La débâcle des marchés favorise le programme économique interventionniste du candidat démocrate et donne un écho particulier à son message de solidarité. Dans ce contexte, le dernier débat qui l'a opposé à son rival républicain pourrait avoir été décisif. Le débat télévisé du 7 septembre a-t-il sonné le glas des ambitions présidentielles de John McCain ? C'est probable si l'on en croit les sondages réalisés à l'issue de la prestation des deux candidats américains à la Maison-Blanche : pour 54% des sondés, Barack Obama a été plus convaincant que son rival républicain, contre 30% pour John McCain. Plus important encore : le candidat démocrate a été beaucoup plus crédible, selon les sondés, quant aux solutions qu'il propose face à la crise financière. Un facteur décisif quand les questions des électeurs présents sur le plateau reflétaient l'angoisse et le désarroi de la classe moyenne américaine, très fragilisée par la débâcle des marchés. Un peu court… Dans ce contexte, John McCain était face à une équation insoluble : impossible pour lui de pourfendre la dérégulation économique qui est le fond de commerce des Républicains ; tout aussi impossible de ne pas proposer des solutions pour soutenir les plus fragilisés de ses compatriotes. Sa seule proposition concrète a été le rachat des prêts immobiliers que les ménages ne parviennent pas à rembourser… politique qu'il n'a même pas pris la peine de développer ! Alors que les Américains rendent responsables l'administration républicaine en place des errements du marché pour sa politique de laisser-faire, cela a paru un peu court… De l'autre côté, Barack Obama a eu beau jeu de développer son plan économique : suppression des avantages fiscaux pour les plus fortunés mais allègement d'impôts pour les classes moyennes (95% des foyers selon lui) ; crédits d'impôts pour inciter les entreprises à souscrire des assurances maladies pour leurs salariés ; couverture sociale automatique pour tous les enfants ; vaste plan énergétique qui mette fin à la dépendance américaine vis-à-vis des pays producteurs de pétrole, etc. Ajoutons à cela que la télévision est cruelle : alors qu'au cours du débat précédent, les deux candidats étaient debout derrière un pupitre, le format de celui-ci les contraignait à arpenter la scène. Et, d'entrée de jeu, la différence sautait aux yeux: d'un côté, un type jeune et élancé qui a la prestance de Cary Grant, de l'autre un vieux monsieur légèrement voûté dont les séquelles des tortures infligées dans les prisons coréennes font peine à voir. Alors que la situation économique mondiale nécessite une action énergique, c'est le genre de choses qui peut décider d'une élection… Accents bibliques Plus profondément, la crise financière a donné un écho particulier au message de solidarité que Barack Obama a distillé tout au long de sa campagne. Au cours de chacune de ses interventions publiques, il a martelé, avec des accents bibliques : «je suis le gardien de mon frère, je suis le gardien de ma sœur». Lors du dernier débat, il a paraphrasé le sermon le plus célèbre de John Donne, qui se termine par «ne demande pas pour qui sonne le glas. Il sonne pour toi». Il n'a pas non plus manqué de rappeler son propre parcours, celui d'un fils de mère célibataire, élevé par des grands-parents modestes, qui a eu l'opportunité d'entrer dans les meilleures universités et de postuler aujourd'hui à la présidence des Etats-Unis. Il faut travailler, a-t-il dit, pour que ce rêve américain continue d'être possible. Emotion dans la salle. Oubliées les petites phrases assassines que les candidats ont échangées, les manœuvres de campagnes, les enjeux internationaux. L'espace d'un instant, Barack Obama a parlé au cœur de l'Amérique.