En attendant sa mise en œuvre sur le terrain La nouvelle charte communale qui remplace le bonne vieille charte de 1976 est fin prête. Son texte définitif qui vient d'être adopté par les deux chambres du Parlement a été publié au bulletin officiel en octobre 2002. Seules certaines petites modifications ont été apportées au texte initial et adoptées en conseil du gouvernement, avant d'être présentées au conseil des ministres et déposées au Parlement. En attendant l'adoption par le Parlement des modifications mineures apportées au texte initial de la charte communale, il est désormais possible de dire que le Maroc s'est doté d'un nouveau texte régissant les affaires des communes, qui se présente comme une loi novatrice dont les objectifs demeurent le progrès politique, économique, social et culturel de la cité. Ainsi, dans le volet politique, cette nouvelle charte a pour objectif de raffermir la démocratie de proximité, consacrer l'autonomie des communes dans le cadre de la liberté et de la responsabilité. En ce qui concerne les domaines économique et social, la charte communale envisage d'élargir le rôle que doit jouer la commune dans le développement économique, dans la création des richesses et les postes d'emploi. Son rôle doit s'étendre également à l'aménagement du territoire, à la réhabilitation des secteurs sociaux notamment en participant à la réduction des écarts économiques et sociaux. Et pour atteindre ces objectifs, la nouvelle charte avance un certain nombre de réformes qui rectifient sensiblement les dysfonctionnements de l'ancienne loi. Amélioration du statut de l'élu Les nouvelles dispositions relatives au statut de l'élu concernent deux catégories: réforme du statut de l'habilitation et révision des cas d'incompatibilité. Ainsi, les présidents de la commune doivent justifier d'un niveau d'instruction les habilitant à exercer ces fonctions : “ne peuvent être élus présidents, ni exercer temporairement les fonctions, les membres du conseil communal ne justifiant pas au moins d'un niveau d'instruction équivalent à celui de la fin des études primaires ”. Mais en même temps, la charte n'a prévu pour le secrétaire du conseil et le rapporteur du budget que la clause “sachant lire et écrire”. Par conséquent, elle ne fait que consacrer l'analphabétisme déguisé. Pour la seconde catégorie, la charte communale précise : “les membres du conseil communal élisant résidence à l'étranger, du fait de leurs fonctions publiques ou de l'exercice de leurs activités privées ne peuvent être élus présidents ou vice-présidents. Ne peuvent être élus présidents ou vice-présidents des communes où ils exercent, les trésoriers régionaux, les trésoriers préfectoraux ou provinciaux, les percepteurs régionaux, les percepteurs et les receveurs communaux. Les membres du conseil, salariés du président, ne peuvent être élus vice-présidents. Les fonctions de président du conseil communal sont incompatibles avec celles de l'assemblée préfectorale ou provinciale ou de président du conseil régional ”. D'un autre côté, la charte a abandonné la clause de trois années du mandat. Ainsi, le mandat électoral s'étend à toute la durée de l'élection du conseil. Moralisation de la gestion communale Cet axe est considéré comme la pierre angulaire de l'édifice des réformes apportées par la nouvelle charte. Les nouvelles dispositions vont dans le sens du renforcement des mécanismes de contrôle, pour une plus grande transparence et une meilleure gestion des affaires publiques. Ainsi, il y a une nette distinction entre les fonctions délibératoires et les fonctions exécutives. Il y est dit notamment : “il est formellement interdit aux conseillers communaux, en dehors des présidents et des vice-présidents, d'exercer au-delà de leur rôle délibérant au sein du conseil ou des commissions qui en dépendent, des fonctions administratives de la commune, de signer des actes administratifs, de gérer ou de s'immiscer dans la gestion des services publics communaux. D'autre part, il est interdit à tout conseiller communal dont il est membre, de conclure des actes ou des contrats de location, d'acquisition, d'échange ou toute transaction portant sur des biens de la commune, ou de passer avec elle des marchés de travaux, de fournitures ou de services, ou des contrats de concession, de gérance et toutes autres formes de gestion des services publics communaux, soit à titre personnel, soit comme actionnaire ou mandataire, soit au bénéfice de son conjoint, ses ascendants et ses descendants directs ”. Les dispositions de contrôle ont même été renforcées notamment par le recours aux juridictions financières. Elargissement de l'autonomie communale Cet axe concerne les prérogatives des conseils communaux et des présidents. Ainsi, la charte précise de manière claire ces prérogatives pour éviter tout chevauchement ou interférences. Ainsi, les prérogatives des communes se divisent en trois catégories : 1/ Des compétences propres concernant le développement économique et social de la commune ; les finances, fiscalité et biens communaux, urbanisme et aménagement du territoire, services publics locaux et équipements collectifs, hygiène, salubrité et environnement, équipements et action socio-culturelle, coopération, association et partenariat. 2/ Des compétences transférées, c'est-à-dire que le conseil communal exerce, dans les limites du ressort territorial de la commune, des compétences qui pourront lui être transférées par l'Etat ( ex : réalisation et entretien des ouvrages et des établissements de l'enseignement fondamental, des ouvrages et des équipements de petite ou moyenne hydraulique, des centres d'apprentissage et de formation professionnelle, protection et réhabilitation des monuments historiques, infrastructures et équipements d'intérêt communal). 3/ Des compétences consultatives. Dans ce contexte, le conseil communal peut faire des propositions et des suggestions et émettre des avis sur les questions d'intérêt communal relevant de la compétence de l'Etat ou de toute autre personne morale de droit public. Dans le même ordre, la charte a précisé les compétences du président de la commune qui est considéré désormais comme autorité exécutive de la commune : “Le président du conseil communal est l'autorité exécutive de la commune. Il préside le conseil communal, représente officiellement la commune dans tous les actes de la vie civile, administrative et judiciaire, dirige l'administration communale et veille sur les intérêts de la commune, exerce les pouvoirs de police administrative dans le domaine de l'hygiène ”. Ainsi, de manière générale, les compétences du président ont été sensiblement renforcées et auxquelles la charte a consacré tout un chapitre comprenant 12 articles ( de l'art.45 à l'art.56). Désormais, le nouveau texte allège sensiblement le poids de la tutelle, puisque la liste des dispositions relatives au contrôle préalable des décisions du conseil a été réduite de manière drastique. En revanche, les dispositions du contrôle a posteriori ont été renforcées notamment par le recours aux juridictions financières, par le contrôle de proximité ( wali ou gouverneur) au lieu de la tutelle centralisée ( ministère de l'Intérieur). De même que les délais d'approbation des décisions ont été revus à la baisse et les mécanismes de justification des décisions des autorités sont devenus une règle constante. L'unité de la ville Cet axe est la véritable nouveauté qu'apporte le texte. L'unité de la ville vient mettre fin au processus de dépeçage qu'ont connu les grandes villes du Maroc depuis 1981. Ainsi, Casablanca et 13 autres villes du Maroc ont vu l'instauration du système des communautés urbaines basé sur l'approche sécuritaire. La nouvelle charte prévoit un système alternatif qui sera appliqué à titre d'expérimentation dans six villes dont Casablanca, Rabat, Salé, Fès, Marrakech et Tanger. Ainsi, hormis Rabat (voir encadré), ces villes seront gérées par un seul conseil municipal et seront créés des arrondissements dotés de conseils élus aux prérogatives limitées et précises, dépourvus de la personnalité juridique, mais jouissant d'une autonomie administrative et financière. De la tutelle et du pouvoir de l'autorité La nouvelle charte communale précise explicitement le rôle de la tutelle à laquelle est réservé le titre VI comportant 2 chapitres ( 1 et 2) formés de 10 articles. “Les pouvoirs de tutelle conférés à l'autorité administrative ont pour but de veiller à garantir la protection de l'intérêt général ”. Ainsi donc, les élites locales sont toujours considérées comme mineures. C'est pour cela que les pouvoirs de tutelle de l'autorité territoriale sont importants et concernent tous les volets relatifs au contrôle préalable et au contrôle a posteriori. Rabat demeure sous la coupole du ministère de l'Intérieur Il y a unanimité autour du principe de l'unité de la ville pour l'abrogation des statuts particuliers. En effet, la première mouture du projet de charte communale a abrogé le statut particulier de Rabat et des communes du Méchouar. Mais le nouveau texte retient encore un statut particulier pour la ville de Rabat où les prérogatives de gestion sont toutes concentrées aux mains du Wali et celles du Pacha pour la gestion des affaires des communes du Méchouar, sièges des palais royaux. Ainsi, le président du conseil municipal de Rabat sera un président chômeur et ne sera qu'un simple officier d'état civil pour la légalisation des signatures et la certification de la conformité des copies aux documents originaux. Le seul privilège que gardera le président est de porter un insigne apparent aux couleurs nationales. Persistance de l'analphabétisme La nouvelle charte autorise les analphabètes à se présenter aux élections communales et à représenter les citoyens. Seul le président doit justifier d'un niveau d'instruction équivalent à la fin des études primaires. Ainsi donc, l'article 11 dit : “ le conseil communal élit parmi ses membres sachant lire et écrire un secrétaire chargé de la rédaction et de la conservation des procès-verbaux des séances et un rapporteur du budget, chargé de présenter au conseil les prévisions financières et les comptes administratifs”. Avec de telles fonctions, il aurait été préférable d'exiger de ces deux membres un niveau d'instruction bien plus supérieur à celui du président. Le mandat du conseil communal Le nouveau texte n'a pas retenu la disposition portant sur le mandat du bureau du conseil communal qui était fixé à trois années après lesquelles il y a renouvellement du bureau et du président. La présente charte a donc prévu un mandat de six années ouvrant ainsi la voie aux anciennes pratiques des élus qui peuvent provoquer la destitution du président et la dissolution du bureau. Ces pratiques qui ont causé un tort énorme à la démocratie locale auraient pu être évitées dans un mandat de trois ans qui consacre une certaine stabilité dans la gestion des affaires de la commune.