La sixième édition du 21 au 23 mars du Congrès national des journalistes marocains, tenu sous le mot d'ordre de professionnalisme, de solidarité et de responsabilité, a été marqué par deux revendications unanimes majeures exprimées au nom du SNPM (Syndicat nationale de la presse marocaine) d'un nouveau Code de la presse mettant fin à la restriction des libertés professionnelles d'une part, et l'amélioration des conditions sociales des professionnels, d'autre part. Une première de taille à signaler : ce 6ème congrès du SNPM a connu la présence très remarquée du Premier ministre Abbas El Fassi qui s'affirme de plus en plus comme un militant de première ligne pour la liberté d'expression, sachant que le leader istiqlalien, en dépit du fait qu'il soit souvent la cible privilégiée des « flèches » médiatiques, est un authentique démocrate qui s'est distingué par sa courageuse décision de reprendre en bloc la mouture du projet de code de la presse concocté par le gouvernement Jettou pour en élargir davantage les espaces de libertés dans l'exercice de la profession de journaliste. El Fassi a essuyé d'un revers de la main toutes les prétentions de ses détracteurs en assurant publiquement que, dans tous les cas de figure, il «préfère de loin une presse libre avec ses dérapages plutôt qu'une presse muselée et craignant les peines d'emprisonnement». Dans le même sillage, le ministre de la Communication a tenu à rassurer ses interlocuteurs du SNPM, que le projet de code en cours de finalisation, qui a fait l'objet de larges concertations avec les partenaires professionnels, entreprises de presse et journalistes, connaîtra in fine, une mouture la plus proche possible, de ce qui se fait de mieux dans les démocraties avancées du globe. «Nous travaillons d'arrache-pied pour consolider davantage les espaces de liberté et de modernisation dans le monde des médias nationaux, en partenariat étroit avec les professionnels en matière de réforme législative et d'amélioration des conditions sociales des travailleurs de l'information. Le gouvernement demeure ouvert au débat responsable et constructif en vue de l'adoption consensuelle d'un Code de la presse moderne et démocratique», a souligné Khalid Naciri. Les trois priorités de la réforme du secteur Trois priorités incontournables animent le vaste chantier de la réforme en cours du secteur de la presse marocaine dont celui de la réévaluation et de réadaptation du contrat-programme avec l'Etat, visant la mise à niveau des entreprises de presse dans le Royaume. Entamé ces jours-ci, ce chantier devrait être bouclé dans un délai de trois mois au plus tard. La seconde priorité tient en l'institutionnalisation d'une Caisse sociale au bénéfice des journalistes, dont les prestations et services devront être clairement définies en partenariat avec les pouvoirs publics et la profession. En clair, il ne saurait y avoir de «liberté de la presse quand les journalistes vivent des conditions de corruption, de pauvreté ou de peur», pour reprendre un credo des organisations internationales les plus représentatives. Enfin, le troisième chantier, déjà évoqué plus haut, le code de la presse, qui a fait l'objet de débats tout au long des trois dernières années, devra voir son aboutissement, en incluant toutes les clauses les plus progressistes en la matière, pour pondre un référentiel conforme aux standards démocratiques internationaux les plus avancés. En outre, le ministre a plaidé pour l'accélération de la mise en œuvre de juridictions spécialisées sous la forme de Chambres de la Presse comme c'est le cas ailleurs, où les magistrats prononceront leur verdict en connaissance de cause sur la base prioritaire du nouveau code. Enfin, Khalid Naciri a préconisé la mise en place d'un Conseil national de la presse (CNP), en tant qu'instance totalement indépendante et habilitée à privilégier la moralisation et la responsabilisation dans l'exercice du métier de journaliste à l'aide d'une charte déontologique. Pour sa part, le président de la FMEJ (Fédération marocaine des éditeurs de journaux) s'est attaché à souligner les liens dialectiques entre la «santé des entreprises de presse et celle de l'exercice de la profession», en assurant que «la majorité des entreprises de presse sont entrées dans des mécanismes volontaristes de mise à niveau», tout en appelant à «élargir la base sociale de ceux qui profitent des subventions du contrat-programme». Non sans ajouter que «nous sommes engagés tous les jours avec le Syndicat de la presse dans des chantiers extraordinaires». Le responsable de ce dernier a réaffirmé la capacité de son organisation à se renouveler constamment, face aux défis à relever en matière de démocratie et de liberté. Non sans épingler au passage un projet de code de la presse «non-conforme aux standards avancés». Younès Moujahid a revendiqué l'assainissement du climat général, marqué par une série de poursuites judiciaires à l'encontre de journaux et d'emprisonnements de journalistes en appelant à «mettre un terme aux restrictions des libertés dans l'exercice de la profession». Parmi les invités de marque au congrès, le représentant de la FIJ (Fédération internationale des journalistes), regroupant plus de 150 syndicats nationaux et 600 000 journalistes dans le monde, dont le vice-président est Younès Moujahid, a appelé à une plus grande mobilisation de toutes les plumes du globe pour faire cesser la «crise de l'impunité», qui fait que certains gouvernements s'entêtent à harceler et emprisonner des journalistes, «et pas seulement dans les zones de conflits». Il a déploré le bilan macabre 2007, étalant 171 journalistes tués ou assassinés et un millier de morts en l'espace de la dernière décennie. En occultant la FMM Le «triangle» des Bermudes ? L'objectivité commande aussi de critiquer les travers du milieu, dont le premier, de taille, se traduit par ces séances à huis clos des travaux du congrès «excluant» de facto les journalistes assurant seulement la couverture des cérémonies d'ouverture et de clôture. Ce qui n'a pas de sens, puisque le huis clos, justement, s'explique par l'accès interdit aux médias tandis, que dans le cas d'espèce, il s'est auto-appliqué !!! Mais passons ! Le second travers, énorme celui-là, est la tendance nettement affichée par le SNPM et la FMEJ, à s'échanger les formules partenariales d'usage en en revendiquant l'exclusivité avec le gouvernement. Et plus grave encore, ce dernier semble avoir mordu à l'hameçon, pour s'en tenir «strictement» à la formule d'un partenariat «triangulaire», liant le ministère de la Communication, la FMEJ et le SNPM. Curieux que la «démocratie» du congrès ait occulté sciemment un partenaire de poids, la FMM (Fédération marocaine des médias) régulièrement constituée en application de la loi démocratique sur la liberté d'association et membre de la CGEM en y représentant sa 28ème fédération sectorielle. Plus grave encore, tous les messages officiels des partenaires au congrès ont été lus devant l'assistance, sauf celui de la… FMM. En effet, curieusement, la lettre de soutien aux congressistes, du président Kamal Lahlou, dont lecture devait être donnée par son Secrétaire général Mohamed Hafid, a fait l'objet d'une censure …anti-démocratique. Etrange, tout de même, que les militants autoproclamés de la pluralité et de la diversité, se soient brusquement coalisés pour s'en tenir à un partenariat «triangulaire» qui ressemble fort au «triangle des Bermudes», pour y noyer les …indésirables arbitrairement jugés. C'est un échec cinglant de la démocratie dans le secteur et, comme disait Voltaire, «chacun doit cultiver son jardin» avant de s'aventurer à vouloir donner des leçons de liberté et de démocratie aux autres !