Les mesures annoncées par S.M le Roi préfigurent le dégel. Les deux pays voisins n'ont qu'une issue : la coopération Le communiqué final des entretiens Benaïssa-Palacio était trop vague. Le Roi du Maroc lui donne un contenu. En esquissant une sortie au problème de la pêche, le Souverain marocain ouvre la voie à une normalisation globale entre les deux pays. En appelant à la fois Aznar et Juan Carlos, il donne à son initiative une envergure qui dépasse le conjoncturel. Le problème de la pêche est très sensible en Espagne, d'autant plus que la catastrophe écologique qui a frappé la Galicie met au chômage les pêcheurs du littoral. Le geste marocain est d'abord un geste de bonne volonté pour faciliter la suite. Les problèmes entre les deux pays ne manquent pas. Et jusqu'ici, les deux diplomaties, se voulant inflexibles, ont pourri la situation. L'Espagne peut, à la limite, montrer quelque nervosité face au refus du Maroc de reconduire l'accord de pêche. Pour ceux qui l'oublieraient, les Ibériques en étaient arrivés à une guerre larvée avec le Canada pour les mêmes raisons. Aucune explication rationnelle ne justifie pleinement une telle susceptibilité espagnole. Les apports de la pêche hauturière pouvant être compensés par ailleurs. Le poids électoral du lobby des pêcheurs et la capacité de mobilisation médiatique est la véritable explication. Le Maroc, lui, a des griefs divers envers l'Espagne. D'abord, la permissivité de nos voisins vis-à-vis du Polisario. L'Espagne et les îles Canaries sont des terrains de prédilection de la campagne de désinformation séparatiste. Que peut faire l'Etat ? Pas grand-chose pour Madrid. Faux, rétorque Rabat qui met à l'index plusieurs actions surtout pour un pays comme l'Espagne qui est lui-même menacé dans son intégrité territoriale. Ensuite, les attaques contre la personne du Roi dans la presse espagnole n'ont pas fini d'irriter en haut lieu. Madrid répond : "la presse est libre". Certaines campagnes paraissent pourtant orchestrées. Le Maroc n'est pas en reste dans ce jeu de quilles. Des officiels ont manipulé une partie de la presse pour une campagne accusant l'Espagne et ses services de toutes les avanies. Tout cela étonnait les démocrates, les gens censés des deux côtés du détroit. Les deux parties allaient à contre-courant de l'histoire. Le diktat de la géographie Les deux pays, en effet, n'ont pas que des sujets de discorde. Si la pêche est un élément de discorde, on peut penser qu'elle pourrait constituer un domaine de partenariat. La concurrence sur les exportations agricoles devrait être atténuée par l'élargissement de l'Union européenne. Mieux, là aussi, un front du sud de la Méditerranée est envisageable. Le Maroc ne peut penser son avenir en dehors de l'arrimage à l'Europe et il ne le pense pas. L'Espagne a besoin du Maroc, espace d'expansion s'il en fut, porte de l'Afrique et du monde arabe. Les deux pays sont condamnés à s'entendre. Le Roi du Maroc a donné une impulsion inattendue à la normalisation entre les deux pays. Les négociations vont probablement continuer dans de meilleures conditions. Encore faut-il que les Espagnols comprennent que le Sahara et Sebta et Mellilia sont des causes sacrées. Et que les Marocains prennent en considération les impératifs de Madrid. Le conflit n'a que trop duré, aux diplomates de se mettre au niveau des évidences stratégiques et d'oublier leur épiderme aux vestiaires. “Les attaques contre la personne du Roi dans la presse espagnole n'ont pas fini d'irriter en haut lieu. Madrid répond: "la presse est libre". Certaines campagnes paraissent pourtant orchestrées”.