Dans «Marrakech : secrets affichés» (éditions Marsam, 82 pages), texte à quatre mains et à deux langues ( arabe-français), deux poètes natifs de la ville, Yassin Adnan et Saad Sarhan, s'exercent avec jubilation au poème archéologique : déterrer, interpréter le palimpseste de la ville. Rythmes, sons, poussières, échos, tracés… se révèlent sous leurs gestes poétiques comme autant d'éternités exquises. «Marrakech n'est pas une ville. Elle s'apparente plutôt à une apoplexie qui aurait frappé le cerveau de la géographie. Son unique souci : taper sur les nerfs, par définition tendus, de l'Histoire. Parmi ses ruelles, s'affole la boussole et divague son aiguille...». dit le poète. Plus loin, «Marrakech, lettre initiale dont des langues affûtées firent un alphabet, puis un texte par nul auteur revendiqué». Dans sa préface lumineuse, Juan Goytidolo, la mémoire vive de la ville, écrit «(…) la vie de la ville devient à travers Yassin Adnan et Saad Sarhan, une sorte d'exercice collectif d'écriture, un espace en mouvement peuplé de voix et de bruits, un règne de l'improbable où l'on peut trouver tout autant de vrai que de faux». «Marrakech : secrets affichés» est une invite à franchir les seuils, à pousser les portes vers les intérieurs où se conte l'histoire faite poème, éclat et jouissance. Réédition au Maroc du roman «Badia et Fouad» de l'écrivain libanais Afifa Karam (1883-1924) dans la collection «Riwayat Azzaman» (Editions Azzaman, Rabat). Cette réédition, qui intervient dans le cadre de la commémoration du centenaire de la sortie de ce roman en 1906 aux USA, vient combler un vide et présenter une «œuvre d'avant-garde dans l'écriture romanesque méconnue par le grand public», nous dit à ce propos le critique Said Yaqten. Elle se veut également une contribution à même d'enrichir la discussion sur la naissance du roman arabe que les historiens de la littérature arabe fixent en 1914, date de la parution de l'oeuvre de Hussein Heikel «Zaineb». La republication de «Badia et Fouad» intervient, fort à propos pour souligner la place particulière de la femme arabe dans la création littéraire et particulièrement l'écriture romanesque; mais aussi pour mettre en relief les sujets abordés par Afifa Karam dans son roman «encore d'actualité même s'il a été écrit il y a cent ans», fait encore remarquer Yaqten. Le livre de Afifa Karam, que la romancière a écrit alors qu'elle n'avait que 23 ans, raconte une histoire d'amour entre Badiaâ et Fouad à laquelle s'oppose la mère qui refuse que son fils épouse une servante. A travers les péripéties de cet amour impossible, l'auteur décortique, dans un style narratif particulier, les traditions et les conceptions sociétales qui prévalaient à l'époque tant dans le monde arabe que parmi la communauté arabe vivant aux USA. La romancière a travaillé comme journaliste au sein de la rédaction d'Al Houda» qui paraissait à New York avant de diriger la revue «Al Alem Al Jadid» en 1912. ■