Le 25 juillet 2003 s'est éteint dans son domicile à Casablanca notre ami et fidèle collaborateur Saïd Sadiki. Le rappel de l'excellente chronique qu'il avait publiée dans LGM à l'occasion de la commémoration du précédent anniversaire du 11 janvier 1944 nous permet de nous rappeler à son souvenir et de lui rendre à nouveau un grand hommage. Le Maroc a commémoré dans la ferveur et la dignité l'anniversaire du 11 janvier 1944. Date phare, s'il en est, décisive dans l'histoire du Maroc moderne. Ce jour-là, en effet, le peuple, sous la direction de son Souverain feu Mohammed V, proclamait officiellement et au grand jour son aspiration à l'indépendance. Ce fut le point de départ d'un processus bref dans le temps, mais combien dense jalonné par le discours de Tanger en avril 1947, le bras de fer avec le Résident général Juin en février 1951, la déposition suivie par le retour triomphal du Sultan exilé et la proclamation de l'istiqlal du pays. Si cela fut possible, ce ne le fut, est-il utile de le rappeler, que grâce à l'union indéfectible entre S.M. Mohammed V, symbole de la Nation et cette même Nation qui réclamait héroïquement l'abrogation du Protectorat et l'accession du pays à sa souveraineté pleine et entière. Cette union entre le Trône et le peuple fut exemplaire et sans faille et puisait son ciment dans la gratitude réciproque : le Roi combattait pour son peuple et le peuple, les armes à la main, défendait le Trône. Cependant, on oublie trop souvent que le Manifeste du 11 janvier 1944 ne revendiquait pas seulement la proclamation de l'indépendance, mais aussi la constitution d'un gouvernement national, moderne et représentatif, un gouvernement “démocratique”, même si le mot ne connaissait pas l'usage qu'on en fait aujourd'hui. Le mouvement national soutenu par le peuple, militait déjà en faveur d'une rupture totale avec le vieux makhzen anachronique, délabré et fortement compromis avec les colonialistes de l'époque et pour la mise en place d'institutions nouvelles qui feraient participer le peuple à la gestion de ses affaires. Et c'est bien à cause ou à propos de cette revendication fondamentale, qu'a eu lieu la funeste mésentente entre le Palais et le Mouvement national sous le règne de feu Hassan II. Une mésentente dont le Maroc n'a pas fini de mesurer la gravité et les dégâts. Années sombres, années dramatiques qui virent l'Etat “faire la guerre” à ses propres citoyens, les asservissant et les étouffant dans les mailles d'un système “ultra-sécuritaire” soupçonneux et vindicatif. Le peuple, cependant, continuait de lutter et d'espérer. L'avènement de S.M. Mohammed VI et le limogeage, entre autres, de Driss Basri ont, depuis, ouvert la voie à la réparation des injustices d'antan et à la mise en place d'un processus de réelle démocratisation. On est désormais libre au Maroc. Libre plus que jamais auparavant, de lire, d'écrire, de se réunir, de prendre des initiatives, d'avoir des choix, d'élire les édiles et les parlementaires. C'est énorme, quoi qu'on en dise. Et, encore une fois, c'est grâce à l'union du Souverain et du peuple que le miracle est en train de s'accomplir. Bien sûr, le chemin est encore long pour atteindre la pleine démocratie, celle du gouvernement du peuple par le peuple, pour le peuple. Raison de plus pour s'y atteler avec détermination.