La sortie médiatique de Khaled Nezzar a défrayé la chronique, obligeant la presse à réagir. Du côté marocain, l'intégrité territoriale fait l'unanimité générale. Du côté algérien, des voix s'élèvent contre le séparatisme. A lire. Après une analyse attentive des réactions de la presse vis-à-vis des déclarations de l'ancien général de l'armée algérienne, il ressort une nette division des journaux entre une catégorie qui soutient les propos de Nezzar, une deuxième qui a paru sceptique et une troisième qui a choisi de s'abriter derrière la neutralité. Les inconditionnels… La plupart des partis traditionnels avaient soutenu les propos de Khaled Nezzar, à l'image du parti de l'Istiqlal qui s'est démarqué de la presse partisane par un appui inconditionnel aux déclarations du général. Ainsi, L'Opinion du 11 mars s'est dit satisfait de la déclaration de Khaled Nezzar contre la création d'un nouvel Etat sahraoui. Le quotidien de l'Istiqlal a estimé que les propos du général Nezzar sont optimistes puisqu'ils soutiennent la thèse de la consolidation du Maghreb, comme solution au problème du Sahara. Et pour aller dans le même sens, Al Alam, du 12 mars, est revenu sur la réaction de la presse algérienne, notamment le point de vue positif du journal algérien Al-Bilad, qui a applaudi les déclarations du général Nezzar, les qualifiant d'assisses raisonnables pour endiguer le conflit saharien entre le Maroc et l'Algérie. A l'instar de l'Istiqlal, le PPS a soutenu sans réserve les propos de Nezzar. Ainsi, dans Al Bayane, du 11 mars, le parti s'est félicité des déclarations de Nezzar, rejetant la création d'un nouvel Etat sahraoui. Mieux, le PPS a profité par la même occasion pour inviter le Maroc et l'Algérie à multiplier les initiatives pour trouver une résolution définitive à la question du Sahara. Dans le même sillage, Aujourd'hui le Maroc du 11 mars, a considéré que l'interview du général Khaled Nezzar est un “plaidoyer” pour la réconciliation entre le Maroc et l'Algérie, qui soutient implicitement la position de Rabat, pour sortir du conflit du Sahara marocain. En revanche, le parti de l'USFP a eu un long moment d'hésitation (48 heures) avant d'applaudir les propos de Nezzar ! Après s'être contenté de rapporter la déclaration principale de Nezzar que l'Algérie n'a pas besoin d'un nouvel Etat à ses frontières, dans son édition du 11 mars, Al-Ittihad Al-Ichtiraki du 13 mars, a finalement exprimé son soutien aux propos du général : “les déclarations de Nezzar sont les bienvenues afin de lever le voile sur un conflit fomenté par l'armée algérienne”. Les sceptiques : oui, mais ... A la surprise générale, Le Matin du Sahara du 10 mars, à l'instar d'une partie de la presse algérienne, a semé le doute dans les propos de Nezzar. Ainsi, dans une déclaration à la chaîne de télévision 2M, le directeur du quotidien a fait remarquer que les déclarations de Nezzar ne sont pas officielles et que, par conséquent, il faudra les prendre avec beaucoup de vigilance et de circonspection. Et ce n'est qu'après la confirmation de l'interview que le journal est revenu sur le sujet, dans son édition du 13 mars. Dans ce camp, Le Matin du Sahara est rejoint par Al-Ahdath Al-Maghribia. Ainsi, dans son édition du 11 mars, le quotidien arabophone a considéré que les déclarations du général Nezzar, sur la responsabilité des politiques dans le conflit saharien, visent à innocenter l'armée algérienne, considérée comme le véritable responsable de l'exacerbation des relations entre le Maroc et l'Algérie. C'est d'ailleurs l'avis du journal algérien “Le Quotidien d'Oran”. Mais, dans son édition du 12 mars, Al-Ahdath Al-Maghribia a révisé sa position en soulignant l'écho positif des déclarations du général Nezzar dans la presse algérienne. Selon le quotidien, les déclarations de Nezzar sur le Sahara constituent une rupture avec les déclarations algériennes antérieures. C'est le cas aussi de “Maroc hebdo” du 14 mars, qui s'est demandé, à la une, si les déclarations du général Khaled Nezzar sont un ballon d'essai ou bien si elles traduisent le bon sens. L'hebdomadaire a estimé que, en tout état de cause, il apparaît que la junte militaire a lâché le Polisario. No comment… Après la publication de l'interview, une partie de la presse partisane nationale a préféré jouer la “vigilance” en évitant d'émettre le moindre commentaire politique. C'était par exemple le cas du FFD dans Al-Mounaâtaf du 11 mars et de l'USFP dans Al-Ittihad Al-Ichtiraki du 12 mars. En fait, les deux quotidiens se sont contentés de revenir uniquement sur les moments forts de l'interview, notamment la déclaration de Nezzar contre la création d'un nouvel Etat sahraoui aux frontières de l'Algérie. C'était également le cas de la presse “indépendante” qui a choisi de résumer brièvement les propos de Nezzar sans les commenter. La position des hebdomadaires arabophones, Assahifa et Al-Ayam du 14 mars, en sont une parfaite illustration. Le quotidien Achark Al-Awssat du 11 mars a, lui aussi, joué la prudence en focalisant ses propos sur le plan Baker et l'ouverture des frontières entre le Maroc et l'Algérie en avril prochain. La presse algérienne : la petite révolution Après les déclarations du général Nezzar à “La Gazette du Maroc”, la presse algérienne a été divisée en deux camps : l'un qui soutient les propos de Nezzar et l'autre qui critique la sortie médiatique de l'homme fort de l'armée algérienne. Dans le premier camp, le journal Al-Bilad a révolutionné le discours médiatique officiel, en défendant les propositions de Khaled Nezzar. Mieux, le quotidien a estimé que la solution du “non-perdant, non-gagnant” est une solution raisonnable et juste à un problème qui épuise, depuis trois décennies, les ressources du Maroc et de l'Algérie. Dans le deuxième camp, Le Matin et Al-Akhbar ont affirmé que le général a abandonné le Polisario. Alors que le quotidien Al-Fajr a fait remarquer que le général est contre l'indépendance du Sahara occidental. Entre ces deux positions, certains organes de presses, tel “Le Quotidien d'Oran” ont adopté un jeu à double standard. Selon le quotidien, les propos du général Nezzar ont pour objectifs principaux de remettre la responsabilité du conflit saharien aux politiques et, par là même, innocenter l'armée algérienne. D'après Le Quotidien d'Oran, c'est la position d'un courant très fort dans l'armée, qui déroge au discours officiel. D'un autre côté, le journal en question a amorti son coup en considérant les propos de Nezzar comme étant une évolution dans les positions algériennes. D'autres journaux, quoique peu nombreux, ont opté pour la neutralité en s'abstenant de commenter les propos de Nezzar. C'est l'exemple du journal algérien Al-Yawm qui, à l'instar d'une grande partie de la presse nationale marocaine, s'est abstenu de tout commentaire politique de l'interview. En somme, on peut dire que les réactions de la presse, à l'égard de la sortie médiatique de Nezzar, étaient dans l'ensemble très positives. Ceci dit, l'interview de Nezzar à “La Gazette du Maroc” a eu, tout de même, trois conséquences politiques majeures : primo, le renouvellement du soutien inconditionnel des partis traditionnels à l'intégrité territoriale du Maroc. Secundo, l'émergence d'un “nouveau” courant politico-médiatique algérien qui rejette l'option séparatiste du Polisario. Tertio, le rôle incontournable de la presse constructive dans le jeu politique. La Gazette du Maroc vient d'en donner l'exemple. Une véritable leçon de professionnalisme.