Répondre aux exigences de la consommation nationale interne et se repositionner sur les marchés extérieurs en reconquérant les positions perdues, tels sont les deux nouveaux défis engageant les professionnels de la filière agrumicole liée avec l'Etat par un contrat-programme rendant impérative la mise à niveau nécessaire de l'activité de production fruitière. La mise à niveau a pour objectif de redynamiser le secteur, grâce à un plan d'actions visant le renouvellement et l'extension des plantations dans les régions favorables sur la base des variétés les plus adaptées aux exigences des marchés extérieurs, mais également de l'évolution des besoins de la consommation nationale et de la transformation», explique d'emblée le président de l'ASPAM (Association des producteurs d'agrumes au Maroc), signataire avec le gouvernement, en marge des premières assises de l'agriculture, la semaine dernière à Meknès, du contrat-programme agrumicole fixant les objectifs stratégiques dans la décennie à venir. Ainsi est dévoilé le cap 2020 caressant l'ambition d'atteindre une capacité de production de près de 3 millions de tonnes, le double de l'actuelle et dont 1,3 million de tonnes destinées à l'exportation. Hassan Lyoussi met en garde contre les menaces de non compétitivité qui font rétrograder le pays au classement des exportateurs les plus performants dans le bassin méditerranéen. «Sans une amélioration quantitative et qualitative très conséquente de la production agrumicole nationale, et compte tenu de l'augmentation de la consommation locale, et vu que les marchés importateurs deviennent de plus en plus exigeants, le Maroc risque fort, si rien n'est fait, de disparaître de la liste des pays exportateurs d'agrumes et on pourrait peut-être même commencer, dans quelques années ; à en importer comme c'est le cas actuellement de certaines productions agricoles». En vertu des nouvelles dispositions contractuelles, les professions de la filière agrumicole s'engagent à intensifier leurs plantations d'agrumes, en vue de couvrir une surface de 105 000 hectares dans les deux lustres qui arrivent, sur près de la moitié desquels seront mis en œuvre de nouvelles techniques d'irrigation peu consommatrices en eau, sous la condition de garantir un encadrement et une formation appropriée aux petits et moyens producteurs. L'Etat soutient ces projets à hauteur de 3 milliards de DH sur un effort global d'investissements agrumicoles estimés à 9 milliards de DH. C'est la clé de la relance d'un secteur en voie d'essoufflement qui, après avoir été longtemps aux secondes loges exportatrices derrière l'imbattable Espagne, s'est fait depuis damer le pion par la Turquie et l'Egypte. Tout reste à faire Le cabinet Adrien Stratégie, appelé en renfort, a préconisé des «ruptures stratégiques» pour engager une vision 2020 ciblant la constitution d'une «autorité stratégique dominante», dont aucune profession de la filière ne peut s'en réclamer actuellement, fondée sur une politique de «vergers leaders». C'est en substance ce qu'a déclaré le président du cabinet, le Français Roger Coufin dans sa plaidoirie pour une mise à niveau stratégique du secteur agrumicole au Maroc, en s'attachant à dégager les tendances lourdes d'un marché mondial pesant 100 millions de tonnes au volet de la production, dont 60% destinées à la consommation nationale et 10 millions de tonnes seulement échangées sur les marchés extérieurs. En outre, les exigences des consommateurs sont plus dures à satisfaire en termes de traçabilité et d'informations ; surtout sur le créneau des jus qui s'accapare 30 millions de tonnes de la production totale d'agrumes. «Le Maroc est marqué par une faible tendance sans perspectives d'évolution en l'état actuel des choses. Tout reste encore à faire», expliqua l'orateur dans la première des conférences inaugurales du 3ème Salon International de l'agriculture au Maroc (SIAM) qui a baissé les rideaux lundi dernier dans la capitale ismaélienne. Les professionnels ont été mis en garde pour se discipliner; dans un exercice de lucidité, à ne pas déroger au principe de réalité en accordant la priorité à accorder à ce qui dépend de leur ressort. «Le courage stratégique ne se mesure pas en quantité de travail abattu, mais à votre capacité à agir sur ce qui vous appartient sans vous préoccuper du reste», a insisté Coufin à l'adresse des professionnels agrumicoles. Avant de recommander la voie à suivre pour en faire une filière… «juteuse» apte à regrouper toutes les professions de la production, l'export ; la consommation en frais et la transformation, mises en mesure de gagner les paris des rendements, des techniques culturales et de l'optimisation des ressources en eau. «Le seul modèle de réussite est celui de la conquête des marchés d'exportation à l'aide de la constitution de groupes et de groupements leaders dans leur activité», a-t-il notamment préconisé. Ce challenge est possible en encourageant la R&D agronomique dont l'exemple est indiqué par le succès de la journée Portes ouvertes en janvier dernier au Centre régional de l'INRA de Kénitra faisant le point des recherches intéressant l'amélioration variétale des agrumes et des porte-greffes résistants aux maladies végétales et présentant de très bonnes garanties de production et d'excellentes performances de qualité des produits expérimentés. Le détour en valait la chandelle puisque les professionnels agrumicoles, nombreux à répondre présents à cette rencontre, ont témoigné volontiers de leur propension à coopérer et à faciliter les recherches en mettant leurs fermes à la disposition des chercheurs intéressés par des essais sur le comportement d'agrumes. Enfin, rappelons que c'est durant cette campagne actuelle que l'ASPAM s'apprête à célébrer le cinquantenaire de la création de l'association, fondée en 1958, sous le slogan «50 années au service de l'agrumiculture au Maroc».