Le dernier papier que nous consacrions à ce projet de la ville de Casablanca indiquait que nous allions le suivre de très près… Chose promise chose dûe. Cela s'est donc passé le week-end dernier. La friche industrielle des anciens abattoirs de Casablanca est devenue la première «fabrique culturelle» du royaume. Disons-le tout de suite : ces «transculturelles» ont été une magnifique réussite ! A tout point de vue et sans restriction aucune sur un plan artistique et sociétal. Petite réserve quant à la sécurité du public les deux soirs de concerts dans l'immense hall des abattoirs. Il faudra prévoir des sorties de secours en cas de pépins et il faudra aussi prévoir que les policiers en grand nombre et fort discrets… le soient un peu moins (une fois n'est pas coutume) quand la frénésie gagne les rangs des très jeunes gens. Mais bon, tout s'est bien passé, c'est le plus important. Cependant, les temps étant ce qu'ils sont, ce serait bien d'envisager, sinon le pire, au moins la possibilité de quelques perturbations. Voilà, c'est dit. Goutons maintenant aux plats de roi qu'ont concoctés les organisateurs pour le plaisir infini de tous les publics casaouis de ce samedi et ce dimanche pas trop beaux côté météorologique (il a même fait carrément froid les soirs), perturbés côté transports en commun, mais tellement formidables et réjouissants côté «gens». Il faudrait être de bien mauvaise foi ou de bien mauvaise humeur pour ne pas s'apercevoir que cela fait bien longtemps – peut-être même est-ce la première fois – que les Casaouis de toutes origines sociales étaient ainsi mélangés. En bonne intelligence, les jeunes et les moins jeunes, les «bobos» et les prolos, les filles et les garçons, les intellos et les bouchers (c'est bien le moins pour des abattoirs non ?), les accros de musique, les fous d'installations sophistiquées, les perclus de danse… Il y en avait pour tous les goûts, tous les âges, tous les publics. Et chose merveilleuse quand on y regarde de plus près, tout ce monde-là s'est amusé follement, sagement, tranquillement, fièvreusement. Même les politiques et les notables ont été discrets et se sont baladés comme tout le monde. En famille. Sans en faire plus que ça. Ca aussi c'est une première ! Dans «les carnets de prog», même «le mot du maire» (ben oui, il y a un maire maintenant à Casablanca, ça aussi c'est nouveau et cela signifie peut-être bien quelque chose de neuf) est une bouffée de parfums délicieux à lire et relire par les temps qui courent. Ne résistons donc pas au plaisir de citer : «la culture est un mouvement qui surprend, interpelle, enchante et dérange parfois. Sa richesse, sa diversité et son impertinence même, sont le signe d'une société et d'une démocratie qui vibrent» Et encore : «la culture ne doit plus être appréhendée comme une dépense, mais comme un véritable levier de développement». On se pourlèche encore les babines de tant d'évidences enfin promues au rang de programmes politiques. Ne nous y trompons pourtant pas. Si ces deux jours ne restent que ce qu'elles ont été : une formidable fête des sens et de l'esprit, ce sera bien vite un beau souvenir rangé dans un coin de (casa)mémoire. Par contre, si comme tout le laisse présager, ces lieux (dont on n'a pas encore dit combien ils sont magiques. N'y touchons donc pas trop ; ok ?) deviennent en permanence ce qu'ils ont été durant ces deux jours ; alors oui il se sera réellement passé quelque chose d'importantissime pour Casablanca et ses habitants. Longue et belle vie à cette «fabrique culturelle» qui fait entrer Casablanca de plain-pied dans une vraie modernité démocratique. Et pour une fois, ces mots ont un sens. Tous ceux qui ont vécu ces deux jours en ont été à la fois les témoins et la preuve vivante. ■