Abdeslam Yassine s'en va bâtir des châteaux en Espagne. Ce n'est pas une vision. Toujours le bâton du pèlerin à la main, il regagne l'Eden perdu. Pour la deuxième année consécutive. Pour prêcher la bonne parole, disent ses amis. En décodé : la jamaâ de Yassine a lancé un cycle de formation au profit de pas moins de 50 imams des mosquées de Murcie. M'est avis qu'il croit qu'il y a encore des Moros à Murcie ! M'est avis surtout qu'il en veuille encore à Boabdil, le monarque qui a quitté l'Andalousie dans la précipitation. Perplexes au départ, les descendants de la reine Elisabeth commencent à avoir peur. Et ce n'est pas Kamal Rahmouni, président de l'association des travailleurs marocains en Espagne qui les rassurera. Selon notre confrère Le soir du mardi dernier, l'émigré devenu chef des immigrés est catégorique : «ce genre d'initiative fait de plus en plus peur au gouvernement espagnol». Il y a de quoi quand on est au parfum que le Gourou de la jamaâ a des visions pas toujours de bon augure. La question est du ressort de l'Union européenne sans doute. En attendant que Bruxelles se prononce sur le sujet, le Cheikh de la Manche lance déjà ses troupes. Lui, l'ancien grand francophone est, paraît-il de l'avis de Victor Hugo : «Espagne : admirable pays où il y a trois choses de trop : les puces, les punaises et les Espagnols». Hispanophobe, l'Imam des imams ? Plutôt, sauveur. Comme Don quichotte de la Mancha, il sort de ses rêveries pour sauver le monde. Selon votre serviteur. Les critiques, eux, creusent un peu profond : «Naïf, bercé par les illusions qu'il a lues dans des romans de chevalerie, il réinvente le monde et vit reclus dans ses rêves. Accompagné de Sancho Pança, son fidèle écuyer, il lutte contre des troupeaux de moutons qu'il prend pour une armée ennemie, se bat contre des moulins en les prenant pour des géants. Pris pour fou il est raillé par tous, mais il continuera jusqu'au bout sa recherche de la perfection». Yassine, ayant pris l'habitude de bâtir des châteaux ailleurs, au Maroc par exemple, il fait le bon choix. Celui de l'Espagne. Maintenant, il y va pour le faire. Carrément. « L'unique différence entre un fou et moi, c'est que moi je ne suis pas fou», disait le surréaliste Salvador Dali dans son «Journal d'un génie adolescent».Vous voyez, on s'habitue à tout dans le pays de Miguel Cervantès ! A propos de l'auteur de l'œuvre, il aimait répéter:«Tel va chercher de la laine qui revient tondu».