Dans la deuxième partie de ses souvenirs, Mohamed M'jid évoque les lendemains de la deuxième guerre mondiale et l'action menée par le mouvement national en vue de créer des cellules de résistance dans les principales villes marocaines. Il évoque également les personnalités étrangères qu'il a connues, ainsi que ses compagnons de lutte dans le secteur du sport. La Gazette du Maroc : Même si vous n'avez pas donné dans cet entretien une grande importance à votre parcours sportif, le sport aura sans doute occupé une grande place dans votre jeunesse ? Mohamed M'jid : sans doute, mais il faut savoir que de notre temps, pratiquer le sport n'était pas tellement une bonne chose aux yeux des autorités coloniales. Ils savaient depuis longtemps, que faire partie d'un club sportif ou d'une association culturelle équivalait à l'adhésion à un parti politique. Etre sportif c'est être toujours suivi par les services de la résidence et leurs agents. Vous êtes donc revenu à Marrakech pour poursuivre votre action ? De retour à Marrakech, j'étais à la fois enseignant et sportif. Par conséquent, j'étais constamment sous haute surveillance. Tout au long de ces années de lutte, marquées par une succession de manifestations de protestation et résistance civile, j'ai parcouru le Maroc du nord au sud. C'est ainsi que j'ai enseigné respectivement à Marrakech, Azemmour, Meknès et Safi. Considéré comme un élément dangereux, j'ai dû me retirer du corps de l'enseignement pour deux raisons essentielles : j'ai dit à mes supérieurs hiérarchiques « je m'en vais tout simplement parce que vous ne me convenez pas et je ne vous conviens plus ». Quelles sont les personnalités nationales et étrangères les plus marquantes que vous avez touchées à cette époque ? J'ai connu un tas de personnalités, parmi eux, l'un des principaux héros de cette deuxième guerre mondiale, l'ancien chef du gouvernement Britannique Winston Churchill que j'ai approché à la Mamounia. J'ai aussi connu et côtoyé des personnages mythiques à l'image du grand peintre Majorelle qui m'invitait à sa table pratiquement chaque mardi et avec lequel j'ai connu de très grandes personnalités tels l'écrivain Paul Valérie et d'autres stars de la chanson, de la musique, de la littérature et des arts plastiques qui venaient très souvent à Marrakech Quelles étaient les personnalités nationales que vous avez approchées à cette époque ? Je vous en citerai plusieurs : feux Hachemi Filali, Abdellaziz Bendriss qui tenait une respectable Zaouia à Tahannaout, Abdeslem El Fassi, Hamiani Khattat, et puis à Meknés j'ai également connu et approché feu Driss M'hamdi. Notre action consistait à mettre en place des cellules militantes clandestines un peu partout au Maroc, et dans cette perspective, le sport était aussi considéré comme l'un des moyens les plus efficaces qui nous permettait de prendre contact avec les jeunes, de les encadrer et les préparer à la lutte pour l'indépendance nationale. Et quels étaient les dirigeants sportifs marocains impliqués dans la résistance nationale ? Je dirais que tous ou presque étaient mobilisés dans cette perspective. Je citerai à cet égard et avec fierté Mustapha Belhachemi ( ancien président du Mouloudia ) à Oujda, Hadj Driss Benzakour ( président fondateur du Moghreb de Fès MAS) à Fès, Abdeslem Bennani à Casablanca et sa région et qui fut parmi les fondateurs de la fédération libre qui encadrait le football de quartier et aussi Hadj Driss Benchekroun et Hadj Mohammed M' jid qui étaient les chefs de files des dirigeants sportifs nationalistes à Marrakech. Quelle stratégie avez-vous adoptée pour atteindre cet objectif Il y a eu d'abord l'organisation des championnats de football : inter-quartier et surtout le fait que les clubs marocains de souche et les joueurs qui se sont illustrés ont donné une personnalité propre à la jeunesse marocaine et ont aidé la population à ouvrir les yeux sur les dangers qui guettaient le pays du fait de l'occupation étrangère. D'ailleurs, dès cette époque et bien avant la présentation du manifeste de l'indépendance le 10 janvier 1944, on savait déjà au fond de nous-mêmes que notre stratégie avait réussi et que l'heure de la libération et de l'indépendance avait déjà sonné. n