Comme dans toutes les sociétés arabo-musulmanes, la femme est reléguée au second plan. Par conséquent, elle n'arrive pas à s'imposer sur la scène politique. Dans les milieux urbains, la femme peine à se défaire de la ségrégation exercée par les hommes. Alors que dans le monde rural, elle ne fait que subir la loi de sa communauté traditionnelle. La sous-représentation politique de la femme est un problème contextuel au système politique marocain. Historiquement, la femme a toujours eu des difficultés à faire sa place dans le champ politique, considéré comme la chasse gardée des hommes. Sa timide participation aux échéances électorales n'a pas favorisé sa présence dans les instances politiques nationales et locales. Pourquoi ? Le legs de la société patriarcale Même après l'indépendance, l'entrée de la femme en politique s'est faite d'une manière très discrète, laissant le champ libre aux hommes pour se tailler la part du lion des postes électifs. De plus, culturellement, la société marocaine n'était pas prête à accepter la femme dans des postes de responsabilité politique. La femme a été considérée comme la seconde de l'homme, qui doit s'occuper du ménage et des enfants. Après l'indépendance, les femmes auraient dû attendre jusqu'aux années 80 pour se faire une “ place ” sur la scène politique nationale. Ceci est d'autant plus vrai pour la femme dans le monde rural. En fait, les alliances familiales et tribales avaient considérablement favorisé l'hégémonie d'une société politique patriarcale, dans laquelle la femme rurale est soumise à l'autorité suprême des mâles. Représentation politique quasi-nulle Même si le Maroc a accordé le droit de vote et d'éligibilité aux femmes dès 1963, il n'en demeure pas moins que la représentativité politique de la femme demeure en deçà des aspirations féminines. Un détour historique des élections communales précédentes atteste positivement de cet état de fait. Ainsi, d'après une analyse minutieuse des résultats des élections communales de 1997, il ressort que la femme n'a été représentée que par 84 élues sur 1.651 candidats, soit un pourcentage de 0,34 % de femmes conseillères communales. Pour aller plus loin, il faut rappeler que la femme rurale n'a été représentée que par 14 élues. Un résultat négatif qui ne traduit aucunement le nombre croissant de la population féminine rurale. Cette situation s'explique par “ la ségrégation sociale ” à l'égard des femmes, et qui demeure l'une des principales composantes de notre culture politique. Le paradoxe de la participation politique Il va sans dire que la participation politique des femmes reste l'un des points noirs de toutes les élections précédentes. Les spécialistes sont catégoriques : c'est un phénomène politique universel. Pourtant, au Maroc, il commence à prendre une ampleur inquiétante, surtout lors des dernières législatives. Ce constat inclut aussi bien les hommes que les femmes. Même si ces dernières affichent le plus haut degré d'abstentionnisme avec une moyenne de 68% contre 58%, lors des communales de 1997. Néanmoins, force est de constater que, curieusement, la femme dans le monde rural se démarque manifestement de ces résultats. En effet, une analyse statistique des résultats du scrutin de 1997 révèle un enseignement pour le moins surprenant : le taux de participation politique de la femme rurale est supérieur à celui de la femme urbaine, 60% contre seulement 32% ! Ainsi, à l'encontre des idées reçues, il apparaît que la femme rurale n'est pas aussi dépolitisée comme on a tendance à le croire. Par conséquent, l'argument qui explique l'abstentionnisme politique de la femme par le haut degré d'analphabétisme ne résiste pas à la finesse de l'analyse. L'explication est plutôt de type sociologique: le taux élevé de la participation politique de la femme rurale aux élections s'explique par la domination d'une “ solidarité communautaire ”, qui marque les comportements socio-politiques des sociétés traditionnelles. Le vote est ainsi présenté, non pas comme un acte individuel, mais plutôt comme une action collective qui vise le soutien des leaders politiques mâles d'une communauté. La mobilisation générale des femmes rurales, lors des élections, illustre parfaitement cet état de fait , contrairement au monde urbain, qui reste dominé par un “ individualisme d'intérêt” des électeurs, à l'exception des islamistes politiques du PJD. En fait, ces derniers pourraient bien faire montre d'une grande solidarité communautaire à base religieuse, lors des prochaines communales. Les résultats d'une telle stratégie sont garantis. La décision politique revient aux hommes... Même si la femme rurale affiche un taux de participation politique plus élevé que la femme urbaine, elle ne jouit pas pour autant d'une représentation politique honorable. Au contraire, elle est souvent exclue des instances politiques locales, avec un faible taux de représentation, dans les conseils communaux, de l'ordre de 0,02 % ! Par voie de conséquence, il était tout à fait logique que la femme rurale fut mise à l'écart de toute décision politique, la concernant de près ou de loin. En somme, la représentativité de la femme rurale au sein des conseils municipaux demeure l'exception qui déroge à la règle. Cette situation s'explique, avant tout, par l'hégémonie d'un modèle culturel traditionnel, où la “ Jmaâ ” ou le conseil de la tribu, composée uniquement d'hommes, est le maître incontesté qui tranche dans les grandes décisions politiques. Actuellement, les organisations internationales essayent de briser ce tabou en intégrant les femmes dans les projets de développement socioéconomiques. L'intérêt croissant porté à la femme rurale, par ces instances, a remis en cause tout un ensemble de comportements ségrégationnistes à l'égard de la femme rurale. La mise en place de structures associatives a contribué considérablement à la réhabilitation de la femme, parfois même dans des régions très enclavées. Maintenant, à l'approche des élections communales de juin 2003, la femme politique va certainement tenter de réaliser l'un de ces principaux objectifs : investir le champ politique local par le gain d'un grand nombre de postes électifs. Un pari des plus difficiles, à en juger par les courants de résistance qui refusent “ la parité politique ” entre l'homme et la femme, surtout dans le monde rural. Il est vrai qu'un courant “ moderniste ” imagine déjà des conseils à forte présence féminine. Et même des femmes aux postes de commandement . Toujours est-il qu'une grande partie des “conservateurs” résiste pour garder la femme confinée dans sa maison et à laquelle on interdit parfois même de parler aux étrangers. Incroyable mais vrai. La femme et les élections 1960 : 14 candidates, mais aucune élue. 1976 : 72 candidates et 10 sont élues (2 femmes rurales) 1983 : 307 candidates et 43 élues (6 femmes rurales) 1992 : 1086 candidates et 75 élues (10 femmes rurales) 1997 : 1651 présentées et 84 élues (12 femmes rurales)