Le Maroc se dit prêt pour l'offshoring : les structures d'accueil attendent, locaux ouverts, les entreprises étrangères. Quant à la partie ressources humaines, la fourmilière est en action, mais nécessite un bon coup de pieds. Si les infrastructures du parc de Casanearshore annoncées pour 2015 seront prêtes en 2011, avancée ô combien mise en avant, les ressources humaines demeurent encore la lanterne rouge des projets de l'émergence industrielle. La deuxième édition de Maroc Offshore, le forum des acteurs de l'Offshoring se déroulera au Maroc. Alors que la première édition s'était tenue à Paris en 2008, la stratégie offshore du Royaume est désormais visible physiquement. La machine formation est en branle. Une question reste posée, sachant que l'on parle d'ingénieurs et de formations longues, n'a-t-on pas mis la charrue avant les bœufs ? N'aurait-il pas fallu lancer les formations bien avant les structures afin de disposer des premières vagues de diplômés ? Dans le cadre du plan national, un comité de pilotage stratégique pour la formation, présidé par Ahmed Réda Chami, ministre du Commerce, de l'industrie et des nouvelles technologies et le ministre de l'Education, Ahmed Akhchichine, a prévu d'assurer la mise en place de formations et de cursus pour fournir les compétences. L'objectif est de prendre en compte les besoins des industriels. Un premier point a été éclairci, les besoins dans l'ITO sont supérieurs au BPO. Développé conjointement avec l'APEBI et l'ANAPEC, le programme For Shore 3000 vient compléter l'offre de formation initiale. Le constat est là, les jeunes ingénieurs fraichement débarqués des écoles et universités du Royaume ne suffiront pas à combler les chaises vides des zones offshores. Les formations qualifiantes sont ainsi mises en place et s'adressent à des candidats potentiels ayant déjà un background solide. Cette solution s'avère salvatrice en termes de quantité et de rapidité. Du vite fait bien fait poussé par des aides à la formation, financées par des fonds publics. «A hauteur de 3000 euros pour un ingénieur et pour la formation continue, 1400 personnes ont déjà bénéficié de ce programme avec un taux de remboursement de l'ordre de 64%» annonce le ministre de l'Economie. Ce type de formation assure des ressources humaines, dans un délai court, dont les compétences collent aux attentes des entreprises. La qualité des ingénieurs marocains n'est pas remise en cause. Lors du salon Maroc Offshore 2008, les chefs d'entreprises français ont loué la qualité de l'ingénierie marocaine. D'autant que dans ce domaine, les formateurs étrangers sont très présents. Ne pas laisser filer le potentiel Revenons à la base de la pyramide, la force du Maroc : sa jeunesse et son potentiel. Le projet émergence avec ses 10 000 ingénieurs sera massivement constitué de jeunes diplômés marocains, purs produits du système éducatif national. A ce sujet, si les ressources humaines manquent à l'appel, les formateurs aussi. Parmi les établissements producteurs de ce type de main d'œuvre, les partenariats avec des établissements français sont légion afin d'assurer des formations adaptées aux dernières nouveautés technologiques. Mais comme le précise Nadia Ben Bahtane, directrice déléguée de Maroc Offshore, «les techniques existent déjà, on ne va pas les inventer». D'autant que l'heure est à l'action ! Les sociétés offshore déjà sur place sont satisfaites de la qualité des jeunes recrues. Capgemini Maroc est un cas d'école. Parti d'une poignée de collaborateurs, Michel Piau, DRH, précise que «l'entreprise est passée de 90 collaborateurs à 180 en sept mois». Le problème de taille, réside dans la quantité des besoins. Pour mieux comprendre, allons faire un tour du côté des zones offshores. Alors qu'au début des projets, les locaux prévus pour les entreprises dans Casanearshore étaient d'une surface moyenne de 450 m2, les besoins des entreprises souhaitant s'implanter sont bien supérieurs à l'étude initiale. De l'aveu de Tajedine Lasry, l'administrateur directeur général de Casanearshore, «les entreprises souhaitaient des superficies moyennes de 1500 m2, on tourne plus autour des 3500 m2 aujourd'hui». Et d'ajouter, «certaines, comme GFI et Capgemini veulent leurs propres infrastructures». Une bonne nouvelle pour l'attractivité et le potentiel du secteur mais pas pour les ressources humaines. Cette surenchère prouve qu'il s'agit bien là de grosses structures dévoreuses de ressources humaines. D'autant que les ressources humaines connaissent des problèmes parallèles. Actuellement, les banques améliorent leurs réseaux informatiques, elles viennent donc se fournir dans le bassin auprès des jeunes diplômés en ITO destinés à l'offshoring. Ce n'était pas prévu. Deuxième corollaire à cette insuffisance de main d'œuvre, la dure loi de l'offre et de la demande. La force de l'offshore, c'est surtout la réduction des coûts. La hausse des salaires va à l'encontre du principe de base de cette stratégie pour les entreprises étrangères. Avec une cible pays plus étroite (France, Belgique et Suisse), gare à ne pas se faire saper sa stratégie offshoring par des salaires trop élevés. ■ La vérité des chiffres Objectif : 100 000 emplois en 2015 pour l'offshoring. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En ventilation, cela correspond à 70 000 opérateurs dans les calls center, 15 000 dans l'ITO et 15 000 dans le BPO. La réalité, en fin d'exercice 2008, est d'une autre dimension. Selon les estimations d'Ahmed Réda Chami, il existe 338 call center employant 25 000 opérateurs, 19 entreprises dans le BPO concentrant 1900 emplois et 35 entreprises dans l'ITO comptant 3100 ingénieurs dans les zones dédiées de Casablanca et Rabat. Ajoutez entre 3000 et 5000 emplois dans les autres zones d'offshore du Maroc, vous obtenez un total de 35 000 emplois à six ans de la date butoir. A fin 2009, 22 000 ingénieurs supplémentaires devraient être opérationnels.