Au lendemain même de son accession au trône, le Roi Mohammed VI a pris deux décisions phares que la mémoire collective des Marocains semble avoir vite oubliées. La première consistait à augmenter substantiellement les salaires des FAR dont il fut l'inspecteur général. La seconde avait une portée universelle : Le Souverain a purement et simplement annulé la dette africaine à l'égard du Maroc. Le «projet africain» de Mohammed VI pouvait ainsi démarrer dans les meilleures conditions. Mohammed VI devait continuer sur cette lancée en plaidant l'annulation de la dette des Pays les moins avancés (PMA) d'Afrique auprès du Président Chirac. Et ce fut fait. Ces décisions auguraient d'un choix stratégique. Le Roi pouvait ainsi initier une véritable politique partenariale en direction de l'Afrique. Sorti de la défunte OUA, le Maroc a pris sa revanche en revenant au cœur de l'Afrique grâce à une démarche partenariale bilatérale hardie. Les fleurons de l'économie marocaine se précipitent aujourd'hui sur la scène africaine, raflant ainsi des marchés, des joint-ventures, des participations dans le capital, des licences de télécommunications et même des gestions déléguées. Des parts de marchés historiquement acquises à la France ont été courageusement conquises par le jeune capitalisme marocain. Longtemps, les Marocains ont méprisé cette Afrique dont les Européens pompaient les ressources du sol et du sous-sol avec voracité. La «Françafrique» se goinfrait à loisir, appliquant les tarifs les plus arbitraires, arrosant les responsables politiques et allant même jusqu'à inspirer des guerres civiles et des coups d'Etat à son seul avantage. Aujourd'hui, dans des domaines aussi novateurs que les télécommunications, le transport aérien, la bancassurance, l'agriculture, le BTP…etc., le Maroc fait une pénétration audacieuse de l'Afrique, aussi bien du Nord que Subsaharienne. En Mauritanie, en Tunisie, en Libye, en Egypte, au Gabon, en Côte d'Ivoire, au Sénégal, au Burkina Faso, en République démocratique du Congo, dans l'ensemble des Guinée (équatoriale, Conakry, Bissau), les grandes entreprises marocaines raflent des marchés traditionnellement acquis aux Européens. Attijari Wafabank a pu aligner 115 guichets sur l'ensemble du territoire tunisien et le nombre de ses comptoirs ne cesse d'augmenter au Sénégal. Ce sera bientôt au tour de l'Algérie d'accueillir la BMCE. Le groupe Chaâbi est allé construire des cités entières en Egypte et en Libye. Royal Air Maroc sous-traite en Afrique des prestations techniques et technologiques pointues pour le compte des compagnies les plus prestigieuses, sans compter sa présence dans le capital d'Air Sénégal, malgré des incidents passagers. Maroc Télécom, qui est devenue le tiroir-caisse de Vivendi Universal, recueille, directement ou indirectement, les licences GSM à la pelle sur le continent noir. Au Burkina fasso, les avions marocains bombardent les nuages pour provoquer des pluies dans ce pays enclavé. frilosité politique Les exemples de cette coopération «maroco-africaine» se comptent par centaines. Sans compter les secteurs de coopération non lucrative comme l'accueil des étudiants, la formation des cadres de l'administration territoriale ou l'assistance militaire ou sécuritaire. En vérité, l'avenir du Royaume, s'il dépend momentanément du remorquage à l'Europe, notamment par le biais du futur «statut avancé» et de l'accord de libre-échange, dépend stratégiquement de l'Afrique. Mais cela n'est actuellement, malheureusement, intelligible ni par les élites politiques, ni par la société civile, ni même par nombre de nos décideurs. L'Afrique, notamment subsaharienne, continue à être perçue avec dédain, sinon un certain mépris. Nombre de nos élites continuent à lorgner vers l'Europe au lieu de perpétuer la tradition de nos ancêtres fassis qui prirent leurs bâtons de pèlerins pour aller porter les produits manufacturés et la voix du Maroc le plus loin possible à l'intérieur de l'Afrique de l'Ouest. Les Benchekroun, Benjelloun, Skalli…etc. ont même pris femme et racine dans des contrées africaines insoupçonnables. Notre frilosité politique et culturelle face à l'Afrique participe de cette paresse qui nous a fait renfermer sur nous-mêmes durant deux siècles avant que la France ne décide de nous vassaliser en 1912 sous le couvert du Protectorat. Voilà pourquoi la politique africaine de Mohammed VI constitue aujourd'hui un atout majeur dans le combat pour la modernité et le développement. La Fondation Alaouite pour le Développement Humain Durable s'inscrit dans ce vecteur porteur. Aussitôt créée, cette institution se mit au travail. L'ensemble des pays africains pourra bénéficier des prestations de la Fondation. L'élément humain constitue l'axe central de cette action qui portera notamment sur les domaines de la santé, du développement social, de l'éducation, de l'environnement, de l'agriculture, de l'exploitation des ressources naturelles ainsi que de l'apport de l'expertise marocaine, a indiqué M. Terrab, le président délégué de la FADHD. D'ores et déjà, une clinique vient d'être inaugurée au Sénégal par le Souverain, dûment accompagné par l'épouse et le fils du Président Wade. La clinique d'ophtalmologie, premier projet de la Fondation Alaouite et dont les travaux seront achevés dans un délai d'une année, sera dotée de blocs opératoires, de salles de réanimation et d'équipements modernes pour la réalisation notamment des opérations de la cataracte et dispenser des soins gratuits aux populations du Sénégal et d'autres pays d'Afrique. En fait, cette pénétration caritative de l'Afrique noire vient tout naturellement soutenir une coopération Sud-Sud que le Royaume a choisi en approche stratégique s'inscrivant dans le sillage de son propre développement. Le message de Mohammed VI est évident : notre futur se trouve au sud ! Abdessamad Mouhieddine