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Mohamed Ben Brahim : «Aujourd'hui, il n'y a plus d'activités et beaucoup d'artistes de valeur meurent en silence
en se tournant les pouces»
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Il compte parmi les humoristes marocains les plus en vue, avec cette particularité qui le distingue et qui fait sa force d'ailleurs: C'est qu'il parle un langage populaire simple et courant, appuyé sur des expressions employées par les couches populaires. Des termes qui, à force d'être ignorés par les humoristes de la nouvelle vague, tendent malheureusement à disparaître du lexique de notre société. Mohamed Ben Brahim, un comédien populaire de la vieille garde, au talent confirmé, mais dont les apparitions, à de petites exceptions (ramadanesques) près, se font de plus en plus rares pour des considérations indépendantes de sa volonté. Et pourtant, ce grand enfant à l'accent du terroir ( ce qui a fait son succès ) demeure toujours présent dans l'esprit du public, aussi bien sur le volet artistique que sur des thèmes n'ayant rien à voir avec le domaine. Nous lui avons posé un certain nombre de questions. Avec sa gentillesse innée et son sourire enfantin, il s'est livré spontanément au jeu de l'entretien que voici La Gazette du Maroc : Quelle opinion avez-vous de certains artistes qui refusent absolument toute critique, quand celle-ci n'est pas à leur avantage ? Ben Brahim : Ils n'ont qu'à aller vivre ailleurs ! Sur un nuage, par exemple. Mais gare ! La chute pourrait leur être fatale. Si vous n'étiez pas acteur, quelles autres disciplines artistiques auriez-vous choisies ? J'aurais choisi d'être chanteur (je sous-entends par là, la chanson populaire) ou parolier. Remarquez que ces deux disciplines sont tout à fait liées et proches du monde théâtrale. Mais mon choix est déjà fait et je ne regrette absolument rien aujourd'hui. A propos de choix toujours, entre la première et la deuxième chaîne, avez-vous une quelconque préférence? Aucune ! Je regarde ce qui est à mon goût dans la première, tout comme ce que je trouve bien dans la deuxième. En un mot, je cherche ce qui m'intéresse là où il se trouve. On n'entend plus parler de vous depuis un certain temps. Un repos du guerrier ? Des empêchements ? Si oui, de quel ordre ? Non, il est simplement question d'un vide général sur la scène artistique marocaine. Je suis toujours présent, disposé à entrer en contact avec le public, mon public, mais les occasions ne s'offrent plus comme auparavant. Il n'y a plus d'activité, plus de travail. Maintenant, on se tourne les pouces, on prie et on attend Godot ! Mais, ne croyez-vous pas qu'à force d'attendre trop longtemps, on risque d'être oublié de son propre public ? A mon avis, non. Le public comprend parfaitement la situation dans laquelle se débat l'artiste marocain. Il ne lui tient pas rigueur pour cela, sachant qu'il n'est pour rien dans la situation où il se trouve impliqué. Et ce, malgré son dévouement, ses grandes potentialités et ses ambitions toujours vivaces et légitimes. On dit de vous que vous êtes timide, renfermé et que vous n'osez même pas réclamer vos droits légitimes. Est-ce vrai ? Absolument. Et c'est ce qui m'a perdu en quelque sorte. Je ne réclame rien. Je laisse le soin aux autres de comprendre. Mais je constate que c'est trop leur demander. Ils font semblant de ne pas comprendre. Et vous ? Qu'avez-vous à demander aux responsables ? Qu'ils s'occupent un peu de ces artistes qui s'éteignent en silence. Nous sommes, en réalité, tous coupables devant leur situation désespérée. Quel est le plus grand souhait de Ben Brahim ? Vivre sereinement, sans avoir à souffrir tout le temps de ces satanés problèmes d'argent. Mais il n'y a pas que l'argent dans la vie ! Vous ne trouvez pas ? Dans une certaine mesure, vous avez raison. Néanmoins, il est très difficile, insupportable, pour ne pas dire impossible de vivre sans argent. Avec ou sans argent, voulez-vous que vos enfants suivent la même voie que vous et deviennent eux aussi des artistes ? Pourquoi pas ? Si la situation dans laquelle on se trouve leur fait plaisir ! Un petit mot sur la dignité ? La dignité d'une personne, c'est son bien le plus précieux sur cette terre. Un bien qui ne peut s'épuiser avec le temps.Ceux qui l'ont, sont au fond des gens comblés et heureux. Cette dignité, pensez-vous qu'elle existe encore de nos jours ? Elle est devenue très rare. Le côté matériel, la folle recherche du profit ont fini par étouffer sa voix. Mais les gens dignes existent toujours, heureusement, même s'ils ne parlent pas à haute voix... A propos de voix, s'il vous arrive d'entendre des mots grossiers dans la rue, quelle attitude adopteriez-vous ? Je presse le pas pour ne pas en entendre davantage. D'ailleurs, devant une telle situation, je me trouve extrêmement gêné, que je sois seul ou accompagné. Eh oui, on ne peut pas demander à tout le monde d'être poli dans la rue, bien éduqué. Aujourd'hui, la rue ressemble à une petite jungle ! Quelle attitude adoptez-vous avec ceux qui, se croyant plus malins que vous, essaient de vous tromper ? Pour ne pas les vexer, je les laisse faire! Au moins, pour leur donner ce faux sentiment de supériorité dont ils raffolent! Il faut donner satisfaction à chacun, n'est-ce pas ? Ce qui signifie, au fond, que vous n'êtes pas du genre nerveux, qui se laisse emporter facilement ? Je ne le suis pas du tout. De ce côté-là, je suis très calme et même méditatif ! Je le suis aussi bien dans le domaine artistique que dans la vie de tous les jours. Un homme raisonnable doit toujours garder son sang-froid face à n'importe quelle situation. Même quand on vous pousse à bout?? Même dans ce cas-là, je reste de glace. Et pourquoi s'énerver ? Cela rend malade, ce qui ne résout pas le problème. Il faut savoir supporter les gens mauvais tels qu'ils sont. Pour terminer sur une note d'argent??: si vous deveniez subitement riche, quelle serait la première bonne action que vous feriez ? Se porter sans tarder et sans aucune hésitation au secours de tous les artistes qui souffrent comme moi et qui, par dignité, n'osent rien demander à personne.