Surenchère syndicaliste politicienne ou dialogue de sourds dans les méthodes de communication des uns et des autres, bref le consensus de paix sociale est rompu. Pourtant, l'offre gouvernementale était bonne à prendre. Le pessimisme est, de nouveau de rigueur, après l'embellie des accords historiques du 30 avril 2003 sous l'ancien gouvernement Jettou, dont les impacts sur l'amélioration des conditions de vie et de travail des salariés ont permis d'instaurer une paix durable à travers l'option partagée par les partenaires tripartites (Gouvernement, patronat et syndicats) d'un dialogue social gagnant-gagnant. A l'issue des négociations du 4ème round, ce mardi 29 avril, et après les déclarations des dirigeants des centrales des travailleurs participant au processus qui ont rejeté en bloc l'offre de l'équipe d'Abbas El Fassi, le climat à la veille des festivités du 1er mai était «survolté» et les appels aux mouvements de protestation se multiplient tous azimuts. Pire encore, l'option de la grève générale, un remake redouté des tristes débordements et de la violente répression qui s'en est suivie, des débrayages de 1981 à Casablanca et de 1990 à Fès, loin d'être atténuée, semble faire de plus en plus d'émules. Et les autres voix du dialogue extra-gouvernemental, ont été, semble-t-il épuisées en vain, si l'on retient le mot d'ordre de grève générale de la FDT pour les fonctionnaires des secteurs publics et des collectivités locales toujours en vigueur, les grèves sectorielles qui n'en finissent plus, dans les administrations et certaines entreprises. Tout comme le fracassant retrait des 9 députés de la CDT du Parlement n'est guère fait pour apaiser les esprits et arranger les choses. Cette «impasse» signifierait-elle que le Maroc est entré dans une nouvelle zone de turbulences à effets durables dont les conséquences sociales peuvent faire craindre le pire ? Surtout que la grogne des syndicats en rupture de dialogue pour servir leurs populations actives, est aggravée par une conjoncture économique des plus défavorables, qui a vu s'emballer la spirale inflationniste des prix à la consommation, grever lourdement la caisse de compensation par un surenchérissement record des cours énergétiques sur les marchés mondiaux et faire craindre une année agricole assez timide devant tourner autour de 50 millions de quintaux de céréales, soit la moitié des besoins nationaux de consommation. Cette rupture de dialogue social devra-t-elle être mise sur les maladresses prétendues de l'équipe aux commandes, des carences de communication du leader istiqlalien ou de la volonté des pouvoirs publics de ne pas s'appliquer à faire mieux dans l'offre envers les partenaires sociaux ? En tout cas, le gouvernement n'a rien perdu de sa superbe optimiste en se refusant à constater un «échec» du dialogue social pour lui substituer, au contraire une institutionnalisation des rencontres, au moins deux fois par an en avril et septembre. En outre, le Premier ministre Abbas El Fassi se proclame d'une politique sociale volontariste qui s'est traduite par une «offre exceptionnelle» aux syndicats jamais enregistrée dans les annales comportant des innovations majeures qui sont loin d'être négligeables. 16 milliards de DH dans des délais raccourcis Mieux encore, aux yeux des ministres embarqués dans les négociations directes, le seul point d'achoppement ayant divisé les deux parties, ne concernerait qu'un seul point du cahier revendicatif global, focalisé sur la question des promotions internes que les partenaires sociaux sont impatients de voir résolue de suite au moment où le gouvernement a suggéré leur examen lors de la rencontre de septembre prochain. En réalité, il s'agit d'un simple désaccord de calendrier qui ne saurait justifier, le cas échéant, à lui seul, le rejet en bloc de l'offre gouvernementale et de brandir la menace de grève générale. Ce qui paraît, pour le moins, du côté des centrales syndicales, ne répondre à aucun bon sens ou logique pour bloquer tout un processus au seul motif d'un différé de calendrier de 5 mois à peine. Mais le plus grave, c'est la substance de l'offre d'El Fassi qui semble consistante pour être étrangement rejetée par des «refuzniks» apparemment en mal de légitimité auprès de leurs bases militantes. Sinon, expliquer que les partenaires sociaux se sont ligués, pour la première fois de manière anachronique, pour refuser une enveloppe conséquente de 16 milliards de DH applicable en deux années au lieu des 4 ans initialement proposés ? Soit 6 milliards de DH en augmentations salariales directes et près de 10 milliards de DH en impacts sur les pouvoirs d'achat en raison de la baisse de l'impôt de revenu et la revalorisation des allocations familiales. Mieux encore, le gouvernement est disposé à accroitre de 10% le SMIG en une année seulement, si l'on tient compte de l'engagement des pouvoirs publics à accorder les deux augmentations de 5% chacune respectivement en juillet 2008 et juillet 2009 en lieu et place des 2,5% annuels initialement proposés étalés jusqu'en 2011. Si l'Exécutif se défend d'une offre qui a nécessité des efforts exceptionnels, comprenant des propositions inédites comme pour la revalorisation du SMAG agricole (une première de taille qui permet d'espérer des augmentations brut de 700 DH par ouvrier) et des allocations familiales (200 au lieu de 150 DH par enfant) «gelées» depuis 12 ans, en revanche les partenaires sociaux considèrent, en bloc, que la copie n'a guère évolué, sauf quelques détails touchant plus au calendrier qu'à la consistance des améliorations matérielles pour les fonctionnaires et les salariés. «Les centrales aiguisent leurs armes et se préparent à des mouvements de protestation», peut-on craindre avec des syndicats s'accordant sur un «échec» ou plutôt «l'impasse» du dialogue social au moment où le gouvernement se range à l'avis d'un dialogue social continu et, enfin, institutionnalisé par deux rencontres annuelles en avril et en septembre. Dialogue social Les détails de l'offre La première expérience de dialogue social du nouveau gouvernement issu des urnes du 7 septembre 2007, semble riche en améliorations diverses dont les détails ci-dessous : Secteur public : •Fonction publique pour les échelles de rémunération 1 à 9 : 1- Accélération du rythme d'application de l'augmentation des revenus effective entre juillet 2008 et juillet 2009. 2- Accélération du rythme d'application de l'augmentation du revenu pour les fonctionnaires pour les échelles 10 et plus à partir de janvier 2009 à janvier 2010. Ces augmentations étaient initialement étalées jusqu'à 2011. 3- Généralisation de ces augmentations pour l'ensemble de la fonction publique et ceux des établissements publics et des collectivités locales, dans le cadre d'une approche globale au lieu d'une démarche catégorielle. Le gouvernement consacre pour ce faire, une enveloppe d' 1 milliard de DH aux Collectivités locales. Secteur privé : 1- Accélération du rythme d'application de l'augmentation du revenu en accordant 5% en juillet 2008 et 5% en juillet 2009 pour le SMIG au lieu de tranches de 2,5% annuelles étalées sur quatre années, c'est-à-dire à l'horizon 2011. 2- Augmentation du SMAG et hausse des allocations familiales pour les ouvriers agricoles. Par exemple un ouvrier agricole avec trois enfants percevant 1300 DH touchera 2030 DH. 3- Et pour la première fois le gouvernement décide l'institution d'une indemnité pour les fonctionnaires travaillant dans des zones éloignées exemple : l'enseignement, la justice, la santé…