendance à se confirmer à l'échelle non plus annuelle mais plutôt quinquennale. En tout état de cause, la privatisation de la Régie des tabacs de laquelle l'Etat attendait un peu plus de 6,4 milliards de DH et qui a fini par en rapporter 14 est un exemple patent de cette confiance des investisseurs. Il en va de même de la levée de fonds par le Trésor public sur le marché obligataire international et ce, sans garantie extérieure. Enfin, la relance de l'investissement privé visible à travers les conventions signées notamment avec des entreprises étrangères illustre tout aussi bien ce regain de confiance. En tout cas, l'année 2003 sera difficilement égalable du fait de ces performances qui ont fait rêver plus d'un ministre des Finances, surtout dans un contexte international relativement difficile. Lequel contexte a été marqué par la guerre du Golfe qui a entraîné une hausse du cours du baril de pétrole et de l'euro face au dollar qui a eu pour conséquence une augmentation de la valeur des importations en provenance de l'Union européenne. Encore faut-il signaler que les attentats de 16 mai ou encore le syndrome respiratoire aiguë sévère (SRAS) n'ont pas beaucoup aidé au développement du tourisme national. Pour ce qui est de 2004, Fathallah Oualalou se veut plus modeste et table sur une croissance de 3% basée notamment sur la baisse du PIB agricole d'environ 8,4% et une amélioration des autres secteurs de 5,4%. Cependant, il compte sur un renforcement du taux de l'épargne qui devrait dépasser en 2004, le seuil déterminant des 25%. En outre, l'inflation, légèrement plus élevée qu'en 2003, devrait tout de même être maintenue à 2% seulement. Quant aux recettes du tourisme, l'optimisme est tout de même en deçà des objectifs de la vision 2010, puisque seuls 5% de croissance sont prévus. Pour que ces prévisions se réalisent, il faut compter avec la conjoncture internationale. Oualalou table ainsi sur une croissance mondiale de 4,1% contre 3,2% en 2003, une augmentation de 4% de la demande intérieure ou encore un recul du prix du pétrole à 25 dollars le baril, contre 28,5 en 2003. Toutefois, la politique du gouvernement devrait également contribuer à consolider les acquis et surtout permettre cette continuité espérée. Justement, cette action gouvernementale est lisible entre les lignes de la loi de Finances 2004. La continuité est à l'ordre du jour, mais les approches novatrices ne manquent pas non plus. D'abord au niveau international, l'ouverture est on ne peut plus à l'ordre du jour. Aussi, les engagements résultants de l'accord d'association avec l'Union européenne ne seront-ils pas remis en cause, pas plus que le processus de mise en place de la zone de libre-échange avec les Etats-Unis. Ouverture incontournable Pourtant, ce n'est un secret pour personne, depuis la mise en place de l'accord avec l'UE, les recettes douanières n'ont fait que baisser. Quel bilan peut-on en tirer ? Sur ce point-là, il est peut-être trop tôt pour dresser un bilan, mais toujours est-il que la mise à niveau est à poursuivre. Fort heureusement, il faut mettre au crédit du gouvernement la mise en place désormais effective de plusieurs fonds de garantie et lignes de crédit taillées à la hauteur de la PME marocaine. Il s'agit notamment pour le secteur du textile, du tourisme ou encore de l'industrie en général des fonds respectifs que sont le Fortex, doté de 100 millions de DH, le Rénovotel (200 MDH) et enfin le Forman (400 MDH). Toujours au chapitre de l'action gouvernementale, la continuité touche également la promotion des investissements et le renforcement des infrastructures, mais aussi et surtout le développement solidaire contenu dans la politique d'équipement de base, de formation professionnelle, d'habitat, etc. Cependant, dans cette loi de Finances, tout n'est pas que continuité et fort heureusement, puisque certaines mesures méritaient d'être prises. Il s'agit par exemple de l'amorce de la réforme du système fiscal qui a commencé par la refonte du code de l'enregistrement et qui se poursuivra par la mise en place d'un Code général des impôts à l'image de la France. En outre, cette loi de Finances devait également accompagner certaines réformes en cours et pour lesquelles les deniers publics sont encore une fois sollicités. Il s'agit par exemple de la fonction publique, des régimes de retraites mais également de la restructuration des entreprises publiques. Toutefois, en matière fiscale, ceux qui s'attendaient à un réaménagement du barème dégressif de l'IGR devront attendre 2005. Visiblement l'argentier du pays est très près de ses sous car, il n'y a eu aucune baisse significative d'impôts. La carotte fiscale est remise à la semaine des quatre jeudis. Par contre, il faut saluer l'initiative consistant à élargir le champ d'application des exonérations accordées au secteur exportateur. En effet, il est prévu d'étendre ces exonérations aux exportateurs indirects. Budget Où iront les deniers publics en 2004 ? Pour l'année 2004, l'emploi des recettes de l'Etat devra se faire en tenant compte de certaines priorités. Outre la traditionnelle bonne répartition des ressources, pour la première fois l'objectif de maîtrise des dépenses de fonctionnement est affiché, même si le succès ne risque pas d'être au rendez-vous pour cette année à cause de la concrétisation des accords du dialogue social. Par ailleurs, l'administration veut se débarrasser de sa réputation de mauvais payeurs. D'après Fathallah Oualalou, "la politique visant la maîtrise des effectifs de la fonction publique et par voie de conséquence de la masse salariale est poursuivie". Le ministre des Finances et de la privatisation en veut pour preuve le nombre de postes créés en 2004 et qui sera limité à 7000 postes seulement. Ces derniers, explique-t-il, sont destinés à des secteurs hautement prioritaires. Il s'agit notamment de l'éducation ou encore de la santé lesquelles ne peuvent souffrir de restrictions budgétaires. Ces limitations suffisent-elles à réduire les charges de fonctionnement de l'Etat qui bon an mal an consomment plus de 4% des recettes ? Rien n'est moins sûr car les économies tirées dans la limitation du nombre de postes créés sont vite absorbées par les autres rubriques de ces postes budgétaires. En effet, la concrétisation des accords intervenus entre le gouvernement et les syndicats dans le cadre du dialogue social pèse lourd dans les crédits budgétaires. La décision avait été prise d'une part pour l'amélioration des salaires et d'autre part pour la titularisation de 6000 agents temporaires et occasionnels. Par ailleurs, le ministre n'a pas manqué de signaler que l'accord du 3 avril 2003 visant la révision des régimes indemnitaires de certains corps de la fonction publique devrait concerner près de 641.000 fonctionnaires. Pour couvrir un nombre aussi important, il a bien entendu fallu qu'il mette la main à la poche. Aussi devra-t-il débourser quelque 9 milliards de DH à l'horizon 2006. Il est clair que dans de telles conditions, il n'est pas évident de réduire les charges liées au personnel de l'Etat. Le budget 2004 avait également pour souci une bonne répartition en plaçant en priorité les secteurs sociaux ainsi que le monde rural. D'après Fathallah Oulalalou, ces derniers absorbent jusqu'à 48% des crédits ouverts au titre du budget, soit 37,73 milliards de DH. En y associant les opérations inscrites au chapitre des charges communes et dépenses imprévues, ce taux atteint allègrement 49.31%, soit la moitié des crédits. Car parmi ces opérations imprévues, l'argentier du pays estime que le soutien à la Caisse marocaine de retraite, la prévoyance sociale, la péréquation des prix des denrées alimentaires, les ristournes d'intérêts pour l'habitat social constituent autant de postes budgétivores. Le deuxième secteur qui arrive en importance est celui de la sécurité de l'administratif et de la souveraineté avec 33,1 milliards de DH. Enfin le secteur productif et de l'infrastructure pour 10,5 milliards. Toutefois il ne faut pas omettre la volonté de relance de l'investissement public. Certes les investissements directs de l'Etat se maintiennent à un niveau que l'on pourrait juger faibles avec 19,2 milliards de DH prévus en 2004. Comparer aux 23 milliards de DH de Maroc Telecom correspondant financièrement à un désinvestissement, on ne peut que se demander si l'Etat ne cède pas plus qu'il n'immobilise son capital. Pour se défendre d'un tel procès, le ministre des Finances brandit le cumul de tous les investissements publics réalisés ici et là. En comptant avec ce poste budgétaire la contribution du Fonds Hassan II (4,4 milliards de DH), des comptes spéciaux du Trésor (6,4 milliards de DH), des collectivités locales (6 milliards de DH), des entreprises et établissements publics (34,2 milliards de DH), le décompte de Fathallah Oualalou atteint aisément 70 milliards de DH d'investissements. Par ailleurs, il faut signaler que la réalisation des grands projets se poursuit à un rythme soutenu. Le complexe portuaire Tanger-Méditerranée est en bonne voie. Plusieurs axes routiers et autoroutiers sont également en chantier tel que la rocade Tanger-Saïdia, les routes rurales, etc. Il faut également signaler la réalisation des complexes sportifs liés à l'organisation de la coupe du monde de football 2010. L'importance de tels chantiers n'est plus à démontrer puisqu'en 2003 déjà le secteur BTP a contribué fortement à la croissance du PIB. K.L