-Avec des jeunes polyglottes bien formés (Bac+ 2 et plus), le Maroc a en plus l'atout en ressources humaines. -Les téléopérateurs sont aussi bien payés que les agents de banques mais ils le sont trois fois moins que leurs homologues européens. -Maroc Telecom, un facilitateur pour l'installation de centres d'appel grâce aux tarifs aménagés et à la technologie -Le Maroc, une oasis qui se dispute les opportunités d'outsourcing avec la Tunisie, l'Inde et l'île Maurice A la fin 2002, le Maroc comptait jusqu'à une vingtaine de centres d'appel opérant tant sur le marché national qu'au niveau international. Le secteur emploie désormais plus de 5.000 jeunes, alors qu'il est loin d'avoir atteint sa maturité. Les entreprises du secteur continuent de croître à des taux qui dépassent largement la croissance du PIB. Il y a donc matière à s'intéresser de plus près à cette nouvelle économie. Il y a tellement de promesses dans ce secteur que certains spécialistes n'hésitent pas à qualifier le Maroc de nouvelle Irlande, et ce dès 2001. Un marché en pleine expansion Le fait que le Maroc commence à percer dans le domaine des centres d'appel ne relève pas du hasard. Il tient à une combinaison de plusieurs facteurs indispensables à la rentabilisation des investissements. Comme dans toute activité qui espère être rentable, il faut l'existence du marché. La proximité avec l'Europe est déjà un atout non négligeable. Cependant, à elle toute seule, elle ne saurait garantir la réussite des call-centers installés au Maroc. En matière dedélocalisation, la prospérité et la réussite sont toujours liées à un marché local fort. Seul ce marché local est à même de garantir un amortissement conséquent des charges fixes des centres d'appel. Or, on ne saurait nier le développement fulgurant des télécommunications au Maroc, notamment en ce qui concerne la téléphonie mobile dont le nombre de clients dépasse désormais 6,2 millions. Par ailleurs, de plus en plus d'entreprises mettent à la disposition de leur clientèle des numéros verts. Les chiffres sont assez éloquents pour décrire cette prise de conscience. En effet, si en 2001 on ne comptait qu'environ 70 numéros verts, en 2002 on a assisté à la création d'environ 300 nouveaux numéros. Et d'après Maroc Telecom, la tendance n'est pas au renversement, d'autant qu'entre temps deux nouveaux types de numéros d'accueil ont été introduits, c'est-à-dire les numéros économiques et directs. Un vivier de RH bien formées Au-delà de ces avantages liés à ce marché en pleine expansion, on ne saurait ignorer l'existence d'un capital humain qualifié. Le niveau de formation requis pour les fonctions de télé-opérateurs est l'équivalent d'un DEUG ou bien d'un bac+4 ou encore celui des diplômes professionnels de l'Office de la formation professionnelle. En plus, un bon niveau de langues tant en arabe, en français qu'en espagnol est indispensable. Le moins que l'on puisse dire est que le marché du travail regorge de ce type de profils. L'autre avantage lié aux ressources humaines est sans doute le niveau bas des salaires. En effet, un télé-opérateur coûte entre 5.000 et 6.000 DH, y compris les charges sociales. Alors qu'en France, un employeur débourse jusqu'à 2000 euros (20.000 dh), pour le même profil qu'au Maroc. Il convient de signaler au passage que 65% des coûts des centres d'appel sont constitués de charges du personnel, d'où l'importance d'avoir l'opportunité de ce niveau bas de salaires. En outre, le Maroc présente l'avantage d'avoir un faible taux de rotation du personnel dans la mesure où ce salaire de 5.000 DH est bien plus motivant que les 2.000 euros. Il correspond à ce que touche un jeune cadre de banque de formation équivalente. C'est dire que toutes les conditions sont réunies pour que les ressources humaines soient plus compétitives au Maroc qu'en France. La carte Maroc Telecom Les arguments concernant le marché et le personnel sont certes décisifs, mais quand il s'agit de s'attaquer à l'exportation de services, il faudra compter avec un troisième argument dont la clé est entre les mains de Maroc Telecom, l'unique opérateur. L'installation d'un outsourcer pour la clientèle d'une entreprise européenne nécessite une grille de tarifs adéquate concernant les communications internationales. Les centres d'appel bénéficient effectivement de ces tarifs pour leurs communications internationales. Le président de Méditélécom, Ramon Enciso, remerciait d'ailleurs son homologue de Maroc Telecom pour les facilités qui ont été accordées dans ce sens. A rappeler que c'est la maison mère de Méditélécom, à savoir Telefonica, qui a ouvert le bal des centres d'appel avec sa filiale Attento. La tarification est cependant effectuée au cas par cas et résulte de négociations avec celui qui détient encore le monopole des télécommunications internationales, c'est-à-dire Maroc Telecom. Malheureusement, certaines entreprises, se faisant passer pour des exploitants de call centers, profitent de ces tarifs favorables pour détourner le trafic international au détriment de l'opérateur historique. Sur ce sujet, plusieurs plaintes sont actuellement instruites et des affaires déjà jugées ont abouti à la condamnation des entreprises en question. Rude concurrence Si le Maroc a choisi de charmer les investisseurs potentiels c'est sans doute parce que le business est assez juteux pour assurer la création de milliers d'emplois et une bonne rentrée de devises. En effet, les professionnels estiment que 15.000 à 20.000 emplois sont susceptibles d'être créés dans les trois ou cinq prochaines années. Mais ceci n'échappe pas aux concurrents du Maroc, dont le plus proche géographiquement, mais aussi économiquement est la Tunisie. C'est d'ailleurs la Tunisie qui avait remporté la première manche de cette bataille en voyant s'installer très tôt les groupes français comme Téléperformance. Depuis, la donne a bien changé avec la venue de Teletech, installé à Rabat, puis d'Attento, de Phone Assistance, etc. Les pays du Maghreb le disputent à l'Inde, mais aussi à l'île Maurice qui présentent eux aussi des niveaux de salaire a priori intéressants. Quoi qu'il en soit, les autorités marocaines semblent désormais avoir pris conscience de l'importance de ce secteur et c'est pour cela que des changements majeurs sont en cours. Ils se déclineront en divers avantages à accorder aux entreprises du secteur. Déjà, de nombreux avantages fiscaux Il est à signaler que les centres d'appel assurant les fonctions d'outsourcers pour des entreprises étrangères bénéficient déjà d'avantages fiscaux divers. En effet, au titre de l'impôt sur les sociétés, ces entreprises sont considérées comme exportatrices. Les services rendus à la clientèle étrangère, bien que produits au Maroc, sont consommés hors du territoire et ils sont également payés en devises. Cela suffit pour faire d'elles des exportatrices au sens fiscal du terme, pourvu bien évidemment que les devises fassent l'objet d'un rapatriement. Ainsi, pour la part du résultat correspondant au chiffre d'affaires en devises, elle est totalement exonérée de l'impôt sur les sociétés au titre des cinq premières années d'activité. Pour les années au-delà des cinq précitées, elles bénéficient d'un abattement de 50% pour le calcul de l'impôt concerné. Il en est de même pour la TVA. La clientèle étrangère ne supporte ainsi aucune taxe à la consommation. La primature à l'écoute des centres d'appel… L'intérêt que présente le secteur n'échappe pas au gouvernement. Le Premier ministre, Driss Jettou, a récemment réuni plusieurs chefs de département pour l'élaboration de mesures concrètes à mettre en œuvre sans délai. En effet, la question des centres d'appel a fait l'objet récemment d'une consultation de plusieurs membres du gouvernement ainsi que de certains acteurs directement concernés par ce projet. L'objectif de la rencontre était de tracer un cadre suffisamment incitatif pour attirer sans délais les investisseurs dans le domaine des télécommunications et plus précisément dans celui des call centers. En effet, une réunion de travail a été tenue par Driss Jettou avec Rachid Talbi Alami, ministre des Télécommunications, Fathallah Oualalou, l'argentier du pays, Abderrazak El Mossadeq, ministre chargé des Affaires économiques et générales et de la mise à niveau. Abdeslam Ahizoune, le président du directoire de Maroc Telecom, concerné au premier chef par la question des centres d'appel ne pouvait bien évidemment pas rater un tel rendez-vous. Il en est de même pour Hassan Bernoussi, le directeur des investissements. Enfin, il y avait à cette rencontre, la CDG, le bras financier de l'Etat pour tous les projets de développement dont le président s'est fait représenter. De toute évidence, il ne pouvait sortir d'une telle réunion que des mesures concrètes à mettre en œuvre. Les recommandations des différentes discussions qui ont eu lieu entre professionnels et gouvernants ont enfin abouti à quelque chose de concret. Ainsi, le gouvernement s'engage-t-il à faciliter l'accueil d'entreprises du secteur qui pourraient éventuellement démarrer leur activité aussi rapidement que possible. D'abord, un centre d'appel relais sera installé à Casablanca Technoparc, sur huit plateaux spécialement équipés pour recevoir les entreprises du secteur. Un investissement de 25 millions de DH est nécessaire pour la réalisation de ce premier projet. Et l'équipe de Jettou s'était donné un délai de trois mois seulement, et dont il ne reste plus que deux mois. Ce dernier servira de siège provisoire pour l'ensemble des opérateurs désirant s'installer au Maroc. Marché arabe, pourquoi pas ? Le potentiel du Maroc en matière de call centers demeure largement sous-exploité. Certes, les call centers orientés vers le marché européen se développent raisonnablement, bien qu'il reste encore des efforts à faire. Sur l'ensemble du territoire, les entreprises ayant une clientèle francophone peuvent trouver facilement les profils de niveau bac+2 avec une bonne maîtrise de la langue de Molière. Pour les investisseurs intéressés par la langue de Cervantès, le Nord du Royaume, à savoir Tanger, Tétouan, Larache et leurs environs, est un bassin intéressant. Ces deux raisons font que les entreprises qui se sont installées pour le moment sont surtout intéressées par le marché européen. Mais le Maroc est avant tout un pays arabophone, et il va de soi que le chômage touche plus les jeunes ayant suivi des études entièrement en langue arabe. La question se pose donc de savoir pourquoi jusqu'ici, il n'y a pas de call centers orientés vers les pays du Golfe. Le niveau de vie dans ces pays est aussi élevé qu'en Europe. En termes de charges sociales, le Maroc présente les mêmes avantages par rapport aux pays du Golfe que par rapport à l'Europe. Il y a donc à faire à ce niveau.