Les poètes ne sont pas morts à Marrakech… En témoigne le succès du 6ème Printemps de la poésie qui s'achève ce week-end. Le printemps s'est annoncé à Marrakech bien avant sa date officielle. Profitant de la semaine consacrée à la francophonie, l'Institut français a réitéré pour la 6ème fois son désormais célèbre «Printemps de la poésie». De nombreuses manifestations se sont déroulées cette semaine dans toute la ville : chaque soir, les Marrakchis sont allés sur la place Jemaa El Fna pour savourer de la poésie –en Français et en Arabe-, dans des séquences intitulées «30 minutes avec les poètes dans la ville». L'ouverture de ce festival pas comme les autres avait été donnée dans les jardins de l'Institut avec des poèmes lus et chantés par les enfants et un lâcher de ballons qui a permis à quelque 500 poèmes écrits par les écoliers de Marrakech et de la région de s'envoler vers d'autres horizons. Plusieurs écoles de Marrakech (Lamrani, Les Orangers, El Khalid ou le collège Fatim Ria), le secteur scolaire R'Ha de la région du Haouz et SOS Village d'enfants d'Aït Ourir avaient accueilli auparavant les «passeurs de poèmes», des comédiens poètes qui avaient déclamé de la poésie et récolté les poèmes des enfants. Présent également à ce «printemps des poètes», le peintre musicien Philippe Charpentier -au départ, il était batteur de jazz avant de se consacrer quasi exclusivement à la peinture- qui a illustré le festival de son «jardin de couleurs», une exposition qu'il a préparée pendant plusieurs semaines à la résidence Denise Masson. Charpentier bien connu pour faire partie de la nouvelle abstraction lyrique française et qui compte près de 160 expositions personnelles et 400 collectives. Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections publiques ou privées, dans différents musées français ou étrangers, à la Bibliothèque nationale ou au Fonds national d'art contemporain de Paris. Poésie encore sous forme de musique avec le spectacle «Quand Alliocha est là, les souris dansent», dans la pure tradition de la poésie urbaine baptisée «slam», une pratique issue de la culture hip hop qui s'exerce au cours de rendez-vous publics où chacun peut venir lire, scander, chanter, crier, réciter ou improviser un texte sur scène. Apparu à Chicago dans les années 80, le slam se développe ensuite à New York, grâce au grand poète Saul Williams qui lui confère son expression poétique. La force du slam réside sans nul doute dans l'idée que le slameur qui est à la fois poète et conteur urbain devient aussi acteur, spectateur et narrateur de la vie quotidienne, en jonglant avec les mots et leur musicalité. Jeune star du slam à Paris, Alliocha était accompagné du bassiste Karim Maimoun et du guitariste Harun Baytraktar. Une semaine forte en rencontres, au cours de laquelle enfants, amateurs et professionnels, Français et Marocains ont pu échanger autour de la poésie sous toutes ses formes. «J'ai voulu donner une nouvelle inflexion à ce festival, explique Jean-José Rieu, le directeur de l'Institut français de Marrakech. Né il y a 6 ans de la volonté d'honorer les poètes, cette manifestation est recentrée sur les échanges France-Maroc, avec de la poésie française, arabe et en particulier maghrébine. Des échanges qui se sont manifestés sous diverses formes, comme des lectures bien sûr, mais aussi de la musique, de la peinture, du cinéma ou du théâtre, que ce soit dans les écoles ou sur des places publiques». Pour clôturer ce 6ème Printemps de la poésie, un hommage sera rendu ce samedi 21 mars à l'Institut à l'un des plus grands des poètes français, le romantique Alfred de Musset avec la pièce «Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée». Si la poésie s'efface en France devant d'autres genres d'expression artistique plus à la mode, elle suscite un extraordinaire engouement au Maroc, pays où la tradition du conte est toujours aussi vivante, offrant aux poètes du Royaume une extraordinaire possibilité de s'exprimer en toute liberté. «La poésie dépasse le cadre de l'écrit conclut M. Rieu. C'est une attitude qui permet de revisiter la réalité et de s'en évader. Ce doit être l'expression du rêve qui rend cette réalité parfois absurde, parfois drôle et parfois plus réelle encore qu'elle ne l'est». ■