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La réforme de la justice, clé du développement
Publié dans La Gazette du Maroc le 17 - 02 - 2003

Nous recevant pendant près de deux heures, Mohamed Bouzoubaâ, ministre de la justice du gouvernement Jettou semblait animé par une réelle volonté de parler vrai et de ne rien cacher à l'opinion publique. Un entretien qui ressemble fort à une plaidoirie en faveur du secteur de la justice dont il a hérité et dont il connaît tous les recoins. Il le considère d'ailleurs comme un secteur clé pour tout développement tant il concerne la sauvegarde des libertés et la sécurité des biens et des personnes. En somme, c'est un grand chantier auquel s'attaque Bouzoubaâ, le juriste qui maîtrise parfaitement les tenants et les aboutissants de la problématique du secteur. Or, l'importance de ce chantier découle directement des grandes orientations que Sa Majesté le Roi Mohammed VI lui a tracées dans son discours du mois de mars 2002 lors de l'audience accordée aux membres du Haut Conseil de la Magistrature et dans son discours prononcé lors de l'ouverture de la nouvelle année judiciaire.
C'est un chantier qui s'articule sur la réforme du système judiciaire dans la perspective de lui restituer sa crédibilité malmenée pendant un certain temps et pour qu'il joue pleinement son rôle dans le cadre de la réhabilitation de la confiance, de la défense de la démocratie et des institutions. En effet, le facteur confiance est sans cesse souligné par le ministre qui considère que c'est un élément essentiel pour tout investissement intérieur ou extérieur. Dans cet entretien, Bouzoubaâ dresse une esquisse globale et exhaustive de la réforme et apporte sa touche personnelle aux solutions préconisées dans la réforme. C'est ce qui nous a fait dire, dans notre éditorial de la semaine dernière, que le secteur de la justice se trouve entre de bonnes mains. Jugez-en vous-mêmes en votre âme et conscience. Et si le ministre s'est prêté volontiers au jeu des questions-réponses, nous avons considéré, pour faciliter la tâche au lecteur, de présenter cet entretien sous forme d'axes. Alors bonne lecture.
1 Les tribunaux administratifs et de commerce
Leur rôle consiste à défendre les intérêts des personnes et des collectivités contre tout abus de l'administration. Ainsi, actuellement, l'administration est tenue juridiquement de justifier ses décisions. Celles-ci sont passibles de cassation devant les juridictions administratives qui ont démontré, à ce propos, un haut degré d'efficacité. Ainsi, ces juridictions ont démontré qu'elles sont capables d'user de beaucoup d'audace pour annuler des décisions administratives y compris des décisions émanant du ministère de la justice. Et ceci apporte des garanties supplémentaires et essentielles au niveau des rapports entre l'Etat et l'administration. Quant aux tribunaux commerciaux, il y a des dispositions importantes qui sont programmées dans le cadre de la réforme judiciaire. Ainsi en est-il de l'effort déployé pour que les juridictions de commerce puissent traiter les dossiers avec la célérité requise et dans le cadre des garanties nécessaires afin que les secteurs économiques puissent évoluer convenablement. Dans ce sillage, le ministère a signé des protocoles d'accords avec un certain nombre d'organismes internationaux, avec l'Union européenne, avec la Banque mondiale et l'USAID. Ces accords portent sur le financement du projet de réforme à hauteur de 40 millions de dollars dans la perspective de moderniser les tribunaux de commerce, de les doter de tous les systèmes informatiques nécessaires, de réorganiser les services du registre de commerce et de lier ces tribunaux aux centres régionaux de l'investissement pour permettre aux investisseurs et aux hommes d'affaires de prendre connaissance de l'état des lieux. Il faut savoir que les services du registre de commerce jouent, aujourd'hui, un rôle très important dans le cadre de l'orientation des sociétés pour qu'elles se plient aux dispositions de la loi et pour qu'elles respectent l'engagement de leur mise à niveau, notamment celles qui accusent un retard dans ce domaine. Le Maroc est doté actuellement d'un tribunal de commerce qui est considéré comme un tribunal pilote dans le domaine des coopératives. Il s'agit du tribunal de commerce d'Agadir qui a été doté de tout le matériel nécessaire pour assurer le perfectionnement de son personnel avec le soutien de l'USAID. J'ai rendu visite dernièrement à ce tribunal et relevé avec satisfaction ses réalisations. Il y a aussi un autre accord concernant la modernisation du tribunal de commerce de Marrakech. Personne n'ignore l'importance de ces deux juridictions, puisqu'elles couvrent à elles seules quasiment tout le sud marocain. Mais nous allons bientôt généraliser ces programmes à toutes les juridictions de commerce. Cependant, il faut relever qu'il n'est pas dans notre intérêt de multiplier les créations des tribunaux de commerce, parce que la plus importante juridiction demeure celle de Casablanca tant du point de vue dossiers soumis que traités. Les autres tribunaux ne traitent que très peu de dossiers et leur action est en deçà des moyens matériels et humains mis à leur disposition.
A partir de là, nous avons établi un plan de traitement des affaires et des contentieux liés aux transactions commerciales. Ainsi, au lieu de créer des tribunaux, nous créons des chambres spécialisées auprès des tribunaux de première instance et auprès des cours d'appel où s'exercent le droit commercial et la procédure commerciale. Ceci permettra de rapprocher les citoyens des tribunaux. Dans ce cadre, j'ai remarqué que pour des affaires ne concernant que quelque vingt mille dirhams, les gens sont contraints parfois de parcourir plus de 800 kilomètres pour atteindre le tribunal administratif. Cette situation est inconcevable surtout dans le domaine du commerce qui nécessite une célérité dans le traitement. C'est pour cela que nous sommes en train d'étudier la possibilité de créer ces chambres auprès des cours d'appel d'abord et ensuite nous les étendrons aux tribunaux de première instance.
Au lieu de créer des tribunaux, nous créons des chambres spécialisées auprès des tribunaux de première instance et auprès des cours d'appel où s'exercent le droit commercial et la procédure commerciale.
2 Le coût de la réforme
Cette réforme nécessite des moyens financiers, des ressources humaines ainsi que beaucoup d'efforts et de persévérance. En ce qui concerne les moyens financiers, je pense qu'il faut user de beaucoup de réalisme. Je ne peux pas demander plus que ce qui a été alloué actuellement au secteur dans le cadre du budget. Il y a des contraintes que tout le monde connaît. En revanche, le gouvernement a déployé un effort supplémentaire en augmentant de 50 millions de dirhams, le budget du ministère de la justice. En plus, 5% des recettes de la caisse spéciale, soit environ 600 millions de dirhams doivent être prélevées pour soutenir l'effort de modernisation et d'équipement des tribunaux.
J'estime, par conséquent, que ce que nous devons faire de toute urgence est de réaliser les chantiers en cours. Il y a des projets de création de nouveaux tribunaux, d'élargissement de tribunaux existants ou d'institutions pénitentiaires. Ce que nous déplorons, c'est la lenteur des procédures au niveau du ministère des finances. A ce propos, je me suis réuni avec le Premier ministre pour examiner les meilleurs moyens d'établir une procédure qui sera compatible avec l'importance que revêt le secteur de la justice en vue d'accélérer la réalisation des projets en cours dont les budgets sont d'ores et déjà programmés. J'ai même demandé à appliquer à la justice la même procédure qui a eu cours pour le programme de lutte contre les effets de la sécheresse. Le Premier ministre a adhéré entièrement à ma vision et nous avons convenu de nous réunir avec le ministre des finances. Et si ce problème est résolu, je suis sûr que le secteur n'aura pas besoin de plus de ressources. Parallèlement à cela, il y a, bien entendu, le problème de la rationalisation des dépenses. Si nous arrivons à accélérer les procédures, cela ne coûtera rien au Trésor public en termes d'amendes et de majorations. En plus, les partenaires de l'Administration seront obligés de revoir à la baisse leurs prix sachant qu'ils ont la garantie de recevoir leurs dus dans les délais fixés. Il faut dire, à ce propos, que les transactions conclues avec l'Etat sont toujours plus chères à cause des lenteurs et des retards, ce qui se répercute négativement sur les entreprises contraintes de supporter les services des intérêts des crédits bancaires. Donc, si nous arrivons à résoudre ce problème, nous pourrons économiser les moyens, les rationaliser et ainsi les allouer pour réaliser d'autres projets. Mais, il faut souligner également que la réforme nécessite du temps. Je dois dire que je parie sur le temps et actuellement la mobilisation générale est décrétée au niveau de tous les départements du ministère pour rattraper le temps perdu. Ainsi, nous travaillons beaucoup plus que les horaires administratifs et déployons plus d'efforts pour que nos projets soient réalisés à temps.
Il y a des projets de création de nouveaux tribunaux, d'élargissement de tribunaux existants ou d'institutions pénitentiaires. Ce que nous déplorons, c'est la lenteur des procédures au niveau du ministère des finances./B
3 La justice de la famille
Vous avez soulevé la question de la révision de la Moudawana (code du statut personnel) et cette question suscite, bien entendu, l'intérêt de l'opinion publique, de la presse et de toute la société civile. Ce sujet est traité, actuellement, au niveau de la commission royale qui a accompli un travail colossal, répertorié tous les procès-verbaux des réunions et toutes les idées relevant de l'ijtihad et de la jurisprudence pour qu'elles soient conformes aux directives royales qui tendent à doter la famille d'un statut conforme à son rôle et à la femme en particulier, des droits qui l'habilitent à s'insérer dans le processus de développement, voire l'habilitant à exister en tant que tel.
A ce propos, le ministère de la justice a pris l'initiative de réorganiser le secteur en créant des services de la justice de la famille avant même l'élaboration du nouveau code de la famille, pour préparer les conditions objectives à l'assimilation des nouvelles dispositions qui seront contenues dans ce texte. Ainsi, la justice de la famille sera spécialisée dans toutes les affaires relevant de la famille que ce soit pour le statut personnel, l'état civil ou même la violence exercée à l'encontre de la femme et de l'enfant. Au début de ce mois, j'ai inauguré deux services de ce genre à Inezgane et à Tiznit. Et dans les prochains jours, j'inaugurerai six autres services dans la perspective de généraliser cette justice spécialisée conformément aux hautes directives royales. J'ai même remarqué que la façon dont ont été organisés ces services a facilité considérablement les recours déposés par les plaignants. C'est pour cela que j'estime que la situation des familles et des enfants, surtout ceux issus des divorces, nécessite l'accélération de la mise en place de cette justice.
4 L'image de la justice et les conditions des magistrats
Vous soulevez là une question qui suscite un grand intérêt auprès de l'opinion publique surtout en ce qui concerne le volet de la corruption qui sévit dans le secteur. Je voudrais signaler à cette occasion que cette question est souvent injustement amplifiée et exagérée. Je me demande bien pourquoi. Mais je pense que puisque toutes les affaires soumises aux tribunaux concernent au moins deux parties dont l'une est forcément bénéficiaire du jugement, alors les perdants penchent souvent à penser que le verdict a été monnayé. Ceci relève d'une certaine culture en vigueur, parce que nous ne sommes pas encore arrivés à admettre les lacunes juridiques qui entachent les transactions depuis le début. C'est pourquoi nous assistons à un cumul colossal de contentieux qui atteignent 2 millions 100 mille dossiers. Il est donc impossible que toutes ces affaires subissent la logique de la corruption. Je peux même vous dire que les magistrats suspectés font l'objet d'une surveillance et qu'en tout cas, ils ne constituent qu'une infime minorité parmi les 3.000 juges en exercice. En ce qui concerne les magistrats véreux, leurs cas sont soumis au Haut conseil de la magistrature. Ainsi, lors du dernier conseil, deux magistrats ont été révoqués et les cas de 14 autres seront soumis par le ministère à ce conseil. Donc, il y a des commissions d'inspection qui jouent leurs rôles selon un programme préétabli et soumettent régulièrement leurs rapports au ministère. En outre, je dois vous dire que j'ai été très franc lors de mes réunions avec les magistrats y compris avec les présidents des tribunaux et les procureurs. Mon message a été clair puisque je leur ai exposé les directives royales contenues dans le discours de mars 2002 qui souligne que l'heure de la vérité a véritablement sonné et que les magistrats doivent faire preuve d'honnêteté et de transparence et que les meilleurs d'entre eux seront récompensés. Je leur ai signifié que le ministère défendra les bons magistrats jusqu'au bout, mais que ceux qui nuisent à la profession doivent se considérer en dehors du système et qu'il vaut mieux pour eux de démissionner avant d'écoper des sanctions de la part du haut conseil de la magistrature.
Ceci est un angle de l'image globale. Mais d'autre part, il faut prendre en considération les conditions sociales et matérielles des magistrats. Celles-ci sont, malheureusement, peu réjouissantes. Quand on sait qu'un juge débute sa carrière avec un salaire de 6.500 dirhams, qu'il doit louer un logement, subvenir aux besoins de sa famille, s'habiller convenablement, on constate qu'il a des engagements sociaux que ses émoluments ne peuvent assurer. C'est pour cela que Sa Majesté le Roi avait insisté, dans son discours d'Agadir, sur l'amélioration des conditions matérielles des magistrats notamment en révisant la grille des salaires et des indemnités. Dans ce cadre, j'ai soumis au Premier ministre une requête basée sur une étude que nous avions effectuée et dont j'exposerai les résultats devant la commission interministérielle chargée d'appliquer les directives royales contenues dans le discours d'Agadir. Je donnerai, à l'occasion, un aperçu sur le montant budgétaire prévu pour atteindre cet objectif tout en exposant les conditions sociales et matérielles des magistrats.
Mais il y a, également, la situation des greffiers qui sont considérés comme le pivot du système. Et là je dois révéler que 70% de ces agents touchent un salaire équivalent au SMIG. Donc, je ne peux demander à une personne d'être honnête, alors que son salaire ne lui permet même pas de survivre. C'est une situation qui me préoccupe beaucoup et à laquelle je consacre une partie de mon effort. Cependant et en attendant de résoudre cette problématique, il y a des mesures d'accompagnement qui doivent être prises en faveur des magistrats et des agents de ce secteur, pour leur permettre de sauvegarder leur pouvoir d'achat et de soulager la pression sur leurs salaires. Ainsi, il y a la question du logement qui doit être résolue conformément aux orientations conditionnant la création de la Fondation Mohammadia pour les magistrats et fonctionnaires du ministère de la justice.
5 L'exécution des jugements : le goulot d'étranglement
La question de la lenteur dans l'exécution des jugements est un réel problème. Si un jugement rendu n'est pas exécuté, il n'a plus aucune signification. De même que la justice ne peut être perçue correctement par les citoyens si les jugements tardent à être exécutés. Cette situation est le vrai goulot d'étranglement du système et concerne les services d'exécution. Il y avait une tentative pour réformer ces services à travers la création d'un corps d'agents d'exécution. C'est un corps indépendant constitué de personnes rémunérées selon les dossiers soumis et dont la mission consiste à faire le suivi de l'exécution des jugements. Mais cette expérience a échoué et a donné lieu à des dérapages lamentables. Pour vous rapprocher de l'image, je donnerai l'exemple du tribunal de commerce de Casablanca où nous avions trouvé 80 mille dossiers en instance et 57 mille dossiers étaient détenus par les agents d'exécution. Ainsi, la commission d'inspection dépêchée sur place a pu en l'espace de 48 heures régler 17 mille dossiers pour un montant de 11 milliards de centimes. Mais l'effort continue pour traiter les autres dossiers. Donc, nous réfléchissons à la réorganisation de ces services tout en créant la structure du magistrat d'exécution des jugements, en la dotant de ressources humaines nécessaires et en informatisant leur activité pour traiter avec plus de célérité les dossiers. En même temps, notre enquête a relevé les secteurs qui pâtissent le plus de ces lenteurs et en premier lieu le secteur des assurances.
6 Les jugements dans
le secteur des assurances
Dans ce secteur, nous avons mis le doigt sur 39 mille dossiers en instance d'exécution. Dans ce cadre, nous avons tenu une réunion avec le ministère des finances pour essayer d'accélérer les procédures d'exécution de la part des compagnies d'assurance. Ainsi, nous avions convenu d'un programme étalé sur trois mois pour liquider tous les dossiers en suspens. J'ai même proposé à ce que ces dossiers ne soient plus concentrés sur Casablanca, c'est-à-dire que l'exécution soit faite par les tribunaux qui ont rendu leurs jugements. Il faut savoir, à ce propos, que tous les jugements sont exécutés par les tribunaux qui ont traité tel ou tel dossier, sauf les dossiers des assurances qui relèvent exclusivement des tribunaux de Casablanca. Ceci est inadmissible et ajoute d'autres charges sur les agents d'exécution de la métropole, de même qu'il ouvre la voie à tous les dérapages. Actuellement, nous avons demandé de prendre les adresses de toutes les assurances à travers tout le royaume pour leur faire parvenir les avis. Ainsi, nous pourrions résoudre cette problématique.
7 Les jugements rendus
contre l'Etat
Dans le même sillage, le Premier ministre du gouvernement de l'alternance avait formé une commission chargée de faire le suivi dans l'exécution des jugements rendus contre l'Etat. Et en effet, les réunions de cette commission se sont renouvelées à présent et quelques dossiers ont été préparés. Au courant de cette semaine, la commission tiendra une réunion en présence de plusieurs ministres dont les départements sont concernés. Nous essaierons, donc, d'aboutir à l'exécution des jugements rendus tout en y allouant les sommes nécessaires prélevées sur les budgets sectoriels. En un mot, il faut que l'Etat et les institutions donnent l'exemple dans ce domaine et démontrent qu'ils respectent la justice du pays.
8 Propagation de la culture de spécialisation
Comme vous le savez, une loi relative à la restructuration de l'institut des hautes études judiciaires a été adoptée dernièrement pour permettre à cette institution de se doter de l'autonomie financière et pour réviser ses curricula et ses méthodes pédagogiques. Or, Sa Majesté le Roi dans son dernier discours avait soulevé la question de la formation des magistrats qui doivent bénéficier d'un enseignement moderne. Dans ce cadre, les facultés de droit ont prévu dès l'obtention du DEUG des cours de formation pour magistrats. C'est un enseignement spécialisé, moderne, approfondi qui fait la jonction entre la théorie et la pratique. Et actuellement, le ministère de la justice est en contact avec le ministère de l'enseignement supérieur pour signer un protocole d'accord à ce sujet. Je voudrais souligner, toutefois, qu'il est nécessaire de propager la culture de spécialisation qui débouchera sur une évolution considérable notamment dans la façon de traiter les dossiers et de rendre les jugements.
9 La Cour spéciale de justice
La question de la Cour spéciale de justice soulève plusieurs problématiques liées aux droits de l'Homme et au principe de l'équité de la justice. Tout d'abord, Sa Majesté le Roi avait dit à Agadir que le Maroc a grandement besoin d'une justice spécialisée et non d'une justice d'exception. Sa Majesté avait alors demandé au ministre de la justice de lui présenter une vision au sujet des juridictions qui traitent les affaires des délits économiques et financiers. En effet, nous sommes, à présent, en train de préparer des propositions que nous soumettrons au Souverain dans les plus brefs délais. Mais ce qui est important dans cette affaire, c'est que nous mettrons fin à la justice d'exception qui ne présente pas les garanties nécessaires notamment dans la procédure de recours aux décisions prises par le juge d'instruction. Il en est de même pour ce qui est des nouvelles procédures pénales qui permettent l'appel des jugements rendus par les chambres criminelles. Au moment voulu, Sa Majesté le Roi rendra publics ses choix et les projets de textes seront élaborés par la suite pour être examinés en conseil de gouvernement et en conseil des ministres avant d'être soumis au Parlement.
Mais il reste la problématique de l'étape de transition qui est liée à la période d'application des nouvelles dispositions de la procédure pénale, c'est-à-dire comment faire pour traiter les affaires au niveau de la Cour spéciale de justice pendant cette période transitoire ? A mon sens, si nous nous attachons à une justice spécialisée au niveau central ou national, dans ce cas, il nous faut supprimer le caractère d'exception de cette juridiction où doit être appliquée la procédure pénale à l'instar de toutes les autres juridictions. Ainsi, tous les dossiers en suspens peuvent y être traités. Mais dans le cas où nous supprimerions la Cour spéciale de justice, il nous faut choisir une autre juridiction pénale que nous chargerons de liquider ces dossiers. En tout état de cause, l'important pour nous est de gérer cette phase transitoire avec beaucoup de lucidité pour préserver les droits et les intérêts des personnes.
10 La détention préventive,
une mesure d'exception
En ce qui concerne la libération d'un certain nombre de détenus alors que d'autres sont toujours en prison, il faut, à mon avis, dire que la détention préventive est avant tout une mesure d'exception. Or, avant le prononcé du jugement, toute personne est présumée être innocente. C'est pour cela qu'à chaque fois que nous réduisons le délai de la détention préventive, nous défendons les droits des personnes et ainsi nous évitons les erreurs judiciaires ou les abus. Il y a des personnes qui restent incarcérées jusqu'à leur acquittement par le tribunal ou jusqu'à ce qu'elles écopent d'une amende ou d'une peine avec sursis. C'est pour cela que nous estimons que le statut actuel de la Cour spéciale de justice doit permettre de traiter les affaires soumises en l'espace de six semaines. Or ce délai, qui n'a pas été institué de manière fortuite, n'est jamais respecté.
En tant que ministre de la justice, mon souci majeur est de faire respecter la loi. A partir de là et si le parquet considère que l'affaire risque de durer et que les personnes incriminées ne constituent aucun danger et qu'elles présentent toutes les garanties en cas de mise en liberté provisoire, je pense qu'il ne doit y avoir aucune opposition à cette mise en liberté. Il en est ainsi de plusieurs affaires, or le juge d'instruction ne fait pas la distinction entre les dossiers. D'ailleurs, les médias ont été induits en erreur quand ils ont estimé que la mise en liberté provisoire n'a concerné que les dossiers du CIH et de la banque populaire. Ceci n'est pas exact, puisque les accusés dans l'affaire du CIH ne sont que 16, alors que les bénéficiaires de la liberté provisoire sont au nombre de 91. Donc, le parquet a traité cette affaire selon le principe de l'égalité pour préserver les libertés et les droits des personnes jusqu'à ce que la justice prononce son verdict.
11 Les tribunaux communaux
et d'arrondissements
La situation de ces juridictions me préoccupe depuis le début. A ce propos, j'ai tenu des séances de travail avec les directeurs pour évaluer l'expérience de ces juridictions. Je peux vous dire aujourd'hui que ces tribunaux qui sont au nombre de 700 ne traitent que 850 petits dossiers par année, alors que les autres traitent comme je l'ai dit 2 millions de dossiers. Donc, je ne peux que m'interroger sur l'opportunité de garder ces juridictions où exercent des personnes sans aucune compétence ni professionnalisme. Nous sommes en train de réfléchir là dessus et d'ores et déjà, j'ai déposé un projet de loi sur la justice individuelle au secrétariat général du gouvernement conformément aux directives royales. Et si nous arrivons à instituer cette justice, nous aurons à notre disposition un nombre suffisant de magistrats dont certains peuvent se spécialiser dans la justice des communes et des arrondissements. J'espère bien que ce projet de loi soit soumis au Parlement lors de la session du printemps afin que nous puissions résoudre ce problème. Ainsi, les séances peuvent se dérouler dans les souks hebdomadaires. Rien n'empêche le magistrat de se déplacer pour traiter sur place les contentieux entre citoyens sans avoir besoin de sièges ni de salles. L'essentiel, c'est d'avoir une justice de proximité.
12 Les conditions
des pénitenciers
Le sujet des conditions des prisons est d'une très grande importance. C'est d'autant plus actuel que les derniers incendies déclarés dans certains centres, notamment à El Jadida, ont eu un impact désastreux sur l'opinion publique et sur les familles des victimes. Or, la réforme des pénitenciers est intimement liée aux mesures préconisées. Tout d'abord, nous devons alléger le surpeuplement des prisons. Mais, ceci ne veut pas dire que nous devrions libérer les criminels. Cet allègement doit concerner ceux qui ne méritent plus de se trouver en prison. J'ai constaté que parmi les détenus dans le cadre de la détention préventive, 25% finissent par être acquittés ou écopent d'une simple amende. Ainsi, ils sont maintenant presque 14 ou 15 mille personnes. Or, si le parquet avait appliqué dès le début les dispositions de l'article 76 de la procédure pénale qui stipule la nécessité de payer une caution, pourquoi donc présenter les inculpés en état de privation de la liberté. Il y a ensuite le phénomène de la contrainte par corps. Or, nous savons que le Maroc a signé le protocole relatif aux droits économiques et sociaux. Donc, le respect de cette convention internationale nécessite de mettre fin à cette technique. Mais, il y a la contrainte par corps liée aux affaires de la régie des tabacs et des douanes. Et à ce propos, nous avons tenu des séances de travail avec les responsables de ces départements pour résoudre la situation de près de 2.000 détenus. Il y a également un grand nombre de détenus malades qui coûtent à l'Etat énormément sans que nous puissions leur rendre un service médical adéquat. Donc, ces malades doivent être candidats pour bénéficier de la grâce, tout comme des vieillards, des femmes accompagnées de leurs enfants et près de 6.000 jeunes de moins de vingt ans. Nous avions reçu, jusqu'à présent, 17 mille demandes de grâce et nous sommes en train d'étudier tous les cas qui répondent aux critères et spécifications contenus dans le discours royal. Mais même en allégeant le surpeuplement, les prisons marocaines ne peuvent normalement abriter que 30 mille détenus, alors que nous en avons actuellement 55 mille. Cependant, il y a un effort déployé en matière d'équipement des prisons en systèmes de sécurité et de lutte contre les incendies. Nous sommes en train de généraliser ces systèmes et nous avons signé une convention avec la Protection civile qui s'occupera à dresser une liste des besoins de chaque pénitencier. Mais, il y a des urgences, notamment en ce qui concerne le déficit en gardes, sachant que ce personnel ne s'occupe pas uniquement des détenus, mais également des visiteurs qui se chiffrent à 2 millions 400 mille personnes, des paniers qui atteignent le nombre d'un million 300 mille qu'il faut contrôler scrupuleusement pour éviter l'accès des drogues et des stupéfiants dans les enceintes. Toutefois, il faut souligner le rôle remarquable que joue la société civile dans ce domaine et notamment la fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus. En effet, nous avons établi un plan d'action avec la fondation portant sur un budget de 50 millions de dirhams. Et à ce propos, cette institution a équipé un certain nombre de pavillons et contribué à moderniser des infirmeries, à doter les administrations en matériel informatique et à conduire des cours de lutte contre l'analphabétisme. Il y a, également, 20 autres associations qui bénéficient de notre soutien total. Je tiendrai incessamment avec elles des séances de travail pour élaborer un plan d'action global afin de venir en aide aux détenus. Durant cette semaine, nous entamons une campagne sanitaire pilotée par 50 médecins volontaires qui parcourront toutes les prisons du Maroc et feront des consultations nécessaires pour établir un diagnostic des maladies les plus répandues dans ce milieu. Je pense que cette campagne aura un impact positif pour la prévention des maladies surtout les maladies infectieuses. En général, et comme vous le constatez, la mobilisation est totale même au sein de la société civile pour humaniser la vie à l'intérieur des prisons.
13 Projet de lutte anti-terroriste
Il faut souligner d'abord, pour que les choses soient claires, que ce projet ne doit pas être considéré comme une loi anti-terroriste spéciale. En fait, c'est une initiative visant à renforcer certaines dispositions du code pénal et certains articles du code de procédure pénale. En fin de compte, c'est un projet qui vise à harmoniser la loi marocaine avec l'esprit des conventions internationales signées par notre pays. En premier lieu, il s'agit de l'accord arabe de lutte contre le terrorisme signé en 1998 par les ministres de l'intérieur et de la justice. Ainsi, vous constaterez que nous avions retenu la définition du terrorisme contenue dans cet accord. En plus, cette convention arabe a été signée même par l'autorité palestinienne, et donc, la définition du terrorisme ne s'applique nullement aux mouvements de libération ni à la résistance. C'est une définition claire et précise qui ne peut susciter aucune interprétation abusive. L'existence de ce texte ne laisse plus au pouvoir discrétionnaire du juge beaucoup de marges de manœuvre. Cette loi apporte précisément un éclairage sur le concept du terrorisme et sur la nature des crimes imputés au terrorisme. Il s'agit de 13 actes qui varient entre le meurtre, la falsification ou les hold-up bancaires. Or, tous ces actes sont prévus dans le code pénal, mais ce qui a changé, ce sont les peines. Ainsi, la peine à perpétuité devient peine de mort et une peine de 20 ans devient une peine à perpétuité. Par conséquent, ce projet vise à souligner que le législateur se comporte vis-à-vis du terrorisme autrement pour que nous puissions éviter à notre pays des actes ou actions susceptibles de troubler l'ordre et de créer la panique. L'objectif suprême est de défendre la démocratie dans notre pays et de préserver la liberté d'expression, le droit à la différence, la paix, la stabilité, la sécurité et les droits de l'homme.
Il y a également au niveau du code de procédure pénale, un renforcement des dispositions relatives à la détention préventive. Ainsi, et puisque le terrorisme est international, ces crimes nécessitent une plus ample vérification des réseaux existants, et partant plus de temps. C'est pour cela que nous avons prolongé la garde à vue de 48 heures seulement, c'est-à- dire 114 heures au lieu de 96 actuellement, et que le parquet peut ordonner la reconduction du délai de 96 heures deux fois. Donc, tout le processus est supervisé par le parquet et par la justice pour un procès équitable. Il y a toutes les garanties nécessaires, notamment le respect du droit de la défense, le droit d'audition des témoins, le caractère public du procès, la justification des jugements etc. Il n'y aura aucune atteinte aux garanties prévues par la loi même s'il s'agit de crimes dangereux tels que les crimes terroristes. Il faut, toutefois, souligner que le droit marocain se devait d'être harmonisé avec le droit international, notamment 18 protocoles et conventions internationaux relatifs à la lutte anti-terroriste. Dans ce cadre, nous recevons actuellement des demandes de commissions rogatoires. Ainsi, nous avons reçu d'Allemagne 14 demandes. Comment voulez-vous qu'on réponde à ces demandes, si la loi marocaine ne prévoit aucune disposition de ce genre ? Donc, il était tout à fait normal que le législateur définisse la nature des crimes terroristes et les dispositions y afférentes.
14 Le phénomène des enlèvements
Je dois vous dire que je ne sais pas qui a inventé le concept de l'enlèvement. Ceci ne s'applique pas à la réalité telle que nous la vivons au Maroc. Pourquoi, me diriez-vous ? Tout simplement, parce que toute personne appréhendée par la police est présentée à la justice. Le problème qui a surgi dans certaines affaires est dû au fait que les familles des détenus n'ont pas été avisées. Donc, ce manque d'information est interprété comme une sorte d'enlèvement. Aussi et pour couper court à cette situation, le parquet a reçu des instructions écrites pour vérifier si la police judiciaire a bel et bien informé les familles des détenus. La PJ est tenue d'informer le parquet, chaque 24 heures, de tous les cas de détention, et le procureur est tenu d'inspecter les lieux de détention et tous les registres pour éviter tout dérapage. Par conséquent, seule la justice est habilitée à examiner tous les cas où certains dérapages ont eu lieu. Le Maroc est un Etat de droit et tout le monde doit se soumettre à la loi. C'est là un préalable au renforcement de l'état des


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