L'intérêt pour la rencontre manifestée par les partis politiques et la société civile, venue nombreuse malgré le jour férié du nouvel an de l'Hégire, fut accru par la coïncidence avec la célébration du 64ème anniversaire du Manifeste de l'Indépendance et la commémoration du 16ème anniversaire de la disparition du leader socialiste, Abderrahim Bouabid, signataire de ce même manifeste et pionnier de l'option démocratique en fondant l'USFP en 1975. Mais c'est aussi une date qui amorçait le processus de division de la gauche marocaine, qui s'est accentué au fil des années pour éclater aujourd'hui au grand jour. Une gauche tiraillée entre ses ailes modérées, sociales-démocrates et radicales, dont les scissions à répétition ont considérablement affaibli les formations classiques, elles-mêmes encore agitées par de violents courants d'implosion à la suite du verdict des urnes législatives du vendredi 7 septembre 2007. Une gauche qui n'a pu faire mieux que de totaliser, tous courants confondus, 1 000 000 de voix et l'USFP durement sanctionnée pour chuter du 1er rang au scrutin de 2002 en 5ème position en septembre dernier, avec une participation très controversée au nouveau gouvernement, en présentant certains ministres sous les couleurs de la rose «parachutés» dans le parti d'Abderrahim Bouabid. Un gouvernement où seulement 5 ministres sur 34 ont été élus, composé par 4 partis représentant 8% de l'électorat, et un parlement porté par 23% du corps électoral en âge de voter. Ce sont là des scores très faibles, qui remettent en cause la capacité des forces progressistes et démocratiques nationales à influer sur un processus démocratique sur lequel pèsent désormais des incertitudes. Et qui ont mobilisé à la rencontre du 10 janvier, des dirigeants de l'USFP, du PSU, du FFD, Attaliaâ, CNI et du PS dans un sursaut d'orgueil pour initier une nouvelle dynamique de réconciliation entre les divers courants de la gauche marocaine, appelée à une union de toutes ses forces. C'est en clair ce que le président de la Fondation Abderrahim Bouabid a souligné, lorsqu'il expliqua que «cette situation inédite interpelle la classe politique sur l'orientation prise par une évolution politique, dont la crédibilité est sérieusement ébranlée et sur le devenir de laquelle pèsent de lourdes incertitudes». Larbi Jaïdi persiste et signe en ajoutant que l'état des lieux est la résultante d'une «crise de confiance dans le processus politique qu'a connu le Maroc depuis la révision de la Constitution de 1996». En déplorant le recul observé dans le renforcement des attributions des pouvoirs exécutif et législatif, qui ont conduit le professeur économiste à diagnostiquer un «rapport du citoyen au pouvoir politique tel qu'il existait 1996». Des gouvernants opposants ? Les conséquences sont ravageuses avec 10.000.000 de Marocains qui ont boudé urnes ou voté blanc, l'affaiblissement des partis politiques et l'omniprésence (omnipotence, dira Najib Akesbi du PSU) de la monarchie. Curieux, tout de même, que des ténors d'un parti au gouvernement depuis l'alternance consensuelle de 1998 versent subitement dans l'opposition idéologique, alors qu'il continue de participer aux commandes avec 5 portefeuilles ministériels. Tout autant qu'il est encore plus étonnant d'entendre l'ex-argentier du Royaume, par exemple, tenir un langage comme au bon vieux temps où il était dans l'opposition et qu'il a complètement renversé pendant les deux législatures où il pilotait le département de l'Economie, des Finances et de la Privatisation, entre autres. Oui, Fathallah Oualalou était bien présent, ce jour-là, dans une réaction d'autocritique, en soulignant qu'il «ne faut pas uniquement imputer la responsabilité à l'Etat, amis à nous-mêmes aussi». Avant de mettre contre les dérives qualifiées de «très dangereuses» inspirées du constat contradictoire entre «une dynamique soutenue de réformes dans le pays et un affaiblissement des partis de la gauche qui, pourtant, ont joué un rôle majeur dans le changement important qu'a connu le pays». Ce qui a amené Fathallah Oualalou à plaider la cause d'un appel à l'union de la gauche pour «sauver le politique afin de sauvegarder la dynamique de réformes et de développement». Plus de modestie au niveau des individus, a-t-il dit, mais j'avoue, à ce propos, ne pas avoir bien saisi ce que l'USFPéiste voulait bien dire ! Et révision des valeurs socialistes?? Là, encore la clarté semble faire encore défaut ! Quant à Mohamed Grine du PPS, il n'hésita pas à plaider la cause d'une révision déchirante des stratégies et des programmes de la Koutla et d'en appeler à un «nouveau contrat politique» entre toutes les formations de la gauche unifiée, pour espérer jouer le rôle avant-gardiste qui échoit historiquement aux progressistes et aux démocrates. Mais, force est de constater que ces «opposants» font aussi, depuis une décennie du gouvernement, ce qui pousse au constat inédit de «gouvernants-opposants», ce qui fait que cela semble ne pas être très sérieux. Le double langage n'est pas que dans le «makhzen», selon les orateurs, mais il est aussi dans les composantes de la gauche qui ont cautionné l'alternance, en sacrifiant leurs idéaux et en torpillant leur démocratie interne. Rien ne va plus, apparemment pour chercher à se disculper d'une débandade partisane, en jetant la balle dans le camp de «l'omnipotence» du pouvoir monarchie, une omniprésence qui serait à l'origine, d'après Najib Akesbi, d'une gauche affaiblie et «cassée» au lendemain de l'alternance consensuelle. Les vrais questions auxquelles il faudra répondre clairement sont les suivantes???: Quelle est la part de responsabilité de la gauche marocaine dans la déroute électorale???? Quel est le devenir des partis de la gauche dans le nouveau contexte du libéralisme mondial triomphant, qui a vu disparaître les clivages idéologiques ? Car il serait, à la fois faux, injuste et trop facile de cacher les faiblesses de partis opportunistes ou ambitieux se réclamant de la gauche derrière une Monarchie qui gouvernerait, désormais, seule ! À bon entendeur, salut !