Un chauffeur qui se fait voler, deux filles qui manquent de se faire violer : deux cas parmi tant d'autres d'agressions planifiées révèlant les pratiques d'une délinquance organisée de plus en plus fréquente. Celle qui s'attaque aux taxis de nuit. Kader, un chauffeur de taxi «casaoui», vient encore de se faire agresser. C'est la deuxième fois en peu de temps. Ils lui ont tout pris : recette, portable, montre…même le compteur, pour le revendre sans doute. Le pauvre homme ne s'en est apparemment pas remis. Il est devenu un peu parano, normal. Tout passager lui semble suspect et il vit dans la peur. Mais il faut bien qu'il continue à travailler. Il a une femme, deux enfants, et le patron du taxi a déjà un chauffeur pour le tour du jour. Il n'a pas le choix. Pourtant, avant ces agressions, il préférait conduire la nuit. Pas d'embouteillage, pas de pollution, pas de piétons qui traversent n'importe où, ni de vélos et cyclomoteurs qui slaloment et surgissent soudain devant le capot. Sauf que la nuit cela devient de plus en plus dangereux. Les taxis sont pris pour cibles par des pirates nocturnes. Il faut dire que pour les délinquants, il est relativement facile de s'attaquer à un chauffeur. Il leur suffit de monter dans un taxi, d'indiquer une adresse bidon dans un quartier peu fréquenté et, une fois à destination, sortir un objet, tranchant de préférence, et de menacer le conducteur. Deux choses : ou celui ci se rebiffe, et les voyous s'enfuient si ce sont des « apprentis », ou alors les mécréants sont vraiment des « pros », des durs, capables de tout, et le pire serait à craindre. Dans la plupart des cas, cela se passe sans heurts. Le malheureux chauffeur laisse sa bravoure au vestiaire et préfère abdiquer. Mieux vaut perdre de l'argent que la vie. Et s'estimer content si les agresseurs ne sont pas des « malades », drogués ou détraqués, qui, pour achever le travail, partent en lui assénant un coup fatal. Que peuvent faire les conducteurs de taxi pour éviter ces agressions ? Pas grand chose, en fait. Comment savoir qui est qui ? Bien sûr, il y a bien les individus louches, à la mine patibulaire. Mais allez savoir ce que mijote le client à peu près dans les normes qui cache son jeu et vous prépare une surprise, genre guet apens avec complices dans un lieu prévu. En fait, ce sont tous les chauffeurs de taxi de nuit qui souffrent de cette insécurité dans leur travail. C'est comme jouer à la roulette russe. Chaque passager est un agresseur potentiel qui éveille des soupcons, pour peu qu'il indique une adresse suspecte. Les pirates de la nuit Pour les usagers, les risques de prendre un taxi de nuit existent aussi. Si au Maroc, on n'en est pas encore comme dans certains pays d'Amérique latine notamment, où ce sont des chauffeurs de taxi eux-mêmes, en connivence avec des complices, qui sont des délinquants conduisant leurs passagers dans des traquenards où ils se font agresser, il arrive ici que des voleurs de taxi jouent les détrousseurs. Il n'est pas rare en effet, que des faux passagers s'attaquent à un chauffeur, s'emparent de son taxi et avec ce même taxi prennent de vrais passagers qu'ils attaquent à leur tour. C'est ce qui est arrivé il y a peu de temps à deux filles, Zineb et Ilham, qui sortaient d'un café chicha, assez tard il faut le dire. Elles voulaient se rendre à Ain Diab, en discothèque. Normalement, elles prennent un de ces taxis qui sont toujours à la sortie des lieux nocturnes et dont les habituées connaissent les chauffeurs. Mais cette nuit là, quand les deux copines sortent, pas de taxis connus. Elles attendent un moment qu' il en arrive un, mais des types «collants» et pas mal saouls, commencent à les importuner. Alors elles s'impatientent, font quelques pas vers une avenue proche et quand un taxi passe, elles lui font signe. Le problème, c'est qu'il y a déjà un client à bord. Mais le conducteur leur dit qu'il va dans la même direction qu'elles et qu' il peut les déposer. Normalement, les deux filles ne montent jamais dans un taxi où il y a déjà deux hommes, mais vu les circonstances (les types saouls se sont rapprochés), elles décident de le prendre. Elles le regretteront. Les deux hommes sont des imposteurs, des «brigands» comme on appelait autrefois ceux qui dévalisaient les voyageurs sur les routes. Le taxi volé prend la direction d'Ain Diab mais emprunte tout à coup les ruelles désertes d'Anfa et, une fois dans un coin sombre, c'est l'agression. Et pour peu le viol, si une voiture qui passait là par hasard, n'avait ralenti et les malfaiteurs n'avaient pas pris la fuite. Ils ont tout de même eu le temps de dépouiller les deux filles de ce qui pouvait avoir quelque valeur dans leurs sacs ainsi que des bijoux qu'elles portaient sur elles. Il ne leur restera que les yeux pour pleurer, et une paire de jambes juchées sur des talons aiguilles incommodes pour retourner chez elles à pied. ■