Il est tout de même curieux que les bonnes volontés d'engagement patronal dans l'amélioration du processus social des travailleurs, ne bénéficient pas, sur les questions sensibles, d'un retour d'écho de la part des partenaires institutionnels et sociaux, du dialogue social. L'on croyait que le climat des négociations entre les partenaires tripartites du dialogue social, dont le premier round avait connu une sortie fracassante des «refuzniks» syndicaux, était tendu entre ces derniers et le gouvernement seulement. Or, le troisième «larron» n'est pas en état de grâce également. Sur certaines questions très sensibles, comme la législation du travail, la position des employeurs est même radicalement décrétée au motif que les amendements de la CGEM au Code du travail ont été «exclus» des travaux de la commission «Liberté syndicale et Législation», pilotée par le ministre de l'Emploi qui a pris le pli des organisations syndicales, refusant toute discussion sur ce chapitre. «Boycott» patronal Rappelons les points évoqués par cette instance à l'issue des premières rencontres du deuxième round du dialogue social : Protection du droit du représentant syndical, amélioration du soutien financier accordé aux centrales, projets de lois du règlement des salariés des entreprises minières et du code de commerce maritime et, en dernier lieu, la réglementation de l'exercice du droit de grève. Cette «impasse» a conduit à une résolution suspensive du patronat de sa participation dans cette commission, décision notifiée au département gouvernemental de tutelle en date du 3 novembre dernier, informant ce dernier, que «la CGEM ne se joindra plus aux réunions des travaux de ladite Commission». Ce «boycott» patronal des négociations a été en substance réaffirmé à l'issue du Conseil d'administration de la confédération économique en session ordinaire, le mardi dernier à Salé. En fait, le dialogue de sourds, entre d'une part la CGEM, et d'autre part, le gouvernement et les centrales syndicales, s'est étendu, aussi, à d'autres volets des négociations sociales, notamment la Commission en charge de l'amélioration des salaires aux travaux de laquelle l'organisation patronale ne s'est pas jointe. Motif évoqué : les questions salariales ont été traitées en avril dernier dans le cadre du 1er round du dialogue social à l'issue duquel la CGEM s'était engagée à augmenter de 10% (mieux que l'offre gouvernementale) le SMIG dans le secteur privé d'une part, et à financer l'amélioration des allocations familiales à la charge exclusive des employeurs. Ce qui a été dûment notifié au ministre Jamal Rhmani en date du 23 novembre dernier. D'autres pierres d'achoppement planent sur l'avenir d'un dialogue tripartite en mal de consensus, en raison d'un certain «ostracisme» pratiqué par le gouvernement et les syndicats à l'égard de la CGEM. Ce qui a incité cette dernière à exprimer, en attendant l'impact par la CNSS, ses réserves au sujet des scénarios avancés en matière de protection sociale. Ces mêmes réserves ont été renouvelées au sujet des études actuarielles qualifiées de «très optimistes alors que l'introduction de l'AMO est récente et les perspectives sur la consommation médicale sont très peu claires et pas évidentes». Le président de la Commission Emploi de la CGEM, qui mène le bal du dialogue social en portant le flambeau patronal, a attiré l'attention sur la nécessité d'engager une réflexion commune centrée sur l'impératif d'une maîtrise du dialogue social en raison du contenu complexe des chantiers ouverts (AMO, IPE, régimes de retraites) risquant d'entraîner une augmentation des taux de cotisations par branche, et par conséquent d'alourdir les charges patronales alors que le pays est à l'aube d'un nouveau processus. Abdelmajid Tazlaoui persiste et signe: «il faut gérer la chose sociale à l'instar de ce qui se fait à l'international et en respectant les normes prônées par les organisations internationales compétentes, en premier lieu l'OIT. La CGEM est constamment préoccupée par l'amélioration du sort des salariés au Maroc. Nous sommes décidés de contribuer à une meilleure couverture des besoins sociaux des travailleurs». Cette position s'inscrit dans la logique réaffirmée d'un patronat largement irrigué par des entreprises citoyennes soucieuses de se conformer aux règles de la responsabilité sociale de l'entreprise et d'encourager les bonnes pratiques de la gouvernance économique. En définitive, peut-on parler d'impasse ou de dialogue de sourds dont le statu quo semble perdurer entre les partenaires du dialogue tripartite ? Si les syndicats avaient «cassé la baraque» en refusant en bloc l'offre gouvernementale de 16 milliards DH unilatéralement appliquée à partir de juillet 2008, la CGEM n'est plus disposée à naviguer en univers incertain et aléatoire : «Nous devons avoir une visibilité globale sur les prestations nouvelles avant que la CGEM ne donne son avis. La Commission Emploi en est le gardien du temple en s'appliquant à éviter un accroissement en série des déficits et des charges supplémentaires qui ont conduit certains pays à une catastrophe de leur sécurité sociale. Il est important pour nous que soient maîtrisées les dépenses sociales», conclut Tazlaoui. ■