Le ministre de l'Emploi et de la formation professionnelle, explique les raisons du retard pris pour la tenue du Conseil d'administration de la CNSS. Optimiste, il relate également les différentes mesures prises pour la pérennité de l'un des rares filets sociaux au Maroc. ALM : Marquant une nouvelle étape dans l'évolution de la CNSS, le Conseil d'administration de cet organisme a finalement eu lieu. Dans quel esprit s'est déroulé ce Conseil ? Mutapha Mansouri : Il faut avouer qu'au début du conseil d'administration, l'atmosphère était quelque peu électrique. Cela tient au fait que l'Union marocaine des travailleurs (UMT), une des trois composantes syndicales représentées dans ce Conseil d'administration, s'est opposée à la présence de M. Mustapha Khlafa parmi les membres siégeants. Ce dernier s'est retiré de l'UMT pour rallier une autre centrale syndicale, l'Union générale des travailleurs marocains (UGTM). Il est un fonctionnaire de la CNSS. L'UGTM a, à son tour, insisté pour que M. Khlafa siège. C'est d'ailleurs sur ce point, ainsi que d'autres d'ordre procédural, que la tenue du Conseil d'administration de la CNSS a été bloqué pendant 8 mois. Des considérations somme toute subjectives, et auxquelles on a pu trouver des solutions, les deux partis s'étant mis d'accord, suite à la décision de l'UGTM de retirer la personne précitée. De quoi a-t-il été question lors de ce Conseil ? L'ordre du jour de ce Conseil a porté sur l'examen des comptes 2003 et du budget 2004, ainsi que le plan 2004-2006. Il faut souligner à cet égard que les deux années 2003 et2004 ont été très bonnes en termes de résultats. La CNSS a réussi à dégager quelque 500 millions de DH d'excédent pour chaque année, donc un total de 1 milliard déposé à la Caisse de Dépôt et de Gestion. Avec les intérêts qui vont s'ajouter à ce montant, il y a lieu de parler de 2 milliards de DH. Un chiffre des plus encourageants, aussi bien en matière de dépôts de garanties qu'en termes d'indemnités des travailleurs. Pendant l'année en cours, la CNSS a également récupéré 500 millions de DH de créances en souffrance. Aux chiffres s'ajoute l'évolution que connaît la Caisse en termes de modernisation. Une modernisation profonde qui englobe aussi bien les outils de travail, où le mot d'ordre est l'informatisation, que les méthodes de travail, allant vers davantage de transparence et d'efficacité de gestion et vers un meilleur pilotage. Qu'en est-il des mesures à même de garantir le maintien de ce cap par la CNSS ? Le plan de développement, entamé sur trois années par la nomination de nouveaux administrateurs à la Caisse, s'inscrit dans le renforcement de cette évolution positive. Idem pour l'examen en cours des décrets d'application des amendements portés à la loi de 1972. Des amendements qui portent, notamment, sur la possibilité de prendre sa retraite à 55 ans dans le secteur, ce qui permet de dégager des postes, sur un meilleur pilotage de la CNSS et sur l'amélioration de certaines prestations, notamment familiales, puisqu'il est question de porter le plafond d'âge des enfants bénéficiant de ces prestations de 12 à 15 ans. La direction générale de la CNSS avance que la Caisse ne connaîtra pas de problèmes majeurs, au moins jusqu'en 2012. partagez-vous cet optimisme ? Je suis confiant quant aux perspectives à court et moyen termes de la CNSS. Il faut dire qu'une précédente étude faisait état d'une situation alarmante à l'horizon 2007. Mais la Caisse a réussi à faire prolonger cette période jusqu'en 2012. D'abord par l'intermédiaire de la loi, mais aussi par l'effort de récupération d'une partie des créances en souffrance, d'un montant de 10 milliards de DH. Une autre étude a également été diligentée sur l'avenir de la CNSS à l'horizon 2041. Quels sont les premiers constats de cette étude ? Le constat général, et pas uniquement au Maroc, est que les Caisses de retraite connaissent des difficultés énormes. Le Maroc n'échappe pas à cette règle. Et pour cause, des problèmes structurels, liés au vieillissement de la population, à la diminution du nombre d'emplois créés et la nature généreuse des prestations par rapport aux cotisations en comparaison avec d'autres pays voisins. L'étude est alarmante dans la mesure où le maintien des équilibres, à l'horizon 2040, dépend de l'augmentation des cotisations. Ce qui n'est pas facile. Le système productif estime que ces cotisations sont déjà lourdes à supporter. Il y a lieu donc de lancer des réflexions à même de répondre aux besoins de tous, tout en maintenant la bonne santé de ce régime. Quels sont les scénarios envisagés pour atteindre cet objectif? La première possibilité serait, comme je vous l'ai dit, d'augmenter les cotisations tout en diminuant les prestations. Il s'agit de la mesure la moins populaire. Ce qui nous amène à un autre scénario, celui de procéder de manière progressive, avec des taux faibles et un ajustement des prestations dans le sens de trouver un équilibre entre leurs différentes formes, familiales, médicales et de retraite. Il faudra aussi changer le système de répartition adopté actuellement par le déplafonnement des salaires. La combinaison de tous ces scénarios, dans la perspective de trouver la meilleure formule, est également envisageable. Qu'en est-il de la composition du Conseil d'administration de la CNSS ? Ne pensez-vous pas que la caisse gagnerait à le revoir ? Cette composition tripartite (gouvernement-patronat-syndicats) est non seulement imposée par la loi, mais elle présente également plusieurs avantages. Très franchement, cette composition nous paraît positive dans la mesure où elle permet de porter toutes les contradictions au niveau interne du patronat, composé de la CGEM des Chambres professionnelles et des syndicats. Il y a des sujets sur lesquels il ne faut pas qu'il y ait unanimité. Même si des fois, il est très difficile de gérer les différents points de vue. Et puis, il ne faut pas oublier que depuis l'année 2000, et après plus de 10 ans de non-tenue du Conseil d'administration, la CNSS est revenue de très loin. Désormais bien gérée et bien contrôlée, la Caisse n'est plus cet espace de tous les dérapages. Avec un taux de croissance à deux chiffres, elle participe désormais, en fonction de son rôle et de ses missions, à de grandes économies pour le patronat comme pour les travailleurs et reste l'un des rares filets sociaux au Maroc.