Comme à chaque déception, à chaque défaite du onze national, la vox-populi et la presse sportive, en dehors de toute sérénité, réclament la tête des responsables et du premier d'entre eux, en particulier, le président de la fédération. Cette fois, ils ont eu gain de cause, l'assemblée générale de la FRMF, qui se tiendra le 16 avril, devrait entériner le départ du général de corps d'armée Hosni Benslimane. Ces psychodrames successifs sont révélateurs d'une chose, la persistance du sous-développement dans notre approche du sport. Partout dans le monde, il y a une véritable identification aux équipes nationales. Le football soulève les passions, dans les moments de joie comme dans ceux des défaites. Mais seuls les pays sous-développés interpellent le ministre de la Jeunesse et des sports au gouvernement, par le biais du Parlement, réclament le départ des responsables du sport en cas de défaite. Cette charge affective, abusive, empêche tout travail de fond et surtout implique l'Etat dans un domaine qui ne fait pas partie de ses fonctions régalienne, la gestion technique des équipes nationales. Le programme gouvernemental n'inclut pas la qualification à la Coupe du Monde. Les aléas d'un match de football ne sont pas un bon critère de jugement d'une gouvernance. A notre sens, l'Etat a pour devoir de faciliter l'exercice physique, la pratique sportive pour ses citoyens et en particulier ses jeunes. Il lui appartient donc, en partenariat avec les collectivités locales, de construire les infrastructures adéquates. Le sport d'élite moderne, relève d'une logique commerciale pure. Il s'agit d'un spectacle qui trouve ses propres moyens de financement en tant que tel. Les équipes nationales sont l'affaire des fédérations, qui sous d'autres cieux jouissent d'une stabilité leur permettant d'agir à long terme. Même les entraîneurs ne sont pas nécessairement débarqués après un échec, c'est le cas de Domenech en France, par exemple. Au Maroc le statut hybride est le responsable, l'unique responsable de nos déboires. Préparer la voie vers le professionnalisme, voilà à quoi l'on s'attelait depuis près d'une décennie. Le programme de mise à niveau actuel a révélé une tare insurmontable : l'indigence des dirigeants de clubs, eux-mêmes englués dans la logique des résultats immédiats. Ali Fassi Fihri, probable successeur du général Benslimane, devra composer avec cette faune. Ce n'est pas l'aspect le plus simple. Il devra prier à chaque match pour que l'équipe tourne bien, et que les résultats soient bons. Sinon la bronca est au bout. Regardez les titres «la honte», «traumatisme national», «La trahison de Lemerre», on n'a jamais vu cet écœurement face à nos échecs dans l'éducation ou à l'incivisme régnant. Pourtant, ce n'est que du football. Les résultats dépendent des structures, des clubs, de la formation, du tirage au sort, de la forme du moment des joueurs, de la qualité d'une génération. La passion déchaînée n'est pas la raison, y céder c'est perpétuer ce lien abject entre résultat et honneur national. ■