Nos officiels auront-ils la mémoire courte ? Sauront-ils maintenir le flou total sur le risque économique qui plane sur le Maroc ? La réponse ne peut être que négative. Les prochaines semaines, la tension sera à son comble. Au programme, débats houleux, décisions inattendues, d'éventuels revirements de situation… Bref, de quoi alimenter les discussions tant entre initiés qu'entre profanes. La polémique envahira les terrasses de cafés, pour certainement se poursuivre lors des séances à huis clos entre grands patrons de la place, lors des réunions tendues des dirigeants de PME, au cours des discussions interminables des membres de l'association Maroc 2020 ou des échanges torrides des politiques. Les medias emboîteront le pas à leurs homologues étrangers, qui n'hésitent pas relayer en boucle les péripéties d'une économie mondiale en réelle perte de vitesse. Aurat- il fallu que la France soit ébranlée pour que le Marocain lambda remette en doute les propos excessivement rassurants des officiels ? On a beau dire que la dernière crise financière internationale n'a pas eu de répercussions sur la place casablancaise, cette fois-ci, de tels arguments ne tiennent plus. A l'unanimité, économistes, conjoncturistes, opérateurs économiques, politiques et bailleurs de fonds tirent la sonnette d'alarme. Un des dignes représentants du PJD, Lahcen Daoudi, fait presque dans la démagogie en témoignant de la crise économique auquel le pays est confronté. «Notre gouvernement est tétanisé. Salahdine Mezouar a berné les petits épargnants. La situation est grave», annonce-t-il en guise de prélude. Les prochaines élections communales sont dans quelques mois et la conjoncture actuelle représente une véritable aubaine pour brandir le programme électoral de son parti, présenté sans grand succès lors des précédentes législatives. L'enjeu politique est certes présent, sauf que les orientations qu'il prône sont également revendiquées par des courants politiques et idéologiques divergents. Au-delà de la simple dénonciation, tout l'intérêt doit porter sur l'évaluation de la situation : quels sont les secteurs qui seront touchés et à quel degré ? Pour établir une radioscopie actualisée, une professionnelle de l'entreprise, Latifa Echihabi, DG de l'ANPME, souligne l'urgence de «lancer des enquêtes et des sondages afin d'en mesurer les conséquences. D'ailleurs, les associations professionnelles devraient réaliser un travail de recensement auprès de leurs membres». La remontée de l'information a déjà commencé au niveau de la CGEM. «Nous avons recueilli auprès des fédérations professionnelles toutes les données susceptibles de nous éclairer sur l'évolution de la situation», rapporte une source proche de Moulay Hafid Elalamy. Les états-majors se réunissent pour préparer les rencontres avec le GPBM, les ministères de tutelle et Bank Al Maghrib pour élaborer un plan d'action. Mais d'ores et déjà, un premier diagnostic est apparu. Ce sont d'abord les tout petits qui pâtissent des ondes de choc, de l'avis même de Khalid Benjelloun, président de la commission PME. Comment dès lors désamorcer cette bombe à retardement ? «S'il est vrai que la crise nous dépasse et que nous n'avons pas notre mot à dire sur l'échiquier international, il faut au moins avoir le courage politique de se préparer au choc», souligne Zakaria Fahim, expert-comptable, membre du CJD. Quitte à prendre des mesures impopulaires. ◆ Le point de vue de la Banque Africaine de Développement Dossier réalisé par Nabila Fathi, Imane Azmi et Soumayya Douieb l'avis même de Khalid Benjelloun, président de la commission PME. Comment dès lors désamorcer cette bombe à retardement ? «S'il est vrai que la crise nous dépasse et que nous n'avons pas notre mot à dire sur l'échiquier international, il faut au moins avoir le courage politique de se préparer au choc», souligne Zakaria Fahim, expert-comptable, membre du CJD. Quitte à prendre des mesures impopulaires. ◆ Le point de vue de la Banque Africaine de Développement LA BAD est formelle: le continent ne sera pas touché à court terme mais pâtira du ralentissement de la demande mondiale, de moindres transferts financiers de la part des émigrés, d'un accès réduit au financement et des aléas du tourisme. La BAD prévoit des «retombées variables» selon les pays du continent. Les Etats à économie plus ou moins ouverte au mouvement des capitaux seront les plus touchés par le déséquilibre des taux de change. La crise financière rendra également les fonds plus coûteux pour les Etats à revenu intermédiaire, qui n'auront plus l'accès facile aux marchés des capitaux (Afrique du Sud, Tunisie, Maroc, Egypte). La Banque va jusqu'à prévoir un risque de récession pour les pays qui dépendent du tourisme. Autre crainte de l'Afrique. Une remontée du protectionnisme et le coût élevé du sauvetage du système financier qui va peser sur les budgets et risque de grever l'aide publique au développement. Décrivant un «système multilatéral en dysfonctionnement total», elle a prévu «des années sombres», si jamais l'aide au développement devait être considérée comme «une dépense non-prioritaire».