Mohamed Bouzoubaâ, le ministre de la Justice, est capable, si on ne fait pas attention, de nous réconcilier avec le gouvernement actuel de Si Driss Jettou. Mohamed Bouzoubaâ, le ministre de la Justice, est capable, si on ne fait pas attention, de nous réconcilier avec le gouvernement actuel de Si Driss Jettou. Vous lui prêtez l'oreille à un bon taux d'audience et le tour est joué. Vous regardez sa bonhomie en direct et l'affaire est dans le sac. Vous vous fiez à sa sincérité, au demeurant bien réelle, et vous êtes transformé en supporteur exalté. Mercredi soir à la télé, Bouzoubaâ est apparu comme il est. Un type honnête. En plus, ce qui ne gâche à rien à rien, l'avocat travailleur qu'il a été, semble connaître sur le bout des doigts ses dossiers et bien sentir la maison dont il est actuellement détenteur du bail. Les magistrats n'ont pas de secret pour lui, la procédure, le parquet dont il est le chef, les arcanes du Conseil supérieur de la magistrature, la Cour spéciale aussi. Il a, au moins, une idée sur tout. Maintenant le justiciable marocain n'est pas content. Les magistrats, les avocats, les greffiers, les procureurs, les juges d'instruction, les auxiliaires de justice… non plus. Les criminels, les voyous, les escrocs, les terroristes, les détenus, les flibustiers et tous les indélicats de la place ne sont, non plus, pas contents. Cela fait du monde et dans ce tableau, Bouzoubaâ paraît bien seul. Enfin, que voulez-vous, notre justice nous ressemble tellement que dans notre effort de ne plus lui ressembler on se rapproche d'elle. On se comprend… Nous ne vivons pas dans une cité idéale, nous a dit le ministre et c'est pour cela, a-t-il distillé avec une finesse exquise, qu'il a choisi, d'ailleurs, lui et ses amis, d'être ministres de ce gouvernement. Une vraie sortie de prétoire d'un habitué des joutes oratoires. Ceci dit, si la cité idéale n'est pas une réalité sous nos tristes tropiques, lui non plus, en sa qualité d'humble mortel aussi vertueux soit-il, n'est pas l'incarnation de Thémis, la déesse de la Justice, celle qui, nous dit-on, « exerçait une influence importante sur les mortels, accordant sa protection aux justes et punissant sévèrement ceux qui se rendaient coupables de délits.» Si on fait aujourd'hui un sondage objectif, indiscutable et scientifique sur la qualité de notre justice auprès de Mounir Erramach et de ses acolytes supposés, notamment les juges et les fontionnaires parmi eux, nous aurons des appréciations légèrement divergentes par rapport à «bouzoubéatitude» affichée. Vous le comprendriez à moins si on vous prêtait, avec fracas, une parentèle si peu glorieuse avec un capo notoire à la mine de chérubin. Mohamed Bouzoubaâ est incontestablement un bon ministre. Son argumentaire sur la moralisation de la justice tient la route. Toutefois, il va falloir qu'il évite de jeter le bébé avec l'eau du bain d'autant plus, quoi qu'il en dise, il essuie les plâtres d'une nouvelle posture institutionnelle, celle de ministre de la Justice issu d'une formation politique. Malgré ces dénégations énergiques sur ce point précis, il doit être aussi irréprochable que la femme de César.