«Fat el fout» est l'une des belles chansons du début des années quatre-vingt, concoctée par le trio Ali Haddani, Abdelkader Wahbi et Majda Abdelouahab Après le succès phénoménal de «Jrit ou jarit», le parolier Ali Hadani et le compositeur Abdelkader Wahbi, préparaient deux autres chansons pour Naima Samih. Les choses de la vie ont empêché le projet d'aboutir et le texte de «Fat el fout» macérait dans un tiroir. Après maintes recherches, ils apprennent l'existence à Casablanca d'une jeune chanteuse au nom de Majda Blidi, issue d'une famille de musiciens. Ils la contactèrent et lui soumettent le premier couplet qu'elle chanta avec grâce. La chanson a trouvé finalement sa voix. Pendant des semaines, le parolier et le compositeur faisaient la navette Rabat-Casa pour répéter avec elle au sein de sa famille. Une fois la chanson prête, ils l'enregistrèrent avec l'orchestre national. Et dès sa première diffusion le public l'adopta et en fera un tube consacré par le prix de la chanson de la saison 1981. «Où tu es ?/réveilles toi de tes songes/tourne la page et dis-toi que t'as oublié/je suis en face de toi/comme si je n'avais jamais aimé». Histoire d'amour C'est l'histoire de deux êtres qui s'aiment. Ils ont juré fidélité, mais l'homme a trahi. Il délaissa sa bien aimée avant de revenir vers elle comme s'il s'agissait d'un objet laissé en gage. Mais la réaction de la femme est intransigeante. Nous sommes loin des histoires d'amour des chansons arabes où la femme est soumise et accepte toutes les humiliations. Là est la nouveauté du texte de Ali Haddani, cousu, en trois couplets, de main de maître. Pour trouver une composition musicale digne de ce texte, Abdelkader Wahbi a innové en utilisant une infinité de rythmes et mouvements inspirés des musiques traditionnelles marocaines, ainsi que de la musique occidentale. L'ouverture instrumentale ne fait-elle pas appel à une 5éme symphonie de Beethoven à la sauce marocaine, adaptée au rythme «Haddari» du terroir ? L'interprétation de Majda Abdelouahab, avec sa grâce juvénile, restera dans les annales de la chanson marocaine. L'artiste Egyptien Mohamed Abdelmotaleb ne disait-il pas que son «énergie vocale est la quintessence d'Ismahan, Laila Mourad et Fayrouz réunies» ? En voyageant dans le monde arabe, elle la faisait apprécier, sans difficulté, à des oreilles orientales réticentes au dialecte marocain. Hélas celle à qui on promettait un grand avenir artistique a disparu dans un accident tragique de la route en 1992. Elle avait a peine trente ans. Nous gardons de Majda Abdelouahab son sourire permanent, son regard enfantin et le refrain de «Fat el fout» dont l'un des fragments dit «grâce a dieu j'ai échappé à la mort/la passion m'a soignée et j'ai guéri». Prémonitoire ! ■