La récupération par l'UGTM d'un groupe de dissidents de l'UMT va-t-elle ébranler la suprématie de cette dernière à la CNSS ? Péripéties et implications d'une scission sous forme de règlements de comptes. “C'est un non-événement”. Ainsi a qualifié un responsable de la centrale UMT les remous provoqués par le passage, avec armes et bagages, à l'UGTM de l'ex-secrétaire général de la Fédération UMT du personnel de la CNSS, Mustapha Khlafa, et de la plupart des membres de son bureau. Que se passe-t-il donc dans ce fief de la centrale de Mahjoub Ben Seddik, resté imprenable pour tout autre syndicat, depuis sa création en 1961 ? On sait en effet que malgré quelques tentatives restées infructueuses, l'UGTM et la CDT n'ont jamais pu constituer des concurrents à l'UMT dans ce bastion. Les élections des délégués du personnel ont toujours été remportées par l'UMT au sein de cet organisme dont les effectifs avoisinent les 6.000 personnes, entre personnels du régime général et des polycliniques (même si en 2003, nombre de départs ont été enregistrés). Rien ne pouvait laisser présager, au cours de cette année, un changement sur le plan de l'appartenance syndicale, puisqu'à nouveau c'est à une écrasante majorité que l'UMT l'a emporté aux dernières élections en octobre dernier. En fait la défection de Mustapha Khlafa ne relève pas de considérations purement syndicales. Au lendemain des élections des délégués du personnel, ce dernier a exprimé son ambition de figurer sur la liste UMT pour le renouvellement du tiers de la Chambre des conseillers au Parlement. La direction de la centrale, estimant que Khlafa n'avait pas la compétence pour la représenter dans cette instance nationale, n'a pas donné une suite favorable à sa nouvelle ambition. Cela suffit à provoquer une réaction violente du candidat éconduit qui utilisa des termes jugés injurieux à l'encontre de Mahjoub Ben Seddik et de la direction de l'UMT. Celle-ci prononça aussitôt l'exclusion du trublion “pour déviation”. Un bureau syndical provisoire a été investi par la centrale alors que l'exclu, en compagnie d'autres membres de l'ancien bureau, a commencé à s'agiter pour contrecarrer la mesure punitive qui l'avait frappé. A 56 ans, Mustapha Khlafa avait acquis une position assez confortable puisqu'il avait obtenu le grade de directeur-adjoint et le titre de secrétaire général de l'Association des œuvres sociales de la CNSS à la suite du renversement, en 1996, de l'“ex-baron” du syndicat UMT, Abdenbi Tagmouti. Renversement où il avait joué un rôle essentiel et qui n'avait été accepté qu'à contre-cœur par la centrale. Depuis des années, les différentes catégories du personnel étaient devenues de plus en plus réservées à l'égard d'un syndicat trop étroitement impliqué dans les rouages de gestion de la Caisse et qui fonctionnait davantage comme un réseau ayant ses privilèges que comme un véritable défenseur des intérêts des salariés. Ainsi les luttes et les règlements de comptes internes de ce réseau ne semblent pas trop concerner la majorité des agents qui assistent, en spectateurs, à leurs péripéties. La dernière en date est l'adhésion de Khlafa et de ses amis à l'UGTM annoncée au siège de cette dernière, dimanche 7 décembre, lors de l'assemblée constitutive de l'Union du personnel de la Sécurité sociale, sous la présidence du vieux Abderrazak Afilal, secrétaire général de la centrale pro-Istiqlal, qui n'en croyait pas ses yeux. Khlafa retrouve ici un ancien inspecteur général de la CNSS qui avait, en son temps, été licencié et qui est devenu un conseiller de la direction de l'UGTM. Branle-bas de combat du côté de l'UMT qui a réuni, en assemblée générale, ses fidèles et condamné, dans un communiqué, “l'ingérence flagrante de la direction de la CNSS dans les affaires syndicales”. Une rencontre d'un des principaux responsables de la centrale, Mohkhareq, avec le secrétaire général de la CNSS fut des plus orageuses et constitua une mise en garde à la direction de la CNSS soupçonnée de complaisance envers le “complot” visant à amoindrir sinon à supplanter la représentation et l'influence de l'UMT dans la Caisse. Le communiqué accuse la direction d'avoir ainsi apporté son soutien aux “pions inféodés au parent par alliance du directeur général (pour) créer un faux syndicat”. Le parent par alliance en question n'est autre que le secrétaire général du parti de l'Istiqlal, Abbas El Fassi. La direction générale de la CNSS a, sur ces entrefaits, appelé sur un ton sévère, les directeurs et hauts cadres à garder une totale neutralité, c'est-à-dire à s'abstenir de prendre position pour l'UMT contre l'émergence du nouveau syndicat. Sur le terrain, pour le moment, c'est l'expectative ou le calme qui précède la tempête. Mustapha Khlafa parviendra-t-il à entraîner avec lui une partie significative d'adhérents, compte tenu de l'influence qu'il avait pu avoir au sein du réseau ? On s'attend, en tout cas, à ce que la réaction des fidèles de l'UMT soit très vive, sinon très musclée, comme cela a été plusieurs fois le cas par le passé. Déjà on annonce l'imminente reprise en main par l'UMT des œuvres sociales et de la mutuelle. Reste une question majeure : avec le vieillissement de ses leaders charismatiques, l'UMT serait-elle dans le collimateur de milieux (à quel niveau ?) qui veulent en finir avec sa suprématie dans des secteurs aussi névralgiques ? La bataille promet d'être rude et on peut douter de la capacité du “nouveau” syndicat UGTM à incarner vraiment la nouveauté. Avec le vieillissement de ses leaders charismatiques, l'UMT serait-elle dans le collimateur de milieux (à quel niveau ?) qui veulent en finir avec sa suprématie dans des secteurs aussi névralgiques ?