Malade, de plus en plus chahuté par ses bases, particulièrement décrié après le fiasco de la fameuse vision ratée de 2006, le cheikh Yassine est tenté par l'escalade. Au menu, déclarations provocantes et un remake de la guerre des plages de l'été 2000. Les services de sécurité étaient sur les dents à l'aube de ce samedi 26 juillet 2008. Et pour cause, ils avaient l'information selon laquelle, les disciples de cheikh Yassine allaient opérer une descente sur une plage de la côte Casablancaise pour effectuer la prière de l'aube, mais rien n'avait filtré sur la plage ciblée. Le ratissage a finalement dissuadé les adlistes de faire une nouvelle rentrée estivale. Ce qui n'est que partie remise selon des sources proches de la jamaâ qui semble décidée à une remise à jour de la fameuse guerre des plages de l'été 2000. Pour rappel, cette fameuse guerre des plages avait commencé au tout début de cet été chaud de 2000, soit quelques mois à peine après le démarrage du nouveau règne. Le changement de ton des autorités envers Yassine et ses sympathisants avait encouragé les groupes islamistes, notamment Al Adl Wal Ihssane qui a gagné chaque jour, un peu plus de terrain. Résultat, à quelques mois de l'été, Yassine réunissait ses troupes et leur dévoilait un plan, qui en surprit plus d'un. «Au départ, nous avons été interloqués par la proposition du cheikh. Se rendre en groupes sur les plages et dresser des campings, prier sur le sable, organiser des causeries religieuses, le soir. Comment, nous, qui faisons l'apologie de la morale en toutes circonstances et en tout lieu, allons descendre sur les plages, lieux de perdition et de débauche par excellence ? Seule remarque du cheikh, un célèbre hadith ; Al Harbou Khidaâ ; la guerre est question de ruse» rappelle un militant d'Al Adl qui avait assisté à la réunion. Les injonctions du leader islamiste vont être prises à la lettre et du coup, quelques plages situées dans la chasse gardée de Yassine, de Salé à Dar Bouazza en passant par Mehdia vont être le théâtre de scènes pour le moins cocasses : des femmes en tchador, plongeant dans les vagues de l'océan, des barbus alignés sur le sable fin, pratiquant la prière en commun ou encore, des haut parleurs déversant du prosélytisme religieux, faisant la nique aux soirées techno organisées par des sponsors bien connus. Dans ces camps islamistes où le port du voile est de rigueur, la séparation des lieux de baignade entre hommes et femmes fait partie du quotidien. Interloqués par tant d'audace, les autorités, désemparées surveillent les islamistes mais laissent faire. Enhardis par ce succès relatif, les ouilles de Yassine, se sentent pousser des ailes et ils commencent même à investir le boulevard. A Aïn Diab, ils iront même, se poster à proximité des arrêts de bus menant de la ville à la plage, pour répandre la bonne parole. Accrochages Une descente trop visible pour ne pas être assimilée à de la provocation. A l'époque, la réponse de Midaoui ne se fit pas attendre, les affrontements entre les disciples du cheikh et les forces de l'ordre vont marquer ce fameux été. Au départ, des instructions avaient été données aux forces de l'ordre pour contenir le mouvement et éviter que les choses ne prennent des dimensions incontrôlables, bref, juste bloquer l'accès aux islamistes qui voulaient se rendre sur les plages. Mais cela n'a pas suffi à calmer les ardeurs de ces derniers qui avaient l'ordre de forcer les barrages. Finalement, la guerre des plages va faire plus de victimes du côté des barbus que du côté des forces de l'ordre, un islamiste, armé de sa gandoura étant par essence plus fragile à la bastonnade. Conséquence, des blessés à ne pas en finir et des barbus jetés derrière les barreaux. Une bataille perdue par Yassine après l'interdiction sèche et musclée de la part d'Ahmed Midaoui, en charge de «la mère des ministères» à l'époque. Ce qui n'a pas empêché le 3 juillet 2000, Abdessalam Yassine de présider à Kénitra chez l'un de ses disciples fortunés, un rassemblement organisé en solidarité avec les islamistes arrêtés sur les plages. «Soufflant le chaud et le froid, il conseille notamment à ses ouailles de résister sans répondre à la violence par la violence tout en prenant soin de prêcher la bonne parole». Escalade Aujourd'hui, la question qui se pose réellement, c'est pourquoi Yassine semble vouloir à tout prix déterrer la hache de guerre avec le pouvoir ? Des troupes qui se mobilisent pour un remake de la fameuse guerre des campings, mais également la multiplication des déclarations qui relèvent plus de la provocation que de la stratégie politique. Pour les observateurs, il y a tout d'abord un élément bassement biologique, Yassine étant talonné par le temps, le cheikh n'en a plus pour longtemps, des attaques à répétitions, des coups de pompe successifs, de fausse alerte en fausse alerte, la santé du leader islamiste est gravement menacée autant par l'âge que par les séjours répétitifs et fatigants derrière les barreaux. Faire le coup de feu avant le grand départ, c'est le rêve de tout chef religieux aussi têtu que le vieux routier de Salé. La santé de l'octogénaire qui réveille des appétits liés à sa succession n'est pas bonne conseillère. Surtout que le cheikh est de plus en plus chahuté par ses bases, partagées entre une majorité légaliste qui aimerait bien profiter des fruits du pouvoir en louchant sur les avantages accordés au PJD et une minorité de jeunes rompus à la lutte et qui ne demande qu'à en découdre avec le pouvoir. La succession du guide se prépare dans les coulisses entre les représentants du courant modéré et pragmatique du courant Moutawakil. La jeunesse islamiste, est d'ailleurs non seulement fortement représentée dans ce courant mais de plus, de nombreuses cellules, qui ne sont pas directement rattachées à la hiérarchie d'Al Adl Wal Ihsane sont en train de fonctionner pratiquement en électrons libres, notamment dans les régions périphériques.