De l'avis de tous, aussi bien des admirateurs de son art que ceux qui ne le portent pas dans leurs cœurs, Tayeb Saddiki était et demeure un monument du courant théâtral au Maroc. Et pour cause ! Cela fait presque 60 ans qu'il roule sa bosse sur les planches, avec à chaque fois une énergie intacte renouvelable et une bonne dose de volonté et de savoir-faire, pour chercher à convaincre, dans des œuvres réputées difficiles à aborder, genre «El Herraz» ou «Makamate Badiaâ Ezzamane El Hamadani». Aussi, de nombreux artistes, comédiens et groupes musicaux de grande réputation, lui doivent leurs carrières. Entre autres Bziz et Baz, Jil Jilala, Nass El Ghiwane,...Saddiki a, par ailleurs, occupé durant un certain nombre d'années, le poste de directeur du défunt Théâtre Municipal de Casablanca, pépinière incontestable de la plupart des hommes de théâtre marocains. Bref, décortiquer l'ensemble de sa carrière ne s'avère pas une mince affaire ! D'ailleurs, le bonhomme haut en couleurs, n'a pas besoin d'être présenté. Sa longue carrière, ses œuvres (dont de grandes fresques ainsi que son unique et inoubliable film «Ezzefte») parlent pour lui. Interviewons-le. La Gazette du Maroc : Tout d'abord, dites-nous brièvement comment ont été tes débuts artistiques et en quelle année exactement s'est effectué le démarrage ? Taïeb Saddiki : Je ne parle pas de l'époque de formation, mais je crois que mon vrai démarrage c'est quand je suis devenu directeur du Théâtre municipal de Casablanca à l'âge de 23 ans. Gardes-tu un souvenir de ce premier pas ? Mes souvenirs les plus formidables, sont ceux de jouer dans un endroit où le public n'a jamais vu de théâtre. Est-ce que Tayeb compte, comme tout le monde ou presque, des ennemis dans le domaine artistique et comment il se comporte avec eux ? Je ne me connais pas d'ennemi déclaré, et s'il en existe je m'en fous ! Si tu n'avais pas été destiné à l'art, quels sont les trois autres métiers (par ordre de préférence) pour lesquels ton coeur aurait balancé ? L'architecture, l'architecture et encore l'architecture ! As-tu un mot à dire sur une certaine hypocrisie qui, hélas, fausse les relations entre les gens en société ? Je ne suis pas responsable de la société. D'abord, j'ai été destiné, selon l'orientation professionnelle, à travailler dans les PTT. Domaine où j'ai effectivement atterri, puisque je pratiquais dans un Petit Théâtre Tranquille... Et sur ce phénomène naissant de rendre des présumés hommages, avec ou sans occasion, à tous ceux qui bougent (ou qui ne bougent pas) sur la scène artistique, crois-tu qu'il est logique et admissible de «brosser sa propre publicité» sur le dos de ces « pauvres » artistes honorés ? Les hommages ont toujours une odeur d'enterrement. Quel est le souvenir artistique le plus doux que tu gardes bien au fond de ta mémoire C'est toujours de jouer devant un public qui découvre le théâtre. Et celui qui te fait toujours encore le plus mal ? Les souvenirs les plus douloureux, c'est toujours quand on perd un ami cher. Je me contente de nommer Chtiwi, Bouâzza El Himr, Boujmiî et Alloula. Sur un tout autre plan, la prétention dans le comportement d'un artiste, cela t'inspire quoi au juste ? Cela me laisse totalement froid. Es-tu au courant d'une certaine couverture médicale dont vont bénéficier (si ce n'est déjà fait pour une partie de «chanceux») plus de 600 artistes marocains, essentiellement ceux de la chanson ? Et comment juges-tu cette initiative ? J'applaudis des deux mains ce genre de décision. Si tu disposais d'un poste d'influence dans un ministère chargé des Affaires artistiques, quelles seraient les premières mesures urgentes à prendre ? Je préfère ne pas être dans un poste d'influence et m'occuper de mon... PTT. À ton avis, nos deux chaînes de télévision jouent-elles vraiment leur véritable rôle dans l'encouragement et la promotion de nos jeunes talents, comédiens et chanteurs confondus ? Je n'en sais strictement rien et je laisse les téléspectateurs juger d'eux-mêmes. À part le théâtre, disposes-tu d'autres penchants dans ton arc ? La calligraphie peinture et la poésie. As-tu une opinion précise sur les jeunes qui, ces temps-ci, tournent le dos au mariage ? Je m'en fous ! Je ne suis pas responsable de la société. Un mot franc et sincère sur les artistes très aisés matériellement ? « Allah izidhoume » ! Que pensez-vous de la femme de nos jours et de la mode ? Encore une fois, je n'ai pas d'avis là-dessus ! Une opinion très brève sur ces trois artistes : Tayeb Seddiki - Abdelkader Badaoui - Nabyl Lahlou. Je croyais que cette interview concernait le théâtre. Je constate que vous être hors sujet. Comment procèdes-tu pour choisir tes amis afin de ne pas être déçu par la suite ? D'abord, je ne choisis pas mes amis. C'est la vie qui organise tout cela. Quelle est ton opinion sur les gens qui n'arrêtent pas de critiquer leurs amis ? Ceux qui n'arrêtent pas de critiquer, ne sont pas mes amis. Une question d'actualité et qui doit être nécessairement abordée : Quel conseil donnerais-tu à la nouvelle ministre de la Culture? Je ne donne aucun conseil, parce que je sais pertinemment qu'ils ne font plaisir qu'à ceux qui les donnent. As-tu une explication, en bref, à tous ces actes de sabotage dont vous êtes souvent victime ? Je ne suis pas au courant des actes de sabotage dont je serais victime. Une autre question d'actualité et qui te concerne personnellement : Es-tu toujours aussi découragé dans la réalisation de ton audacieux projet de Théâtre privé à Casablanca ? Pour mon projet, le théâtre Mogador, je tiens le coup et je le construis grâce à mon ... infortune personnelle. Pour terminer, quelle est, à ton avis, la question la plus gênante à laquelle tu as échappée dans le présent entretien ? Tu ne m'as heureusement pas posé la question « combien je gagnais par mois » ?