Lahcen Daoudi, professeur d'économie et dirigeant du PJD pense que la crise est inhérente au système capitaliste et que le Maroc sera durement touché. Il propose dans cet entretien une série de mesures à adopter dans le court terme. La Gazette du Maroc : Quelle lecture faites-vous de l'évolution de la crise Mondiale ? Lahcen Daoudi : Il s'agit là d'une crise majeure qui vient sanctionner le néolibéralisme né avec Tatcher en Grand- Bretagne, après la crise des années 70 qui a remis en cause la politique d'interventionnisme mise en place après la crise de 1929 qui a, elle même, sanctionné le libéralisme sauvage du 19ème siècle. Il s'agit donc d'un va et vient entre le plus d'Etat et le moins d'Etat, avec une crise au bout de chaque axe. Le capitalisme est ainsi fait. Aujourd'hui on va assister à un retour massif de l'interventionnisme. Fini l'âge des privatisations; il faudra attendre la future crise qui arrivera quand les effets pervers de l'interventionnisme l'auront emporté sur les effets positifs. Quelles répercussions craignez-vous pour l'économie marocaine ? Le Maroc n'est pas un îlot isolé au sein d'un désert; il est intégré dans le marché mondial; il le subit positivement et négativement. Aujourd'hui, malheureusement, on subira plus de négatif que de positif. L'Europe est notre principal partenaire. Elle est en crise. Dans le moindre des cas, on aura moins de touristes, moins de transferts des MRE moins de demande pour nos produits agricoles et industriels et peut être une cession de patrimoine de la part des étrangers qui ont investi au Maroc. Dans le pire des cas, un report, voire une annulation de certains projets d'investissements en cours. Si on doit emprunter à l'étranger, on doit payer le prix fort. 2009 sera une année difficile, il faut organiser la résistance. Malheureusement, notre gouvernement n'envoie que des messages optimistes. C'est bon pour rassurer mais il ne faut pas que cela tourne au ridicule. Dans ce contexte peut-on accepter un budget qui table sur un fort taux de croissance ? Cela dépend plus du ciel que de la performance de l'économie. Une bonne récolte pourrait atténuer les effets de la crise, mais si, par malheur, la récolte est en dessous de la moyenne, il faudra s'attendre au pire. Que proposez-vous pour faire face à la crise ? Une relance de la demande intérieure. La tranche exonérée au niveau de l'IR devrait passer à 40 000 DH sans toucher à la dernière tranche dont le passage de 42% à 40% ne bénéficie réellement qu' aux hauts revenus dont la propension à consommer des produits étrangers est plus élevée. Le taux de TVA de 14% doit être ramené à 10% et celui de 10% à 7% et supprimer le taux ancien de7%. C'est aussi une occasion de relancer les produits alternatifs pour booster la demande au moins au niveau de l'immobilier qui commence à s'essouffler. Il faudra aussi accepter un déficit de près de 5% pour lancer des chantiers nouveaux surtout dans les zones pauvres de fort exode rural. C'est aussi une occasion pour reformer le système bancaire. ■