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Pour que le passé ne se reproduise plus
Publié dans La Gazette du Maroc le 17 - 11 - 2003

Les exemples foisonnent, mais chaque pays a ses spécificités. L'Instance équité et réconciliation s'est basée sur les expériences mondiales mais en se gardant de ne pas faire table rase du particularisme marocain en matière de gestion du passif des droits de l'Homme. Elle se veut une manière pour éviter que les atteintes du passé ne se reproduisent à l'avenir. Elle démarrera avec la réparation des torts causés aux victimes.
Mercredi 13 novembre, une soirée peu ordinaire au siège du Conseil consultatif des droits de l'Homme. Le président de cette instance, Omar Azziman, le secrétaire général Driss Benzekri, Me Abdelaziz Benzakour et Me Chaouki Benyoub, deux autres membres du CCDH, ont donné une conférence de presse à laquelle plus d'une vingtaine de journalistes, représentant médias marocains et étrangers, ont assisté. L'objectif de la rencontre : donner plus de détails sur la recommandation devant instituer l'Instance équité et réconciliation et pour la constitution de laquelle le Souverain a donné son accord. D'abord, Omar Azziman a fait savoir qu'il s'agit de deux recommandations que le Souverain a acceptées. La première concerne le Prix Mohammed VI des droits de l'Homme pour l'année 2003 et la composition de son jury. La deuxième qui intéresse beaucoup plus l'opinion publique est celle concernant la création de “l'Instance équité et réconciliation, qui sera chargée de poursuivre le règlement extra-judiciaire des violations passées des droits de l'Homme liées aux disparitions forcées et aux détentions arbitraires.”
Processus d'ouverture
Omar Azziman a indiqué que la création de cette nouvelle instance qui adoptera "une approche plus humaniste et de proximité à l'égard des victimes des violations des droits de l'Homme", a tenu compte de la volonté royale visant la consécration des droits de l'Homme en tant que choix stratégique irréversible, de la dimension historique du Maroc d'après l'indépendance, du contexte politique actuel et du processus d'ouverture et de détente entamé depuis les années 1990.
Ce qui ne dissipe pas pour autant les craintes de certaines composantes de la société civile. La principale de ces craintes est de voir l'impunité érigée en système comme l'a soulevé plus d'une question. Ceci quoique dans leurs exposés préliminaires, aussi bien Azziman que Me Benyoub ont relevé le choix de tourner la page sans recours aux procès ni à la chasse aux sorcières. "Il y a eu les exemples de l'Espagne et du Portugal, ceux de l'Europe de l'Est ou d'Amérique Latine. Il y a eu des procès engagés contre des tortionnaires dans certains pays qui ont tout de même pris la précaution de gracier les mis en cause... Chaque pays et chaque société ont choisi l'option qui leur paraissait à même de régler sans grands dégâts le passif, mais les exemples espagnol et portugais ont été les plus concluants", dira l'un des membres du Conseil.
La comparaison est dangereuse dans ce registre et porte les germes d'un désaccord profond. C'est pour cela que Azziman a tenu à lever toute équivoque : "contrairement aux autres pays qui ont procédé à l'apurement du passif, après un changement de régime et avec une nouvelle Constitution, le Maroc a procédé au règlement du dossier dans la continuité, en ce sens qu'il n'y a pas eu changement de régime ou de Constitution." Plus encore, précise Azziman, la création de cette instance émane de la volonté de S.M le Roi Mohammed VI de consacrer les valeurs et la culture des droits de l'Homme en tant que choix constant du Royaume, les dimensions philosophiques profondes et la forte volonté réitérée par le Souverain pour clore de manière juste et équitable le dossier des disparitions forcées, des détentions arbitraires et de l'exil pour des raisons politiques.
Réparation du préjudice
L'approche explicitée se base sur la prise "en considération de la situation des victimes de ces violations et leurs souffrances sur les plans matériel, moral, social et de leur état de santé, ainsi que les propositions des organisations des droits de l'Homme et des dispositions du droit international et des expériences de pays étrangers dans des conditions similaires à notre pays ou non, a ajouté le président du CCDH."
Et c'est dans ce sens que la nouvelle instance permettra de passer de l'indemnisation pécuniaire à l'idée de la réparation du préjudice dans tous ses aspects moral, psychique, éthique et social, et fonctionnera selon "une approche plus humaniste et plus civilisationnelle", explique-t-on. La nouvelle instance sera différente de la Commission d'arbitrage puisqu'elle aura des charges différentes et des missions différentes. Elle mènera les investigations au sujet des cas de disparitions forcées qui n'ont pas encore été élucidées en déployant tous les efforts nécessaires pour aboutir à des résultats dans ce sens. Quant à sa composition, l'instance regroupera des personnalités connues pour leur compétence, leur intégrité intellectuelle et leur attachement aux droits de l'Homme. Elle se chargera, dans un délai de neuf mois prorogé le cas échéant de trois mois au maximum, de l'évaluation exhaustive du processus du règlement du dossier des disparitions forcées et des détentions arbitraires en engageant des contacts avec le Gouvernement, l'instance indépendante d'arbitrage chargée précédemment de l'indemnisation, les autorités publiques et administratives concernées, les organisations des droits de l'Homme et les représentants des victimes et leurs familles. La nouvelle structure aura aussi pour tâche de régler l'un des problèmes les plus douloureux de cette page de l'histoire marocaine : celle de trouver des solutions pour les cas des personnes décédées au cours des disparitions forcées et des détentions arbitraires dont elles étaient victimes. Elle tentera de localiser les lieux d'inhumation pour permettre aux proches de leur rendre visite et de se recueillir sur leurs tombes. Les membres de l'instance nouvelle poursuivront le travail accompli par l'instance indépendante d'arbitrage pour l'indemnisation des victimes et des ayants droit qui ont souffert de disparitions forcées et de détentions arbitraires pour les préjudices matériels et moraux subis, sur les mêmes bases de justice et d'équité.
Elargissement des prérogatives
Me Benzakour, relayé par Azziman, a apporté des éclaircissements sur les dossiers traités par la Commission d'arbitrage et les possibilités de leur révision par l'actuelle instance. Selon lui, les dossiers examinés par la commission d'arbitrage ne seront pas examinés par l'instance d'équité. Sauf quand la première aura déclaré son incompétence à traiter certains volets. Ces volets, notamment la réinsertion sociale, pourront être examinés par l'instance d'équité, précise-t-il. Rappelons dans ce cadre, que les victimes ayant recouru à la Commission d'arbitrage se sont engagées à accepter ses décisions relatives aux montants des indemnités allouées. Par contre, la nouvelle structure jouit de prérogatives plus larges et ne se limite pas au seul volet pécuniaire. Il est question d'un long travail de réparation de tout le préjudice causé aux victimes, sur tous les plans, notamment le côté moral et la réinsertion sociale.
Un rapport, considéré comme document officiel de l'"Instance équité et réconciliation", sera par ailleurs élaboré et comportera notamment une analyse des violations commises en rapport avec les disparitions forcées et les détentions arbitraires et les avancées enregistrées dans les dossiers liés à ces violations ainsi que des recommandations et propositions de nature à préserver la mémoire et à faire en sorte que de telles pratiques ne se reproduisent plus.
Cette instance constitue, d'après Azziman, "un saut qualitatif pour clore d'une manière définitive le dossier des violations passées des droits de l'Homme". Un saut que les organisations marocaines des droits de l'Homme ne semblent pas toutes admettre. Une réunion a eu lieu le 11 novembre entre les représentants des diverses ONG concernées et les responsables du CCDH pour débattre des nouveautés et des objectifs de l'instance. Si le principe est accepté presque à l'unanimité, certaines associations, notamment l'Association marocaine des droits humains et Forum Vérité et Justice ne semblent pas d'accord sur le principe de l'impunité.
Pour l'AMDH, il s'agit d'une absolution des criminels. Mais pour le moment, aucune position claire et officielle des ONG n'a été prise dans ce sens. Seuls certains dirigeants font des déclarations dans un sens ou dans un autre.
La question en fait dépasse de loin les procès des criminels pour atteinte aux droits de l'Homme. Il s'agit justement à travers un travail scientifique, rigoureux et impartial de tirer les leçons du passé pour préparer l'avenir. Et comme le dira plus d'une fois Azziman, l'instance se veut un moyen pour que les violations des droits de l'Homme que le Maroc a connues par le passé ne se reproduisent plus à l'avenir. Et pour cela il faut bien des garanties dont la principale est l'action méthodique et constructive des organisations de la société civile. Loin des calculs politiciens.
L'instance d'arbitrage
Un travail de Titan
Abdelaziz Benzakour, membre du CCDH et de l'instance indépendante d'arbitrage et d'indemnisation, qui a dressé le bilan de cette instance, a indiqué que plus de 5.000 demandes ont été examinées par cette instance durant 196 séances. Il a indiqué notamment que le montant des indemnisations a atteint environ 1 milliard de DH, soit 100 milliards de centimes.
Benzakour a ajouté que l'instance a adopté des critères dans le calcul des indemnisations, entre autres, les conditions de détention arbitraire et leurs conséquences psychologique et sociale ainsi que la situation sociale des familles des victimes.
A une question sur le mécontentement de certaines victimes du montant de leurs indemnisations, Omar Azziman a appelé à faire un véritable sondage pour déterminer la part des mécontents par rapport aux autres.
Il y en a, selon lui qui ont été agréablement surpris par les montants qui leur ont été alloués. D'autres ont considéré que le seul fait de trouver une commission devant laquelle ils ont pu déballer sans crainte ni honte, ce qu'ils ont enduré est une véritable récompense, dit-on à la conférence de presse...
Le délai ayant été fixé au 31 décembre 1999, qui tombait un vendredi, "nous avons décidé de le proroger jusqu'au lundi 3 janvier 2000 pour permettre aux retardataires de déposer leurs dossier. Ce lundi-là, nous avons reçu plus d'un millier de dossiers", dira Me Benzakour.


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