Un lac au quartier El Oulfa à Casablanca, c'est l'une des rares zones humides au Maroc, en plein espace urbain. Ils constituent l'un des derniers sanctuaires naturels épargnés par la prolifération des résidences. Un nid d'amour pour une vingtaine d'espèces d'oiseaux migrateurs et un cimetière pour des dizaines de SDF. Pendant les années du Protectorat, le site avait servi de carrières pour l'extraction de matériaux ayant servi à la construction du port de Casablanca. C'était un terrain vague choisi par les géologues, dans la périphérie de Casablanca où des ruraux gardaient leurs bêtes et des bidonvillois construisaient déjà leurs baraques. C'étaient les journaliers, des forçats en fait, qui devaient casser les roches, massues à la main. Le site a fini par porter le nom des «Carrières Chneider». Les extractions profondes ont donné lieu à l'émergence de sources d'eau. Les vieux habitants de Hay Hassani et du bidonville dit Ferrara à l'époque, qui a cédé la place au quartier Mazola et El Oulfa, se souviennent de ce lieu «Sebâat Ayyoune» (sept sources) où les enfants des quartiers voisins se baignaient. Certains y ont laissé leur vie. Le prestigieux complexe administratif de la préfecture Hay Hassani a élu domicile au dos de ce lac. A chaque moment et de nos jours, on entend parler d'un mort. Qu'il s'agisse d'homicide ou de suicide, le site a constitué pendant longtemps un danger pour son environnement proche. Des repris de justice faisaient de ces cachettes et ces petites grottes leur fief où la loi du plus fort était toujours la meilleure. Les grands gangsters du genre «Bak Sahbi» et autres cerveaux de bandes qui sévissaient dans la région, jusqu'à l'actuel Parc Sindibad, appelé autrefois «Dissa», y logeaient pour se prémunir des coups de filet d'une police sans beaucoup de moyens à l'époque. Viols et exécutions se faisaient sur place et les enfants savaient qu'ils n'avaient pas droit de cité dans les lieux en présence des membres des gangs. Petit à petit, l'ordre a été rétabli et l'eau des sources a envahi les grottes et rempli les fosses. «Sebâat Ayyoune» est devenue un lac, un étang qui fait peur parce qu'il «absorbe les enfants qui s'y aventurent» à cause de sa valse, disaient les parents à leurs enfants. Pourtant, des spécialistes se sont rendus à l'évidence que l'étang d'El Oulfa est doté d'une richesse naturelle végétale et animale inestimable, avec une luxuriante végétation riveraine et une faune formée de plusieurs espèces d'invertébrés : (Vers Annélides, Mollusques, Crustacées, Insectes aquatiques … etc.) et de vertébrés (amphibiens, reptiles, poissons, oiseaux et mammifères), selon les études réalisées par le groupe de Recherche pour la protection des oiseaux au Maroc et l'Association Achouala qui font de cette merveille leur priorité. Car, c'est l'une des rares zones humides du Maroc en plein espace urbain. Ils constituent, à Casablanca, l'un des derniers sanctuaires naturels épargnés par l'avancée des constructions et la prolifération des résidences. Les professionnels des deux associations constatent qu'au moins une vingtaine d'espèces d'oiseaux d'eau peuvent être observées durant toute l'année. La plupart des volatiles ne sont pas pour le moment inquiétés par les riverains dans la mesure où le site est presque inaccessible au public, vu la hauteur de sa falaise. Les associations concernées ont répertorié les oiseaux comme suit : (Foulque macroule, Poule d'eau, Grèbe castagneux, Aigrette garzette, Héron cendré, Goéland brun, Canard colvert, Canard souchet, Canard pilet, Canard siffleur Fuligule milouin, Echasse blanche, Chevalier gambette, Bécassine des marais, etc….). Parmi ces derniers, le site abrite une espèce rare, non seulement au Maroc mais dans tout le pourtour méditerranéen. Il s'agit de la poule sultane Porphyrio porphyrio. Elle est menacée de disparition dans cette partie de son aire de répartition, ce qui nécessite un plan d'action. Appauvrissement d'une richesse Malheureusement, cette richesse subit une véritable détérioration dûe aux déversements des déchets solides, des ordures ménagères et des débris de construction, rejetés du haut de la falaise par les voisins. L'entassement des déchets provoque une prolifération de moustiques qui envahissent les alentours et portent préjudice à cette même population surtout en période de canicule. S'ajoute à cette sérieuse menace, le canal, drainant les eaux pluviales provenant des quartiers de Haj Fatah (dépendant de la Commune de Lissasfa), qui verse aussi des eaux usées sans autorisation aucune. En dehors des périodes de précipitations qui camouflent les odeurs, ces eaux dégagent une odeur nauséabonde. L'eau de l'étang revêt actuellement une coloration verdâtre, signe d'une pollution du site. Cette situation provoque la disparition de plusieurs espèces animales et végétales. Un atelier de démarrage du projet «Parc écologique d'El Oulfa: outil de sensibilisation et d'éducation à l'environnement pour la population du Grand Casablanca» a été organisé, il y a cinq ans, à Hay Hassani-Ain Chock. La création de ce parc est subventionnée par le Fond pour l'Environnement mondial à travers le programme des Nations Unies pour le développement FEM/PNUD à hauteur de 384.000 DH. Les deux associations contribueront avec 87.500 DH, la population avec 344.500 DH, d'autres partenaires avec 12.000 DH. La réalisation du projet est estimée à 1.745.400 DH. Les membres des deux associations courent après 1.119.400 DH pour compléter la réalisation de ce projet unique au Maroc et qui fera certainement la fierté des Casablancais. ■