Rapport de Bank Al Maghrib 2002 Croissance modérée, mais résultats économiques et financiers relativement satisfaisants. Telles sont les conclusions majeures du rapport de Bank Al-Maghrib (BAM) pour l'exercice 2002. L'année a été marquée principalement par la poursuite de la consolidation des acquis en matière de stabilisation macroéconomique. La Banque centrale recommande cependant d'accélérer la mise à niveau de l'économie nationale pour mieux réussir son intégration au sein de l'économie mondiale. Le rapport 2002 de Bank Al Maghrib, retraçant les principales évolutions économiques, monétaires et financières qui ont marqué l'année 2002, est instructif à plus d'un titre. En dressant le bilan de l'exercice précédent, il laisse un sentiment de perplexité sur l'état réel de la santé économique du pays. Il est difficile, en effet, de se faire une idée exacte sur les aspects favorables et ceux qui le sont moins tant les données globales sont parfois mitigées et reflètent une évolution générale dominée par tous les stigmates du passé récent. Malgré certains résultats positifs, qu'il faut cependant relativiser, aucune avancée spectaculaire ni changement profond ne sont intervenus pour sortir l'économie nationale de sa léthargie et laisser espérer des perspectives de décollage. L'hypothèque agricole continue de peser lourdement sur l'économie nationale et rend de ce fait aléatoire toute projection économique et réduit les possibilités d'anticipation. Comment élaborer correctement le budget de la nation lorsqu'on est condamné à attendre la clémence du ciel et que la production céréalière peut varier du simple au quadruple d'une année à l'autre ? C'est ce qui explique le différentiel de croissance enregistré au cours des dernières années. On passe d'une croissance à deux chiffres à une croissance négative et inversement. Seuls les pays les moins avancés sont abonnés à des écarts d'une telle ampleur. Croissance et conjoncture mondiale Ainsi, en 2002 la croissance n'a pas dépassé 3,2 % après avoir atteint 6,3 % en 2001, porté une fois de plus par le PIB agricole qui a progressé de 5,6 %, alors que les secteurs secondaire et tertiaire n'ont affiché respectivement qu'une progression de 2,7 % et 2,9 % seulement. Le rapport de BAM attribue, en grande partie, le faible niveau de la croissance à l'environnement international, marqué par de fortes tensions géopolitiques et l'instabilité des marchés des changes qui ont provoqué le ralentissement de la croissance économique et du commerce international. Mais la conjoncture mondiale, si peu favorable soit-elle, a trop bon dos. Elle ne saurait masquer les faiblesses structurelles de l'économie nationale. Dans une économie disposant de fondamentaux solides, un retournement négatif de la conjoncture mondiale se traduirait tout au plus par la perte d'un point de croissance. Pour s'en convaincre, il suffit de se référer à l'exemple de la Chine et des autres pays émergents du Sud-Est asiatique. Tous ces pays ont enregistré des taux de croissance à peine inférieurs à ceux de 2001. En outre, malgré l'aggravation des tensions géopolitiques autour de l'Irak, la guerre contre ce pays et même l'apparition de la pneumonie atypique qui a affecté gravement ces pays, les taux de croissance attendus pour cette année seront pratiquement du même niveau que l'année précédente. Par ailleurs, comment expliquer qu'en dépit de la conjoncture mondiale bien moins favorable qu'en 2002, toutes les prévisions, émanant d'organismes publics ou privés, tablent pour cette année sur un taux de croissance du PIB marocain compris entre 6 % et 7,4 %, selon la source ? Le " mal de croissance" a donc d'autres causes bien plus profondes. Il trouve son origine principalement dans l'absence de politique industrielle, l'insuffisance de l'investissement dans le capital humain et dans les infrastructures de base. Le Maroc n'est pas encore parvenu à atteindre le seuil minimum d'accumulation du capital qui aurait rendu la croissance plus régulière et moins vulnérable aux chocs tant internes qu'externes. C'est toute la politique économique qui est en cause et qu'il faudrait réviser profondément. Les analystes s'accordent pour dire que seule une croissance du PIB non agricole supérieure à 6 % permettrait au Maroc de nouer avec une croissance moins erratique, forte et durable. Adapter le cadre législatif et réglementaire Le rapport de BAM estime qu'en dépit de l'environnement peu favorable et d'une croissance modérée, l'économie nationale a enregistré des résultats satisfaisants. Les principaux indicateurs économiques et financiers affichent une évolution positive. La situation de l'emploi s'est relativement améliorée, l'inflation, bien qu'en accélération, est restée modérée (2,8 %) et le compte courant de la balance des paiements a dégagé un excédent de 7 milliards DH. En outre, le déficit budgétaire, même s'il a dépassé l'objectif de 3 % du PIB pour s'établir à 4,3 %, est resté à un niveau inférieur à celui de 2001, hors privatisations. La bonne tenue dans l'ensemble des agrégats monétaires a favorisé la poursuite de réduction des taux d'intérêt de 145 points de base en moyenne. De leur côté, les réserves de change ont atteint un sommet représentant plus de 9 mois d'importations. Les résultats économiques et financiers montrent que le Maroc continue de consolider ses acquis en matière de stabilisation des équilibres macroéconomiques. Mais le problème est de savoir à quoi peut servir la consolidation du cadre macroéconomique si elle ne stimule pas la croissance et développe l'emploi productif. L'expérience de ces dernières années indique à l'évidence que tel n'a pas été le cas. D'ailleurs, BAM souligne que : "l'économie nationale demeure confrontée à des fragilités liées principalement à la dépendance des finances publiques à l'égard des recettes non récurrentes ainsi qu'au poids des dépenses courantes [personnel et dette]…au faible développement de l'épargne longue et à la lenteur tant du processus d'assouplissement des conditions de financement des PME que de la mise à niveau". En outre, BAM insiste sur l'importance de la poursuite de l'adaptation du cadre législatif et réglementaire à l'évolution de l'économie nationale et de l'environnement international. Ainsi, dans le domaine financier, les projets de réforme des statuts de BAM et de la loi bancaire sont en cours de finalisation. Ils visent à renforcer le rôle de l'Institut d'émission en consacrant son indépendance et en lui confiant la responsabilité de la politique monétaire du pays, ainsi que la réglementation et le contrôle des activités des établissements de crédit. Il est intéressant de noter que la Banque centrale affirme que la stabilité des prix demeure l'objectif prioritaire de la politique monétaire afin d'améliorer la compétitivité de l'économie nationale. Mais, cet objectif, à lui seul, ne semble pas suffisant. BAM estime, en effet, que : "au-delà de la maîtrise des prix, c'est vers la viabilité à moyen terme du cadre macroéconomique dans son ensemble et la création d'un contexte attrayant pour l'investissement tant national qu'étranger que doivent converger les politiques menées dans les différents domaines". Est-ce une allusion à un éventuel élargissement de la future mission de la Banque centrale qui ira au-delà de la stabilisation des prix, comme c'est le cas de la Réserve fédérale américaine et contrairement à la Banque centrale européenne dont le rôle se limite à la maîtrise des prix ?