Dans le cadre de la politique tracée par la direction du Centre hospitalier Ibn Sina, afin de réduire la durée moyenne du séjour pré-opératoire, il a été décidé que tout malade nécessitant une hospitalisation de chirurgie doit avoir : - Un bilan biologique pré-opératoire - Un avis de cardiologie - Un bon de donneurs de sang - Un avis pré-anesthésique À ce titre, il est demandé aux services d'établir un planning de consultation pour que nos malades puissent être vus en ambulatoire avant leur hospitalisation». Voilà. Le ton est donné, cette note de service somme toute banale qui vaut également pour les autres hôpitaux du Royaume, s'explique par une politique d'économie de bout de chandelle désormais imposée à tous les hôpitaux publics. En clair, et comme l'expliquent de nombreux praticiens, il s'agit d'une part de faire des économies sur la restauration des malades qui doivent attendre leur tour à l'hôpital afin d'être opérés et d'autre part, de faire face au manque de réactifs dans les laboratoires des hôpitaux pour faire les examens pré-opératoires. «Depuis quelques mois déjà, les chirurgiens demandent aux malades d'apporter avec eux les solutés glucosés et le sérum salé qu'on leur perfuse pendant l'intervention. Ils leur demandent par ailleurs d'acheter les antibiotiques, si nécessaire. Donc il n'y a plus de soins gratuits dans nos hôpitaux. On ne leur offre plus que l'acte chirurgical et encore. Cette nouvelle procédure va à l'encontre de toute assistance et déontologie médicale, surtout à l'encontre de malades, dont le traitement doit souvent être fait assez rapidement afin d'éviter l'extension et la dissémination de la maladie qui deviendrait dans ce cas, généralisée et incurable. Nous sommes clairement face à une situation de non assistance aux patients gravement malades, condamnés de ce fait à une mort rapide et inéluctable» s'indigne un praticien d'un hôpital de Casablanca. Ce qui vaut dans cet hôpital, est d'ailleurs la règle partout ailleurs. Il semble qu'il y ait une généralisation de cette politique inhumaine. À la veille de l'Aïd El Kébir, à l'hôpital public de Mohammedia, les personnels hospitaliers ont pratiquement «viré» les malades. Il ne fallait pas déranger le personnel lors de cette fameuse fête. Qui a protesté? Antichambre de la mort Personne?! Comme si les multiples injustices que provoque une vie déjà pas facile pour beaucoup, avaient dressé les gens à intégrer ces pratiques comme «normales». Comme si ce silence autorisait à son tour les personnels médicaux (certes pas suffisamment payés) à faire n'importe quoi, bafouant les règles les plus élémentaires de l'humanité, sans parler de l'éthique médicale ! Au CHU de Casablanca, le tableau est encore plus saisissant. Heureusement qu'il y a le petit marché aux fleurs juste à côté, ça met de la couleur et un peu de baume au cœur. Parce que là devant la porte du CHU d'Ibn Rochd, c'est une quasi-émeute. «Et encore, vous n'avez rien vu, allez donc à la grande porte de l'autre côté». Des femmes, beaucoup de femmes, des enfants aussi et quelques hommes, un peu en retrait qui observent l'air dubitatif et vaguement inquiet. Pour contenir le flot humain, deux malheureux agents de sécurité et une grille bien fermée. Seule une petite porte laisse filtrer quelques rares élus. Suivant quels critères ? Cela restera un mystère… pour moi et ceux qui restent sur le carreau, vociférant de plus belle. Ouf ! Je suis arrivé à pénétrer dans le jardin. Un petit chemin grimpe vers le bâtiment principal, celui des soins. À gauche, l'administration. Tiens ! Là sur la gauche sous une sorte de porche, il y a une autre émeute, plus petite mais aussi bruyante que celle de dehors. Soudain, une femme aux cheveux en bataille, sort en hurlant. La diatribe est efficace, le silence règne soudain et les petits oiseaux se font entendre de nouveau. Qui est la dame ? L'assistante sociale de l'hôpital. Qui se bat, seule, depuis des années après un diplôme obtenu en Belgique, «pour aider les familles les plus nécessiteuses. Sans trop pouvoir évaluer la vraie nécessité, d'ailleurs…» Dans le hall d'entrée, une autre émeute. Mais qui semble obéir à des règles bien précises. On sait depuis les études de Foucault, que la circulation dans les hôpitaux est l'une des grandes préoccupations de ce genre de lieux. Probablement que nul ici, n'a entendu parler de cela, mais il suffit d'observer quelques minutes le mouvement des gens pour comprendre que ce n'est pas juste une élucubration intellectuelle. Il y a bien des sens de circulations. Première direction : atteindre là-bas, sur le côté gauche le petit comptoir d'accueil. Deux demoiselles, l'une voilée, l'autre pas, tentent de répondre le plus calmement possible aux demandes formulées, on dira… avec pas toujours la courtoisie voulue. En face, un bureau vitré. Celui de l'infirmier (e) major. C'est un beau monsieur moustachu, affable, au parler doux. «Comme de toute façon je n'arriverais jamais à crier plus fort que tout ça» dit-il en balayant de la main le hall enfumé, «je préfère m'en tenir à mon habitude de parler normalement.» On a dit enfumé. Hé oui ! Malgré les panneaux (un peu minables et pas vraiment en vue) ça fume beaucoup ici. «Les toubibs les premiers. Ce sont eux qui fument le plus. Ça, c'est sûr !» souffle un agent de sécurité baraqué qui tente d'empêcher de monter dans les étages. Car les choses sérieuses en effet sont là-haut. Au troisième étage. Un escalier très large et très long (heureusement il y a des demi-paliers pour souffler) avec de belles fresques sur les murs. On arrive enfin. Ici, pas de bruit. Le changement est hallucinant. Avec l'odeur en prime. «L'odeur de la mort», dira cette petite stagiaire, toute seule, perdue dans le couloir. C'est vrai qu'en bas, malgré le désordre, la vie est évidente. Ici, les femmes, majoritaires là aussi, sont silencieuses et différentes. Il n'est pas besoin de se fier aux blouses. Ici tout le monde est tenu d'en porter une. Non, c'est le visage et le corps tout entier qui signale les appartenances. Les soignantes circulent rapidement, la tête levée, les bras souvent chargés, le regard attentif. Les autres vont lentement, tête baissée, les bras ballants, le regard vide. Elles «font» le couloir. Dans un sens. Puis dans un autre. Se croisant sans se regarder. Parfois, elles s'arrêtent devant une porte, hochent la tête et reprennent leur marche de zombie. Certaines d'entre elles pénètrent dans une salle et y disparaissent un moment. D'autres vont s'asseoir dans une sorte de tout petit salon marocain installé au fond du couloir. Une théière circule. On parle bas et peu. Dans les salles -les chambres dortoirs en fait- une rangée de lits, tête contre le mur, un passage au milieu. Des enfants, parfois tout petits, sont allongés là. Presque tous sont chauves. Certains ont de la vie dans le regard, les autres presque plus. Les corps abandonnés, le visage hâve, les mains triturées. Une seconde, le nouvel arrivant les étonne. Le regard interroge. «C'est qui celui-là? Un nouveau toubib ou quoi ?». Puis la lassitude reprend le dessus. Les épaules fléchissent, le dos s'arrondit, la tête se baisse dans le creux du bras. La mère caresse l'enfant lentement. Elle regarde sans voir elle aussi le nouvel arrivant. Certains enfants plus valides, sont emmenés à la salle de jeux. Là-haut, au dernier étage. Une grande salle lumineuse un peu foutoir avec des pots de peinture rangés le long d'un mur, une télé, des jouets. Un animateur (lui-même un «ancien malade» de l'endroit) occupe les petites mains, à dessiner, à jouer… Ici, ce qui frappe le plus, c'est l'absence de cris et de mouvements, caractéristiques de toute cour d'école. Ces enfants-là sont 1 200 à 1 300 chaque année, atteints pour la plupart de leucémie. Mais seulement 700 cas sont diagnostiqués sur ces 1 300. Le traitement est long et coûteux : de 30.000 à 50.000 DH par enfant et le Maroc compte seulement deux centres oncologiques pour enfants, à Rabat et Casablanca. Questions sans réponses C'est qu'en effet, la question de la santé publique relève de beaucoup trop de questions demeurées sans réponse efficace depuis trop longtemps. La liste est longue qui va de la formation à la moralisation des personnels, l'éducation et la sensibilisation des populations aux problèmes de santé, l'émergence d'une conscience civique chez les personnels pour s'auto-contrôler et chez les patients putatifs à ne plus se faire traiter comme du bétail. C'est sans doute ce dernier aspect qui pose le plus de questions. C'est sur fond de ces symptômes de naufrage depuis longtemps annoncé, que s'étaient ouvertes, il y a quelques deux ans de cela, les Journées portes ouvertes sur la réforme hospitalière en juin 2005. On y dissèque le Plan de Développement Sanitaire (en 2 épisodes de 1999 à 2004) qui énonçait un ensemble de principes fondamentaux pour la transformation du système de santé au Maroc. Il visait à travers la planification : «l'optimisation des ressources existantes», à travers l'organisation : «la déconcentration des pouvoirs de décision, la promotion d'un état d'esprit orienté vers l'initiative, et l'esprit d'équipe, l'intégration des activités des hôpitaux avec celles des soins de santé de base» et à travers la gestion : «la mise en place d'une compétence de gestion fondée sur la responsabilisation et l'imputabilité, l'amélioration de l'utilisation des ressources humaines, l'installation d'infrastructures et d'équipements adéquats». Il visait enfin un système de santé décentralisé, qui «favorise la responsabilisation, la coordination et l'intégration, l'efficience et l'efficacité». Rien de moins ! Un nouveau paradigme devait être adopté???: situer le patient au cœur du système organisationnel. Des objectifs ambitieux de transformation du système sont aussi fixés : améliorer l'accès aux services, leur qualité et leur continuité, afin de répondre de façon plus satisfaisante aux besoins de santé de la population. On recherche aussi une meilleure efficience économique à travers des mesures d'innovation organisationnelle, technologique et managériale. Le ministère de la santé reconnaît que la réorganisation de l'hôpital engage une démarche de changement majeur dans l'organisation des activités médicales, de même qu'un important renforcement dans l'organisation et la gestion des soins en général et des affaires administratives. L'adoption et le respect d'un ensemble de principes directeurs servent de grille d'analyse de la conformité de la structure et visent à assurer la cohérence interne pour répondre aux besoins des patients. Ainsi, la pratique professionnelle doit dorénavant reposer sur «l'approche globale, la multidisciplinarité et l'interdisciplinarité, l'éducation pour la santé et l'approche qualité». La préoccupation du management doit être centrée sur les résultats, reposer sur la responsabilisation et l'imputabilité, viser la complémentarité des dispensateurs de services, l'efficacité et l'efficience des services. Ce nouveau plan d'organisation de l'hôpital public au Maroc trace donc de nombreux axes d'amélioration de l'organisation et de la gestion des soins et services. Il relève même qu'il y a des défis de taille à relever : «le besoin de doter cette réforme hospitalière d'une base juridique en cohérence avec les objectifs et les principes directeurs adoptés, la nécessité de redéfinir le partage des responsabilités entre les niveaux central, régional et local et le besoin de doter les hôpitaux en ressources humaines, tant au plan quantitatif que qualitatif à même de répondre aux exigences du profil de postes de responsabilités cliniques et administratives.» Sans oublier que «cette réorganisation nécessite un appui et un soutien permanents des responsables quel que soient leurs niveaux hiérarchiques». On ne peut mieux dire (voir encadré «humour») mais reste à faire… Plus de deux après ce plan : parler de Santé publique au Maroc est en soi toujours un doux euphémisme. Les témoignages ne manquent pas. Qui n'a pas été effrayé des modes de prise en charge des malades aux urgences (voir encadré). Que dire encore des malades mentaux dont la situation est catastrophique et de celles des malades du SIDA (voir encadré) ? Couverture médicale sans assurance Pourtant l'Etat, en mettant en place l'AMO, l'Assurance-maladie obligatoire, donne une nouvelle vigueur au système de santé publique. L'intérêt que revêt le nouveau système de couverture médicale, destiné à garantir le droit à l'accès aux soins à l'ensemble des Marocains, est évident. Les soins pris en charge par l'AMO, sont aussi nombreux que variés??: suivi de la femme enceinte durant la période de grossesse et prise en charge dans le cadre de cette assurance, suivi de l'enfant jusqu'à l'âge de 12 ans, prise en charge des hospitalisations, qu'elles soient urgentes ou programmées, suivi des Affections longue durée (ALD) ou coûteuses… S'agissant du remboursement, le taux diffère selon les structures de soins. Ce taux est fixé à 90% si les soins accordés sont effectués dans des établissements publics et à 70% pour les soins effectués auprès des prestataires de santé privés. Enorme bémol à l'AMO cependant, de l'aveu même de l'administration, elle couvrira «au mieux 30% des Marocains» (29% exactement, soit quelque 8 588 805 bénéficiaires). Ceux qui ont la chance d'avoir un patron qui les déclare et paye ses cotisations sociales ! Les autres… mais c'est une autre histoire. En 2004, le président du Conseil national de l'Ordre des médecins, adressait aux présidents des Conseils régionaux de l'Ordre national des médecins et aux directeurs des cliniques, une circulaire portant sur l'exercice illégal de la médecine à titre privé par des médecins fonctionnaires. Cette circulaire faisait suite à celle adressée par le Ministre de la Santé, dans laquelle était spécifiée l'interdiction aux médecins fonctionnaires d'exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. Ce document, jusqu'à preuve du contraire, n'a dissuadé aucun médecin de contrevenir à la loi ni ne concerne les douteuses pratiques en vigueur dans trop d'hôpitaux. (Voir encadré) Quant à interdire par circulaire aux personnels de se faire rémunérer «en douce» ou se faire donner des fournitures médicales par leurs patients, il n'en est évidemment pas question. Ce serait reconnaître qu'il y a corruption… Pourtant qui ne s'est pas vu un jour demander par du personnel hospitalier telle ou telle fourniture… «en trois exemplaires SVP» ! Ces pratiques sont d'autant plus néfastes, qu'elles masquent les innombrables personnels médicaux et para-médicaux qui donnent bien au-delà de leur salaire, au métier qu'ils ont choisi. Alors que faire ? Briser le silence et parler. Faire savoir. Partager ses expériences. La loi et les textes seront à jamais impuissants s'ils ne sont pas relayés par la conscience citoyenne collective. Tant que l'inacceptable est accepté comme normal, rien ne changera. HUMOUR… involontaire Méthode d'évaluation par critères objectifs C'est une méthode d'évaluation de la qualité des soins par rapport à une norme scientifiquement reconnue ou à un consensus. Elle permet de mesurer les écarts dans le processus des soins. C'est une méthode simple et facile à appliquer en autonomie. Elle comporte quatre étapes : 1. Elaboration du projet d'étude : Qui consiste à choisir un sujet d'évaluation de la qualité, déterminer l'objectif, spécifier les paramètres (échantillonnage, période d'étude, ..) et élaborer les critères (éléments dont la présence témoigne de la qualité des soins) 2. Réalisation de l'étude : Elle consiste en la collecte des données à partir des différentes sources identifiées et la compilation des résultats sous forme de tableau. Chaque opération doit être faite par le membre de l'équipe le plus habilité à la faire. 3. Rapport d'étude : Les résultats sont présentés à l'équipe élargie qui va procéder à leur analyse et à la recherche des causes de non conformité en tentant de faire le consensus et de façon non personnalisée. L'équipe doit ensuite formuler les recommandations nécessaires à l'amélioration des problématiques identifiées. Ces recommandations doivent rester réalistes. 4. Suivi des recommandations et études de contrôle : L'équipe responsable de la qualité au sein du département (ou service) devra s'assurer du suivi des recommandations qu'elle aura formulées et veillera, pour ce faire, à refaire une ou plusieurs études de contrôles qui auront comme objectif de valider l'amélioration. La méthode d'évaluation par critères objectifs permet de mesurer des défaillances spécifiques, d'améliorer la qualité des soins avec des mesures quantitatives, d'éliminer la subjectivité tout en permettant des contrôles ultérieurs et la formation continue de l'équipe. Cependant cette méthode ne permet pas d'évaluer les situations cliniques complexes ou controversées ni le jugement fin. Extrait d'un énième colloque de médecins Urgences Tranche de vie «Tout d'abord mon mari a été transporté à l'hôpital, arrivé là-bas, tout le personnel semblait occupé ! On est aux urgences me direz-vous ? J'ai dû me frayer un chemin dans le couloir, en passant par-dessus des gens allongés sur le sol et attendant péniblement d'être pris en charge par le personnel de l'hôpital. Après avoir essayé d'éviter tous les malades qui gisaient parterre, je suis enfin arrivée dans une salle où infirmiers et médecins se racontaient des blagues devant la télévision. J'ai interpellé une infirmière, qui, venant à ma rencontre m'a suggéré d'aller attendre comme tout le monde. C'est vrai qu'on est dimanche. Sortant un billet de 100 dirhams, j'ai su «convaincre» la «pauvre» infirmière. «On» a admis mon mari aux urgences. A la fin de son examen (11 minutes montre en main) le médecin s'est approché de moi : «Madame, votre mari a besoin d'un scanner, mais comme on est dimanche c'est fermé, revenez demain avec une personne pour que vous puissiez conduire votre mari au centre du scanner. 2000 dirhams au total». Il m'a ensuite remis une ordonnance de… 1800 dirhams ! Lundi, après le scanner, nous revenons à l'hôpital. Au bout de 3 heures d'attente, rebelote : J'ai dû distribuer quelques billets de 50 dhs pour que quelqu'un trouve enfin une chambre. Le premier médecin qui nous avait déjà reçu n'était plus en service et le dossier de mon mari était introuvable. Forcément me direz-vous, le personnel du week-end n'est pas celui de la semaine ! Verdict final : une semaine d'hospitalisation à raison de 1 500 à 2 000 dirhams par jour ! Ah ! J'oubliais ! Pendant toute cette semaine, j'ai dû débourser 100 dhs supplémentaires, par nuit, pour le médecin et l'infirmier de nuit, car chaque nuit mon mari qui délirait les «a réveillés, alors ça se paye n'est-ce pas»? Au bout d'une semaine à ce régime financier, autant vous dire que nous sommes ruinés, et mon mari, du fait de sa maladie, ne peut plus travailler. Et encore, nous avons pu payer... comment font les gens qui ne peuvent pas ?». Dans une Maternité Naissances surtaxées «Aujourd'hui, ma petite sœur vient d'avoir une petite fille toute mignonne. Le travail a commencé tard hier soir. Mon beau-frère, un peu paniqué (c'est leur premier bébé) a dû l'emmener à la maternité, une maternité renommée, des certifications, des homologations, des médailles et trophées de «qualités» et sans parler des honoraires surtaxés exorbitants. Tout ceci semble bien beau, mais ce que j'ai vu, entendu et senti ce matin, m'a vraiment poussé a lancer un cri de rage et de dégoût. Un pôle médical qui attire les gens de tout le pays, mais aussi des expatriés résidents ici, des gens qui viennent de loin parfois pour faire des opérations chirurgicales qui ne se font pas dans leurs pays… Tout est beau à lire et à entendre, j'aurais vraiment été séduit par ça, mais après avoir vu cette saleté, ce désordre, ce manque de sécurité et d'organisation, senti ces odeurs écœurantes, et entendu ces bruits, ces querelles entre infirmiers dans les couloirs, ces meules à disque tourner et les visiteurs qui criaient de toutes leurs voix a quelques mètres des malades et des nouveaux-nés, je reste vraiment bouche-bée et déçue. Mon étonnement a commencé quand je suis entré dans la clinique. On y entre comme on entre dans un moulin, personne ne se soucie de rien, je monte directement au service de néonatologie, je trouve des infirmières en train de rigoler, je leur demande le numéro de la chambre, l'une d'entre elles se met à crier dans le couloir, elle appelle une collègue et lui demande où était la jeune femme qui a accouché très tôt le matin, l'autre lui répond «Ah ! Celle qui porte des lunettes ? Chouf la chambre 2» Je traverse le couloir, on dirait une décharge publique, des odeurs nauséabondes et des saletés partout, deux infirmiers qui se prenaient la tête juste à coté d'une pancarte sur laquelle est écrit : «Silence les bébés dorment» J'atteins la chambre au bout du couloir, on entend les travaux d'en bas, on coupe du fer près des chambres, on tape du marteau et on crie, car avec le bruit de la meule, même les ouvriers n'arrivent pas à communiquer. Ma sœur m'a dit : Même un dinosaure n'aurait pas pu dormir avec un tel boucan. Alors un nouveau-né… Calamiteux, et totalement irresponsable». sida La maladie progresse, les mentalités pas vraiment… En décembre 2006, Abdelmalek Aboud, directeur du centre régional des maladies sexuellement transmissibles (MST) de la délégation provinciale de la santé à Tanger, intervenant lors d'une rencontre de sensibilisation organisée à l'occasion de la journée mondiale de la lutte contre le sida, annonçait que deux tiers des malades du sida au Maroc sont des jeunes. Exactement 66% des quelque 2 080 cas de malades officiellement recensés en 2006. En dépit des efforts déployés pour endiguer la pandémie, la propagation de la maladie a continué durant ces dernières années dans des proportions alarmantes, avait déploré M. Aboud, relevant que 54% des cas recensés ont été enregistrés au cours de la période 2001-2005. Lors de cette rencontre, la présentation de la stratégie nationale de lutte contre le sida pour la période 2007-2011, a insisté sur la «grande importance donnée à la sensibilisation» de près d'un million de personnes, notamment parmi les sujets à risque et la réalisation de quelque 150 000 tests de dépistage. Elle vise aussi à porter la prise en charge médicale à 4 000 malades au lieu de 1 580 actuellement. Une telle stratégie nécessite un coût estimé à 47 millions de dollars. Un montant financé essentiellement par l'aide d'organismes onusiens chargés de la santé et la contribution des ONG mobilisées dans la lutte contre le sida. «La stratégie nationale accordera un intérêt particulier à l'implication du tissu associatif au volet sensibilisation et prévention». Elle veillera aussi à trouver «les moyens de fédérer les efforts des associations pour une lutte efficace contre la propagation de la pandémie et une sensibilisation appropriée ciblant la jeune population». Quid des personnels médicaux ? Il n'en est nullement mention dans aucun document officiel. Evidemment, puisque logiquement les personnels hospitaliers sont formés à l'accueil de ces malades. Pourtant…«(…) les malades du sida ne sont pas ceux qu'on croit. Les sidéens du Maroc, ce ne sont pas uniquement un groupe de jeunes invertis (homosexuels) ou de débauchés «punis» dans leur quête du «plaisir». Tels sont les mots d'une journaliste (d'un hebdo économique) qui raconte les affres d'une jeune femme atteinte du sida. Comment voulez-vous que les choses changent ? Et cette personne fait théoriquement partie des gens «informés» et «instruits». Que dire également de ces infirmiers qui refusent de toucher -oui de toucher- les malades atteints du SIDA ? «Etre malade au Maroc, ce n'est déjà pas facile, mais être malade du SIDA, c'est pire que tout. Même les soignants nous jugent et nous traitent en paria. Le Sida fout ma vie en l'air à petit feu. Celle de mes gosses aussi. Mon mari, merci. C'est lui qui m'a transmis la maladie et je l'ai transmise à mon tour à mes propres enfants. À cause de ma maladie, j'ai perdu mon emploi. Le Sida détruit la vie de mes enfants. Et comme si ça ne suffisait pas, je me coltine à chaque fois les infirmières qui chuchotent dans mon dos. Quand j'arrive à la consultation des nourrissons à l'hôpital, les bonnes femmes écartent les autres enfants du mien». Ce sont les infirmières qui parlent. Elles ne savent pas comment se transmet le SIDA ou quoi ? «Mon fils aîné avait un an et demi à l'époque. À l'hôpital, c'est une aide-soignante, qui, un jour, voyant comme il était très faible et que son état de santé se dégradait de jour en jour, m'a conseillé de faire le test de dépistage du VIH. Vous croyez que le toubib de service n'aurait pas pu le remarquer depuis longtemps? Ce même médecin, qui ne m'a pas conseillée, s'est quand même déplacé pour aller dire à ma famille ce qu'il en était. L'annonce a été calamiteuse pour ma famille très conservatrice comme ce médecin d'ailleurs ! Le choc a été d'une violence inouïe, un psychodrame indescriptible. Avant j'avais seulement (si j'ose dire) peur du rejet et de la discrimination. Idiote que j'étais, j'avais peur d'être jugée et condamnée par la société. Eh bien non seulement je le suis, condamnée, par ma famille, la société et tout et tout… mais aussi par le personnel hospitalier. Personne à l'hôpital -vous m'entendez personne- ne me sert la main, ni n'embrasse le dernier enfant qui me reste. Mon fils est mort l'an dernier. Par la faute d'un médecin qui a mis une année pour diagnostiquer le VIH». serment d'Hippocrate Extraits «Au moment d'être admis (e) à exercer la médecine, je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l'honneur et de la probité. Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J'interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l'humanité. J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n'exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences. Je donnerai mes soins à l'indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. Admis(e) dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu (e) à l'intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. Je préserverai l'indépendance nécessaire à l'accomplissement de ma mission. Je n'entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés. J'apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu'à leurs familles dans l'adversité. Que les hommes et mes confrères m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses, que je sois déshonoré (e) et méprisé(e) si j'y manque».