On a beau dire que le Maroc avance à deux vitesses et que toutes les stratégies « volontaristes » et de proximité sont multipliées par les décideurs et acteurs économiques, la désindustrialisation demeure le grand mal qui mine le développement régional équilibré du pays. Et le nouvel argentier du Royaume aura beau ne pas se départir de son optimisme en évoquant, de manière récurrente, que le PIB non agricole connaît un boom remarquable, ces dernières années et que les secteurs secondaire et tertiaire enregistrent un taux de croissance de 6%, en rupture avec les données de 2004 figeant ce même taux en deçà de la barre des 4%, toujours est-il que l'économie nationale est plus fragile que jamais, otage des aléas climatiques et des fluctuations des marchés internationaux, notamment pour les hydrocarbures. Sans oublier que Salaheddine Mezouar est le premier à reconnaître que très peu de régions au Maroc s'accaparent la totalité des investissements générateurs de richesses et d'emplois tandis que le taux de chômage est supérieur à la moyenne avancée de 10% dans au moins plus d'une dizaine de régions du pays. Autrement dit, le marketing industriel territorial s'affiche constamment aux abonnés absents en dépit de l'institution d'entités élues de proximité dont la valeur ajoutée au chapitre du développement socioéconomique territorial tarde encore à faire l'unanimité. Quant aux CRI (Centres régionaux d'investissement), si des efforts sont enregistrés dans les régions «industrialisées» du Royaume, force est de constater que leur bilan est bien faible dans le reste du territoire. En outre, les opportunités d'affaires initiées par ces CRI demeurent à impact limité avec des formes juridiques de sociétés créées boudant les structures commerciales compétitives. Nombreux sont ceux qui s'accordent à diagnostiquer une industrie marocaine affectée par plusieurs traits de faiblesse. Le taux de croissance industrielle qui, en moyenne, tourne autour de 3.5%, a été en dessous du taux de croissance du PIB pendant les 10 dernières années (4,1% en 2005). Cette faiblesse du secteur industriel se traduit par un apport moyen annuel de 16% du PIB durant les 10 dernières années soit 123 Milliards de dirhams en 2003. Sur la même période, il n'intervient que pour 13% dans la création d'emplois. Et le Plan Emergence n'a pas encore montré ses fruits malgré des IDE qualifiés de records ces deux dernières années. En outre, la faiblesse structurelle de l'industrie marocaine, outre son déséquilibre régional et son inégal développement selon les branches d'activité, se traduit par des secteurs traditionnels où les PME/PMI (estimées entre 4000 et 7000 unités et employant moins de 200 personnes l'une) constituent l'écrasante majorité du tissu productif dont la productivité et la valeur ajoutée sont souvent remises en cause. C'est pour ces raisons, que le secteur secondaire national persiste à présenter des caractéristiques structurelles inhérentes à une économie en développement. Néanmoins, leur contribution reste largement en-dessous des potentialités que cette catégorie d'entreprises peut faire valoir puisque l'ensemble des unités de production, ne procurent que 10% de la valeur ajoutée industrielle globale et ne distribuent que 16% de la masse salariale, alors que les grandes entreprises qui ne présentent que 8%, créent 90% de valeur ajoutée et distribuent 84% de la masse salariale. La désindustrialisation est manifeste à la lecture des données dans la répartition des entreprises selon les régions économiques du Royaume qui font ressortir un «engorgement industriel» dans le seul Grand-Casablanca (2812 entreprises) alors que le second immédiat n'en compte que 776 unités de production (Tanger-Tétouan). Et cet écart énorme s'aggrave en énumérant les autres régions dont certains sont vraiment sous-industrialisées et livrées à leur sort. A l'instar de Meknès-Tafilalet ( 234 entreprises), Tadla-Azilal (195) et autres. Sans compter que les provinces du Sud du Royaume sont vraiment sous-équipées sur ce plan avec la région de Laâyoune-Boujdour-Sakia Al Hamra comptant à peine 176 unités et Oued Eddahab-Lagouira avec 26 entreprises seulement. L'équilibre régional est aussi sanctionné par des investissements de MRE qui s'orientent massivement, à hauteur de 65%, dans le secteur immobilier contre 2,4% seulement destinés aux projets industriels. Pour sortir de l'impasse de la désindustrialisation, trois points de passage sont obligés : en finir avec la dichotomie Industrie/Services, autonomiser le PIB non agricole et faire preuve d'un plus grand volontarisme par un signal fort de l'Etat.