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Offre OFFSHORING : Pourquoi ça ne marche pas
Publié dans Challenge le 14 - 03 - 2009

MedZ, la filiale de la CDG, et le ministère de l'Industrie, se préparent à une grande annonce concernant la création d'une agence spéciale ou d'une direction chargée de la promotion de l'offre offshoring Maroc. Il paraît que l'on a finalement pensé à reconsidérer la stratégie marketing. Mais sur le terrain, le retard de livraison des zones dédiées ne fait qu'empirer une situation déjà plombée par le peu d'attrait des entreprises. Même les réservations annoncées ne traduisent pas les objectifs escomptés visant la rentabilité économique de la stratégie offshoring Maroc. A l'heure actuelle, rien ne laisse présager que l'ambition des 30.000 emplois en 2010 ou encore 100.000 à l'horizon 2015 ne sera pas que pure chimère.
Nombreux sont ceux qui disent qu'il est trop tôt pour établir un bilan de la stratégie offshore Maroc. Mais quand on annonce en grande pompe que le pays est bien positionné sur la carte mondiale de l'offshoring, il convient au moins de se pencher sur l'existant en termes d'infrastructures dédiées et de diagnostiquer cette offre Maroc, qui est appelée à relever les défis d'une concurrence aux aguets. Remontons dans le temps. Le plan Emergence, initié par le gouvernement Jettou, a élaboré un programme Offshoring. Il fallait de prime abord construire des sites dédiés et technologiquement hautement équipés pour étayer l'offre promotionnelle. Des milliards de dirhams, de l'investissement public (CDG à Casablanca, Rabat, Fès et Marrakech, puis dans un deuxième temps, TMSA à Tétouan), ont été débloqués pour bâtir des zones d'accueil pour les investisseurs offshore.
Casablanca fut la première ville marocaine à avoir son site, Casanearshore. Puis Salé (géographiquement) et Rabat, avec Technopolis. Pour la petite anecdote, ce que nombre d'observateurs ignorent, c'est que le concept de Technopolis était destiné initialement à la ville de Bouznika. Il se dit même qu'on l'aurait calqué. S'éloigner de plus en plus des grandes villes est une politique choisie. On s'est rendu compte, un peu tard peut-être, que pour atteindre le grand objectif recherché par les exportateurs des services offshore, à savoir la réduction du coût de ces services, il fallait se distancer des «cieux» où l'inflation salariale connaît une tendance un peu élevée. Mais restons focalisés sur la rentabilité de la stratégie offshore. Quand on a lancé le programme offshoring Maroc, le gouvernement a conditionné sa réussite à la réalisation de certains objectifs. On recherchait plutôt une rentabilité économique en termes de création d'emplois. 30.000 emplois à l'horizon 2010 ou 100.000 à l'horizon 2015, cet objectif est-il aujourd'hui atteint ? Dans la mesure où l'échéance 2015 a été repoussée de deux ans. On l'apprend de Mohamed Lasry, administrateur directeur général de Casanearshore S.A. Quoi qu'il en soit, sur cette première zone offshoring dédiée, dont la livraison des deux premières tranches a connu et connaît un certain retard, les 30 sociétés existantes emploient 1.200 personnes. Officiellement, on avance le chiffre de 2.000 emplois. Que ce soit officieusement ou officiellement, on est encore loin du compte des 500 personnes par entreprise. Et à ce rythme-là, l'on devient dubitatif quant à la création de 30.000 emplois en 2010 ou 100.000 à l'horizon 2015. Repousser l'échéance jusqu'à 2017 ne peut que confirmer cette appréhension.
Ces postes d'emplois créés sont des profils identifiés. Des ingénieurs mais aussi des techniciens. Cette population a souvent besoin de requalification professionnelle. Ce genre de formation est supporté par l'Anapec à hauteur de 65.000 DH par ingénieur sur les trois ans suivant son embauche. Cela fait partie des avantages que renferme l'offre marocaine offshore, une offre qui se veut compétitive, mais qui a aussi ses faiblesses. Quand on vend notre stratégie offshore, on vend également notre système éducatif et d'enseignement supérieur. La création de centres de formation professionnelle dédiés à l'offshoring ne résoudra pas pour autant ce problème de requalification. Car le besoin se fera toujours ressentir de recadrer le profil selon les besoins de l'investisseur. Sur Casanearshore aujourd'hui, la plupart des services offshore sont constitués de travaux numérisés (travaux faits en back-office de manière informatisée), vu que le gros des sociétés installées exportent des services informatiques. Par conséquent, la subvention formation sera toujours d'actualité, alors qu'on aurait du séduire les investisseurs par d'autres incitations fiscales du genre exonération de la TVA et baisse de la taxe urbaine, qui s'élève à 10,5%. La quête des incitations fiscales a poussé les responsables à créer un nouvel espace dans la zone franche de Tanger ou dans ses environs. Cette zone sera construite par TMSA. Toujours par rapport à la rentabilité économique, l'offre Maroc est plus destinée aux marchés belge et surtout français.
A propos du deuxième, les relations entre le Maroc et la France, et les réseaux d'amitié et d'affaires, favorisent la promotion du Maroc dans l'Hexagone. Mais au-delà de ces relations, qui tiennent à la langue et à la culture française, sur le marché anglophone par contre, on est loin d'être compétitif. Car s'il ne faut compter que sur le marché francophone, il faudra faire un effort sur le plan juridique. La sortie de la loi sur la protection des données personnelles peut nous avantager comme elle peut nous porter un sérieux préjudice si elle tarde à voir le jour. Encore plus, l'urgence résiderait dans l'autonomie des instances de contrôle. Ce qui fait dire à Abderrazak Mazini, juriste expert en droit des NTIC : « je crains que le manque d'indépendance de l'organe de régulation vis-à-vis du gouvernement ne puisse être considéré par nos partenaires européens comme un manque de protection ».
L'enjeu de la rentabilité
Si la rentabilité économique médiocre est justifiée ailleurs par le retard de livraison des zones offshore dédiées, il faut rechercher d'autres raisons chez les investisseurs même. Si l'on se réfère à Mohamed Lasry, administrateur directeur général de Casanearshore S.A. et responsable offshore et technologie chez MedZ, filiale de la CDG, la majorité de ces investisseurs ne souffrent point de difficultés administratives. De l'avis même de deux entreprises, la première à s'installer sur le site et la dernière à s'y être implantée (Tata et GFI), la simplification de la procédure administrative par la création d'un guichet unique demeure une offre sur le papier. Il faudra que les opérateurs installés sur le site Casanearshore aient connaissance de l'agenda « spécial » des représentants des services. « Le guichet unique est là. Il fonctionne à temps partiel tant que tout le parc n'est pas ouvert. Il y a des permanences assurées par les services (Anapec, OFPPT, CNSS, CRI, commune…), qui viennent à des heures précises pour assurer le service au client. Le faire pendant toute la journée n'est pas nécessaire pour l'instant », a déclaré Mohamed Lasry. Mais les opérateurs nuancent cet avis. C'est ainsi que pour Mehdi Sahel de TCS : “ le guichet unique n'est pas encore totalement opérationnel. Je pense qu'il faudrait faire un effort de ce côté-là, car il s'agit d'un volet important de l'offre Casanearshore ». L'enjeu de la rentabilité économique du plan offshoring Maroc est la création d'emplois. Ces postes d'emplois ne seront créés que si les procédures administratives et les incitations fiscales sont là. Le cadre incitatif se traduit, lui, par une exonération totale de l'IS pendant une durée de 5 ans, suivie d'une réduction de 50% passée cette période. De plus, une contribution de l'Etat vise à ce que la charge fiscale au titre de l'IR ne dépasse pas 20% de la masse salariale. Au-delà de la rentabilité économique, la rentabilité financière pose aussi des interrogations. A 80 DH/m2 hors TVA pour le loyer professionnel, une entreprise qui prend 400m2 paye 32000 DH par mois. Si on fait le calcul par rapport aux 1200 emplois ou même aux 2000 créés par les 30 sociétés existantes, la superficie louée rapporte mensuellement moins de 2 MDH et moins de 24 millions de DH annuellement. Cette rentabilité peut-elle être considérée comme satisfaisante pour l'investisseur qui a bâti le site ? Reste à voir ce qu'il en est du côté de l'offre de bail commercial.
La restauration
En fait, la restauration sur site constitue l'un des points avantageux de l'offre offshore. C'est aussi un plus qui s'ajoute au poste des recettes de Casanearshore. Le prix au m2 hors TVA proposé aux enseignes de restauration rapide à forte notoriété est intéressant, estime Mohamed Lasry. Les événements semblent se dérouler autrement. «Nous avons été contactés en avril et mai derniers. L'ouverture a eu lieu juste après le mois de ramadan», se souvient Youssef Laabi, à la tête du groupe de restauration La Grillardière, dont le premier point de vente a vu le jour en l'an 2000 à Casablanca. L'offre présentée par le top management de Casanearshore était des plus alléchantes. Un achalandage de 3000 personnes à déjeuner par jour. Avec à l'horizon 2012, une expectative de 30.000 personnes. Aussi, l'enseigne a opté pour la location de deux box de 50 m2 chacun. Sur un plan plus général, l'espace dédié à la restauration comprend 8 box de 50 m2 chacun, que se sont partagés le Kiotori, O'zénith et Monsieur Brochette. Au bout de quatre mois d'exploitation, La Grillardière procède à la fermeture de ses locaux. «Pour un premier contrat avec une administration, c'est la grande déception», confie Youssef Laabi. Il faut dire que les dirigeants de l'enseigne ont vu dans l'offre de Casanearshore une véritable opportunité. Au final, les choses se sont passées différemment. Et la fermeture a paru irrémédiable. C'est à ce niveau que l'affaire a pris une toute autre tournure. Les responsables de Casanearshore, par le biais de leurs avocats, stipulent dans un document posant les conditions d'un départ du site, “qu'elle ne s'est jamais engagée à vous garantir un quelconque résultat financier lors de la conclusion du contrat. D'ailleurs, les termes du contrat ne reflètent aucunement un tel engagement”. Et c'est précisément ce volet de la question qui constitue le motif de discorde. En effet, les dispositions dudit contrat laissent perplexe. Le paragraphe intitulé “Fin de contrat” énonce notamment qu' “en cas de cessation du contrat qu'elle qu'en soit la cause, le locataire s'engage à prendre toutes les mesures nécessaires ou à laisser prendre toutes les mesures jugées nécessaires par le bailleur pour faciliter la reprise du local par un nouvel exploitant”. Nulle part dans les articles du contrat, il n'est mentionné la possibilité pour le locataire d'avancer le motif du défaut d'achalandage pour le résilier. D'ailleurs, le gros des dispositions est relatif aux obligations du locataire vis-à-vis du bailleur. A cette remarque, Youssef Laabi avoue qu' “effectivement, ma lecture s'est faite superficiellement, tellement nous étions emballés par le projet”. Et pour cause ! La partie financière est loin d'être négligeable. Le prix mensuel de location des deux box, y compris les frais liés à l'électricité, est de l'ordre de 51.000 TTC. En revanche, avec les quelque 300 personnes qui venaient déjeuner, ce ne sont que 100.000 DH de chiffre d'affaires par mois qu'enregistrait l'enseigne. Rien que pour l'installation de la cuisine, l'investissement a été estimé à 2 millions de DH. Sachant que le restaurant n'est opérationnel que 4 jours et demi sur 7, ne comptant que les repas déjeuner. A cela, le premier responsable du site Casanearshore réagit : «ils ont le droit d'ouvrir le week-end, à eux de faire la promotion de leurs affaires commerciales. Le week-end, les gens de l'extérieur peuvent venir déjeuner ici sans aucun problème. Ce n'est pas uniquement réservé à ceux qui travaillent sur site», et de s'empresser de souligner : «aujourd'hui ceux qui sont restés sont débordés». Difficile à croire, lorsque l'on sait de source proche du dossier que ces restaurateurs ne quitteraient pas le lieu faute de ressources suffisantes pour payer leur droit de sortie. D'autant qu'apparemment, ils auraient du retard dans le règlement des échéances du loyer. En fin de compte, la Grillardière n'y gagne pas. Et Casanerchore n'y va pas avec le dos de la cuillère pour imposer ses conditions de sortie. C'est un montant de plus de 1,5 MDH qui a été fixé. Après maintes réunions, les deux parties en litige se sont mises d'accord finalement sur la somme de 530.000 DH, coût des travaux de démolition et remise en l'état de livraison des locaux compris. Interrogé à ce propos, Mohamed Lasry réplique : « je n'ai aucun commentaire à faire sur le choix de La Grillardière, dans la mesure où c'est un choix d'entreprise. Ils ont attendu une rentabilité immédiate dans les 3 mois qui ont suivi leur installation», et de poursuivre : “c'est d'ailleurs, le seul départ que nous avons enregistré”. Interpellé sur la somme de 1,5 million de DH exigée des dirigeants de l'enseigne, M. Lasry nie le fait et explique qu' «ils ont payé le reliquat des loyers restant, le mois de préavis et la remise en l'état des lieux». Et puis, notre interlocuteur se fait plus philosophe : «les entreprises choisissent de venir ou de partir». Il n'en demeure pas moins que les gens de La Grillardière en gardent un goût particulièrement amer.
Sur le terrain
C'est à travers les déclarations des uns et des autres que sont apparues des pistes qui permettraient quelque peu de rectifier le tir. Tout naturellement, on s'interroge sur la traduction des résultats en termes de rentabilité ou de réduction des coûts de l'une des premières entreprises à avoir investi le Park de Casablanca. “Il est trop tôt pour répondre à cette question du fait du démarrage récent de notre activité », répond Mehdi Sahel, directeur régional de Tata Consultancy Services (TCS). Pour la petite histoire, Tata Consultancy Services a été la première société de services informatiques à signer une convention avec le gouvernement en décembre 2006 pour une installation au Maroc dans le cadre du plan Emergence. Afin de bénéficier des avantages liés à la zone (infrastructures, telecom, IGR, ...), TCS a donc décidé de s'installer à Casanearshore. Les arguments avancés par les autorités sont notamment le taux effectif d'IR de 20%, les loyers compétitifs, les bureaux et infrastructures aux meilleurs standards internationaux, le guichet unique, la boucle télécoms privée.... Alors, il est opportun de se demander si à l'heure actuelle, la partie marocaine a honoré ses engagements. La réponse mérite qu'on s'y attarde : « en ce qui concerne Casanearshore, oui», répond Mehdi Sahel. On n'en saura pas plus. La convention liant l'entreprise à l'État comprendrait un document confidentiel dont les dispositions ne peuvent nous être révélées.
Pour revenir aux attraits de Casanearshore, qu'en est-il de l'offre locative ? « Les prix actuels (auxquels il faut rajouter les différentes charges et la TVA) sont corrects et correspondent plus ou moins aux prix actuels de location de bureaux dans la zone de Sidi Maarouf», précise Mehdi Sahel. Ce qui se traduit par 135 DH TTC le m2 versés mensuellement, charges et TVA comprises. Par ailleurs, d'autres conditions sont à relever. L'offre de superficie est supérieure ou égale à 400 m2 pour un prix de 80 DH HT/m2. « Et l'opérateur doit avoir 70% de son chiffre d'affaires à l'export. C'est le choix qui a été fait au début. C'est une politique d'émergence qui a été choisie et validée par tout le monde, y compris les fédérations professionnelles. Elle consiste à attirer les sociétés qui font de l'export en leur faisant bénéficier d'un cadre incitatif”, souligne à cet effet Mohamed Lasry.
Et le marketing dans
tout cela ?
Dès le lancement du chantier, les pouvoirs publics ont déterminé les activités concernées par l'offshoring. Deux grands domaines sont fixés : le BPO (Business Process Outsourcing ou externalisation des processus métiers) et le ITO (Information Technology Outsourcing ou externalisation des processus liés aux technologies de l'information). «Nous sommes compétitifs dans les métiers du BPO et de la gestion des infrastructures », témoigne Mehdi Sahel. En revanche, les autorités publiques seront amenées à revisiter leur stratégie. Le développement de l'ITO reste au-dessus de nos capacités. « L'emploi des 100.000 personnes en 2015 n'est pas réalisable », souligne cet opérateur en services informatiques. La promotion de l'offre Maroc se doit d'être ciblée en fonction des ressources présentes. Du côté de l'administration du Casanearshore, « nous avons nous-mêmes nos propres équipes commerciales et marketing et nous faisons la promotion aussi bien du Maroc que des zones offshore”, explique Mohamed Lasry. Il faut dire que les investisseurs ayant pris pied aujourd'hui sur le site ont été approchés dans le cadre des relations entre l'ambassade du Maroc en France et le groupe d'impulsion économique franco-marocain. L'idée, notamment celle en cours d'étude au sein du Club Offshore de l'Apebi (notons, au passage, que l'association n'a pas jugé utile de participer à notre dossier...), reposerait sur la duplication du modèle de l'Office National Marocain du Tourisme en termes de stratégie et de fonctionnement. L'attribution d'un budget destiné aux marchés prioritaires, la France, la Belgique et la Suisse (par ordre de priorité), “permettra de ne pas rater le coche, le marché est tellement intéressant”, insiste Mehdi Sahel. A lui seul, le réseau franco-marocain n'y suffirait pas. Compétitivité oblige.
Mohamed Lasry,
administrateur directeur général de Casanearshore
Challenge Hebdo : la polémique bat son plein. On parle de retard, d'annulation et de désistement… Qu'en est-il réellement ?
Mohamed Lasry : le premier bâtiment a été livré fin 2007 et les premiers clients sont arrivés en février 2008. Les travaux avaient commencé en novembre 2006 et pris fin en décembre 2007. Le second bâtiment a été livré dans la foulée, pratiquement 6 mois après la livraison du premier. Aujourd'hui, les livraisons se font à une cadence soutenue. Tout est plein, tout est loué, tout est déjà occupé ou réservé par des clients qui peuvent occuper les lieux quand ils le souhaitent. Ces locaux sont considérés comme retenus. Nous avons de la demande sur la tranche «deux». Ce sont de grosses entreprises qui ne se désisteront pas à la dernière seconde. Certes, c'est possible, mais c'est peu probable, car elles ont des visions sur 5 ou 6 ans. En revanche, elles «étalent» leur rentrée. Ce sont de grosses structures qui vont recruter 500 personnes en un an. Aujourd'hui, elles vont le faire en un an et demi. Ils essayent d'avoir un échéancier pour rentrer sur 6 mois. Ils demandent à être livrés en partiel en occupant un quart de la superficie pendant le premier trimestre et ainsi de suite, et de négocier pour ne payer que la partie qu'ils exploitent. Quand on a des grands clients qui prennent des immeubles complets, au-delà de 4000m2, on assouplit notre position pour avoir une rentrée graduelle. On préfère réserver les buildings de manière à avoir une enseigne dans un bâtiment.
C. H. : la machine administrative est-elle véritablement en branle ?
M. L. : le guichet unique est là. Il fonctionne à temps partiel, puisque la totalité du parc n'est pas encore ouvert. Il y a des permanences assurées par les services de l'Anapec, de l'OFPPT, de la CNSS, du CRI et de la commune. Ces services travaillent à des heures précises. Pour l'instant, assurer la prestation durant toute la journée n'est pas nécessaire. Je n'ai pas l'agenda des jours de présence.
C. H. : tout va au ralenti. L'État n'y perd-il pas au change ?
M. L. : l'Etat n'a rien dépensé. Il a tout simplement accompagné une stratégie comme il accompagnerait un secteur industriel quelconque. Les crédits à l'investissement empruntés se sont réalisés sur la base de taux de crédit bas. C'est très rentable, l'investissement réalisé par le Maroc est très positif. En ce qui concerne l'offshoring, nous allons atteindre tous nos objectifs. La moyenne d'emploi, c'est 500 personnes par entreprise installée. Toutefois, il faut rester vigilant : la crise économique a un impact sur les délais de rentrées et l'investissement. La cadence va se ralentir un peu, mais ne s'arrêtera pas. Par contre, on peut assister au report des décisions d'investissement. I faut savoir vivre avec la crise.
C. H. : peut-on encore parler de rentabilité pour les
investisseurs ?
M. L. : au Maroc, pour l'instant, oui. Par contre, il faut être très prudent sur l'inflation des salaires. Il faut la maîtriser. Cela pourrait causer un problème sur certains profils rares pour lesquels il y a de la surenchère. Aujourd'hui, on arrive tout de même à trouver des cadres. La pression est beaucoup plus faible qu'auparavant. Les premiers lauréats issus du plan Offshore sont sur le marché. Aujourd'hui, je pense que la bulle initiale de création de ce nouveau métier est en train de passer. Nous sommes en passe d'entrer dans un régime de croisière. Dans ce secteur qui est élitiste, la population des ingénieurs marocains est de très bon niveau. Il y a aussi la formation pour la requalification. D'ailleurs, l'ANAPEC offre un accompagnement qui va jusqu'à 60.000 DH par ingénieur sur trois ans.
Nous sommes à plus de 7.000 ingénieurs et hauts cadres (bac+5), le plan sera tenu. De plus, aucune entreprise ne recrute en dessous des prix du marché. Il reste que le coût marocain marché est beaucoup plus faible que le coût européen marché.
C. H. : l'arsenal fiscal proposé aux investisseurs contribue-t-il à la rentabilité ?
M. L. : aujourd'hui, si on se compare aux pays riverains et à la concurrence dans le même métier, l'offre marocaine est relativement correcte. Elle est bien sûr perfectible mais elle est compétitive. Il y a peut-être à étudier la possibilité d'obtenir une exonération de TVA. Certains investisseurs le demandent, car ça va alléger leur trésorerie.
C. H. : quelles sont les autres avancées concrètes en termes d'infrastructures ?
M. L. : nous avons une avance significative en matière de télécoms au Maroc, car nos opérateurs répondent aux hauts standards internationaux. Aujourd'hui, nous traversons un petit creux, mais la bulle est en train de passer. Il y a des tarifs télécoms qui sont 30% en dessous du prix du marché.
Abderrazak Mazini, juriste expert en droit des NTIC, consultant du PNUD et expert en arbitrage de conflits des noms de domaines
Challenge Hebdo : au regard des dispositions de la loi relative à la protection des données individuelles, à votre sens, quel sera l'impact sur le développement de l'offshoring au Maroc ?
Abderrazak Mazini : la protection de la vie privée contre les intrusions par le biais des NTIC ne doit pas être réduite au volet de l'offshoring. En ma qualité de coordonnateur des travaux de CIDPEC, instaurés par le premier gouvernement El Youssfi, le projet de loi proposé en 2000 était plus conforme aux standards internationaux (avec notamment un organe de régulation indépendant vis-à-vis du gouvernement). Le SGG, en ce moment, ne voit pas d'un bon œil les concepts «d'autorité administrative autonome», que ce soit pour l'organe de régulation des télécoms (ANRT), de la concurrence, de l'audiovisuel que de la prévention de la corruption. Tout devait être placé sous tutelle du gouvernement (du PM). Face au blocage du SGG, les ministères commençaient à développer des bases de données en dehors de toute réglementation (cartes d'identité et passeports biométriques, cartes grises et permis avec cartes à puce, caméras de télésurveillance, radars sur les axes routiers etc). C'est à l'occasion d'un passage du président du CNIL par le Maroc et sa mise en garde que le gouvernement a bougé pour réinjecter un projet dans le pipe. Donc on peut dire que ce sont les préoccupations purement commerciales, et non de protection de la vie privée au sens politique, qui ont été à l'origine de ce projet. Quant à l'impact sur l'offshoring, je crains que le manque d'indépendance de l'organe de régulation vis-à-vis du gouvernement ne puisse être considéré par nos partenaires européens comme un manque de protection. Vis-à-vis de nos partenaires américains, il est à craindre que cela (une loi avec des procédures lourdes) ne puisse être considéré comme rigide. L'Union européenne et les USA ont trouvé là-dessus un terrain d'entente (Save Harbourg).
C. H. : pensez-vous que le cadre juridique actuel puisse pénaliser le Maroc face à d'autres pays concurrents?
A. M. : au contraire, cela clarifiera les règles du jeu. Nos partenaires vont enfin se rendre compte que le Maroc est résolument décidé à mettre à niveau son dispositif juridique pour instaurer une concurrence loyale et une meilleure protection des consommateurs. C'est le vide juridique qui a jusque-là favorisé les concurrents.
C. H. : avez-vous eu connaissance de cas d'entreprises ayant souffert de cette lacune juridique ?
A. M. : les pays en voie développement qui se livrent à la concurrence acharnée pour l'attraction des investissements extérieurs de secteurs exportateurs proposent, entre autres, un paradis de non réglementation dans la protection des données personnelles. Les filiales délocalisées transfèrent librement les fichiers vers leurs sociétés mères. Mais dans le sens contraire, c'est interdit. Ce qui parfois gêne leurs activités. C'est le cas par exemple pour les sociétés de courrier rapide qui parfois, ont besoin des données dans les deux sens pour le suivi (la traçabilité) de la messagerie.
Témoignage. Une question de stratégie
Dernière arrivée sur le segment du service informatique, sur le site enchanteur du Casanearshore, cette opération arrive à un moment opportun, pour Saloua Karkri Belkziz, administrateur directeur général de GFI Maroc. « Et Casanearshore est pour nous et à ce stade de notre développement un site idéal. Nos anciens locaux devenaient exigus pour nos ambitions. Ici, nous disposons de deux plateaux de bureaux sur deux bâtiments pour une superficie globale de 2.100m² et pour une capacité d'accueil de 300 emplois », ne manque-t-elle pas de préciser. Elle fait preuve d'une grande témérité, puisque les entreprises ayant décidé de faire du site leur quartier général ne se bousculent pas au portillon. D'ailleurs, la patronne de GFI Maroc le reconnaît : « c'est vrai que nous ne sommes qu'une douzaine d'entreprises installées définitivement». Et parmi les arguments avancés, nous avons droit à l'éternelle rengaine : « c'est un projet nouveau qui fait son chemin. Le développement de l'activité offshoring est un processus lent, car il s'agit d'une externalisation qui exige tout un changement de processus et de procédures pour les donneurs d'ordre étrangers ». C'est oublier que de l'argent a été investi dans la réalisation de cette plate-forme et que des résultats sont attendus. Mais tant pour nos opérateurs que pour les responsables administratifs, le ton est à l'optimisme. Et puis chacun se la joue un peu perso. «Nos activités et projets de développement n'ont aucun rapport avec l'intérêt élevé ou faible que les entreprises marocaines et étrangères vouent au site. Nous avons une stratégie de croissance qui est la nôtre et qui se décline suivant les moyens que nous jugeons adéquats», apprend-on toujours de même source. Mais question « adéquation des moyens », à chacun sa conception. Il se trouve que dans le cas de GFI Maroc, c'est au cas par cas que se règlent les besoins spécifiques par rapport à la vie quotidienne dans le Park : « nous (opérateurs et Casanearshore) étudions des solutions à mettre en œuvre (transport, restauration, service bancaire, CNSS etc..) ».
Que représente
GFI Maroc ?
Un investissement global de près de 6,5 millions MDH et avec 175 emplois directs actuels, GFI Maroc a réalisé en 2008 un chiffre d'affaires de 63 MDH. « Notre installation dans nos nouveaux locaux s'inscrit dans une logique de croissance à tous les niveaux : augmentation de notre effectif à 220 emplois d'ici juin 2009, augmentation de notre part de marché, extension de nos positions vers des secteurs à fort potentiel de développement comme l'offshoring…et une croissance organique de 20%. Ainsi, nous pensons réaliser 93 MDH de chiffre d'affaires pour l'année 2009», souligne à ce sujet Saloua Karkri Belkziz.


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