Le président français, Jacques Chirac, qui a pris connaissance des conclusions de la commission Stasi sur la laïcité, fera connaître le 17 décembre prochain sa décision sur une éventuelle législation sur le port des signes religieux et politiques à l'école. C'est jeudi matin, 11 décembre courant, à l'Elysée que Jacques Chirac a reçu les membres de la commission Stasi qui, au terme de six mois de débats, s'est prononcée en faveur d'une loi sur la laïcité qui interdirait à l'école les signes religieux "ostensibles" ainsi que les signes politiques. Dans son rapport de cent pages bouclé mercredi 10 décembre au soir et remis à Jacques Chirac jeudi matin 11 décembre, la commission Stasi propose également de rendre fériées les fêtes religieuses juive de Kippour et musulmane de l'Aïdel Kébir "dans toutes les écoles de la République". Les entreprises devront permettre aux salariés de choisir un jour de fête religieuse sur leur crédit de jours fériés. Pour l'administration, le rapport préconise l'inscription dans la loi du «strict respect du principe de neutralité par tous les agents des services public». Faisant allusion à la commision et à son dossier par rapport à la loi sur le voile, Jacques Chirac a souligné que "d'ores et déjà, je voudrais dire que ce qui me guidera dans ma position, c'est le respect des principes républicains et c'est aussi l'exigence de l'unité nationale et du rassemblement des Français". De son côté, Bernard Stasi a affirmé lors d'une conférence de presse devant le Sénat qu'“il est temps que la République réagisse et marque ses limites et s'affirme mais dans le respect de la différence des religions”, avant d'ajouter que "la loi que nous proposons peut être considérée d'un certain point de vue comme une loi qui marque des limites (...) mais cette loi est une loi qui permettra de vivre ensemble et en particulier dans l'espace public". Sans oublier de souligner que les membres de la commission avaient été "impressionnés de voir que la situation (était) plus grave que ce que l'on pensait". "Il faut être lucide, prendre conscience qu'il y a en France des comportements qu'on ne peut pas tolérer, qu'il y a en France indiscutablement des forces qui cherchent à déstabiliser la République." Jacques Chirac rend donc hommage "à la qualité exceptionnelle" des travaux menés sous la direction de Bernard Stasi qui ont "débouché sur des propositions quasiment unanimes" qui avaient pour but une seule et même décision : "l'objectif, c'est de garantir à chacun sa liberté, avec pour seule limite le respect de la règle commune, et de garantir aussi à tous les Français l'égalité des chances, de pouvoir vivre avec l'égalité des chances, et ceci, quels que soient leur origine, leur religion ou leur sexe". Bernard Stasi a déclaré dans la cour de l'Elysée que "le président de la République avait écouté avec beaucoup d'attention" les membres de la commission. "Il nous a interrogés sur tous les points". Paroles auxquelles font écho celles du président Chirac qui précise : “je vais étudier de façon approfondie les propositions qui sont faites et le rapport qui a été élaboré, comme je l'ai fait d'ailleurs pour la mission de l'Assemblée nationale, de même que pour les prises de position des partis politiques, des autorités religieuses ou des représentants des grands courants de pensée”. "Les signes très discrets" autorisés à l'école ? La commission Stasi sur la laïcité a souhaité jeudi 11 décembre que les "signes très discrets" d'appartenance religieuse ou politique, tels que les petites croix portées sur soi, les étoiles de David et les mains de Fatima soient autorisés à l'école publique. "La commission a souhaité sortir de ce qui pouvait apparaître comme une certaine confusion. Elle a souhaité être très claire", explique le rapporteur de la commission, Rémy Schwartz, lors d'une conférence de presse au Sénat. Elle a précisé que "les signes ou tenues manifestant une appartenance politique ou religieuse sont, par exemple en ce qui concerne l'appartenance religieuse, les signes ostensibles que sont les voiles, les kippas, les grandes croix". Ceux-ci seront "strictement interdits". Mais la commission a aussi considéré que "les signes usuels, discrets que sont les médaillons, les petites croix qui sont portées sur soi dans l'intimité, les petites étoiles de David, les petites mains de Fatima ne sont pas, ne peuvent être regardés comme des signes manifestant une appartenance politique ou religieuse". La commission "a souhaité faire la différence entre ce qui est la manifestation d'une appartenance" religieuse ou politique et ce qui est "la confirmation de la foi ou les signes très discrets d'intimité". Il faut que "les premiers soient strictement interdits" et que les seconds "soient autorisés". D'un autre côté, la commission Stasi propose la création d'un établissement national d'étude de l'Islam pour mieux comprendre cette religion, mais ce projet ne suscite pas pour le moment l'enthousiasme de beaucoup de représentants de la communauté musulmane en France. Davantage d'exclusion ? Le rapport de la commission Stasi "ne résoudra pas tous les problèmes et risque de conduire à davantage d'exclusion", c'est ce que le SNES, Syndicat national des enseignants du second degré a souligné après la remise du rapport au président Chirac. Le SNES estime que le rapport de la commission Stasi sur la laïcité "ne résoudra pas tous les problèmes sur le terrain et risque de conduire à davantage d'exclusion là où le dialogue a prévalu", estimant que la commission a mis de côté d'autres débats sociaux qui sont tout aussi importants pour la laïcité. Parmi les propositions du rapport de la commission présidée par Bernard Stasi figure notamment l'adoption d'une loi interdisant les signes religieux et politiques "ostensibles" dans les établissements scolaires publics. Selon le SNES, la commission Stasi "propose un texte de loi dont le champ se réduit au port de signes religieux, laissant de côté toutes les autres atteintes à la laïcité. Et le SNES ne s'arrête pas là, il estime qu'avec son rapport, la commission "ne remet (...) pas en cause des règles et des lois qui portent en elles-mêmes atteinte à la laïcité. De ce fait, elle se contente de traiter toutes les religions à égalité sans remettre en question le statut dérogatoire d'Alsace-Moselle, sans s'interroger sur le décalque du calendrier scolaire sur les calendriers religieux, le fonctionnement des aumôneries, sans remettre en cause le caractère propre des établissements privés sous contrat". Par ailleurs, dans un communiqué, le syndicat enseignant "demande au gouvernement de respecter la logique éducative et d'étendre, si une loi devait être votée, les obligations de laïcité à toutes les forces qui veulent aujourd'hui utiliser l'école comme un terrain de propagande ou comme un marché".